Sahara occidental : Madrid torpille la manœuvre marocaine

Encore une fois le Maroc est pris en flagrant délit de mensonge et de manipulation. Une manœuvre dilatoire qu’il affectionne depuis des années et qui s’est illustrée à l’issue de la rencontre entre le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son homologue marocain Aziz Akhannouch.
Les médias du makhzen n’ont pas hésité a faire dire aux espagnols ce que la réalité a démenti à savoir accréditer la thèse selon laquelle l’Espagne aurait enfin accepté de reconnaître la souveraineté pleine et entière du Maroc sur le Sahara occidental y compris l’espace aérien.
Mais l’illusion s’est rapidement effritée, le gouvernement espagnol n’a pas mangé de ce pain torpillant au demeurant l’ambition démesurée et illégitime du makhzen. C’est le quotidien espagnol El Independiente qui le confirme en citant des sources gouvernementales espagnoles présentes durant la rencontre entre Sanchez et Akhanouch. Ce que Rabat espérait tirer de Madrid a été mise à nu : une reconnaissance explicite de sa souveraineté sur le Sahara occidental en échange d’une réaffirmation de la souveraineté espagnole sur les îles Canaries. Une sorte de troc diplomatique, inédit et suicidaire, que l’Espagne a tout simplement refusé.
En dévoilant l’échec du marchandage proposé à Madrid, El Independiente a mis fin à la fiction d’un Maroc sûr de lui et capable d’imposer son agenda. La preuve la plus solide du revers magistrale marocain est consignée dans la déclaration conjointe publiée à l’issue de la réunion entre Sanchez et Akhanouch.
Dans les sept premiers points, les deux pays évoquent le bilatéral de manière convenue sous la formulation protocolaire « les deux parties » ou « Maroc et Espagne ». Mais au huitième point, concernant le Sahara occidental, la rupture entre les deux parties est totale. L’Espagne s’y exprime seule, sans langage commun, et se contente de rappeler sa position déjà connue, à savoir soutien au processus de l’ONU, accueil favorable de la dernière résolution du Conseil de sécurité et appui aux efforts du secrétaire général et de son envoyé personnel.
Aucune mention de reconnaissance d’une souveraineté marocaine de la part de Madrid et aucun engagement politique nouveau. Ce choix de formulation n’a rien d’un détail, c’est un signal diplomatique clair que l’Espagne refuse le marchandage marocain.
Depuis plusieurs années, Rabat utilise la communication agressive comme outil diplomatique. Chaque visite, chaque communiqué, chaque photo officielle sont immédiatement instrumentalisés pour présenter la thèse d’un Maroc inflexible, auquel les capitales européennes se rallieraient, sans retenue, sur la question du Sahara occidental.
En cherchant à obtenir de Madrid ce qu’aucun Etat européen ne peut accorder, à savoir une reconnaissance formelle d’une souveraineté qui contredit le droit international, Rabat a fait étalage de ses propres limites. Cette tentative de troc a choqué les cercles diplomatiques espagnols.
Elle a aussi rappelé une vérité que Rabat et ses soutiens voulaient omettre: le dossier du Sahara reste une question de décolonisation sous mandat exclusif de l’ONU.
En dépit de sa position controversée de 2022, Madrid s’oppose à l’annexion par la force du Sahara occidental exercé à ce jour par le Maroc. L’Espagne ne veut pas se retrouver dans un affrontement frontal avec ses partenaires notamment européens pour satisfaire les ambitions marocaines sur le dos des résolutions de l’ONU. Madrid se montre respectueuse de l’option diplomatique pour le règlement du confit qui oppose le Maroc au front Polisario.
Le royaume marocain se retrouve désormais face à une contradiction douloureuse : à l’intérieur, il doit entretenir l’illusion d’avancées diplomatiques ; à l’extérieur, il doit composer avec des partenaires qui refusent sa vision rédhibitoire.
Le résultat est sans appel : la rencontre Sánchez–Akhannouch, loin d’être une victoire, s’est transformée en un camouflet diplomatique pour Rabat.
Depuis plus d’une décennie, Rabat multiplie les initiatives, souvent qualifiées de pressions ou de chantages diplomatiques, pour pousser les pays européens à revoir leur position sur le Sahara occidental. Ces méthodes, désormais bien documentées par la presse européenne, suivent toujours le même objectif celui d’obtenir une reconnaissance explicite ou implicite de la souveraineté marocaine sur le territoire sahraoui occupé.
Malgré ses discours triomphalistes, le Maroc n’a pas réussi à faire basculer l’Espagne dans la reconnaissance de la souveraineté sur le Sahara occidental. Le conflit demeure, plus que jamais, dans le cadre onusien. Et tant que ce cadre existe , aucune déclaration médiatique ne pourra transformer une occupation en souveraineté légitime, écrit le quotidien espagnol.
Le cas le plus emblématique reste l’épisode de l’enclave espagnole de Ceuta lorsqu’ en mai 2021, des milliers de migrants, dont de nombreux mineurs, ont franchi la frontière après un relâchement soudain des contrôles marocains. La presse espagnole avait alors accusé Rabat de se servir de la migration comme arme politique pour punir Madrid d’avoir accueilli le président sahraoui, Brahim Ghali, pour des soins médicaux.
Sans oublier les enquêtes menées par plusieurs médias européens, qui ont révélé l’existence de réseaux de lobbying marocains actifs auprès de députés, diplomates et consultants à Bruxelles. L’affaire Marocgate, impliquant des soupçons de corruption au Parlement européen, a confirmé l’usage par Rabat de moyens non conventionnels pour influencer les votes et la perception du dossier sahraoui au sein de l’UE.