Nationale

La crise économique et l’austérité vont-elles menacer la révision constitutionnelle ?

De nombreux analystes politiques pensent que le début de la crise économique et les premières mesures d’austérité pourraient bien peser de tout leur poids sur le débat politique actuel.

En effet, on affirme bien que désormais la dégringolade des cours du baril sur les marchés mondiaux et l’impossibilité de les voir remonter en quelques mois va obliger le gouvernement Sellal à jouer « la ceinture » et recadrer son discours envers l’opinion publique.

S’il est vrai qu’on évite, à tout prix, toute panique ou psychose et ses risques de tension ou de chaos social, le gouvernement doit jouer la transparence sur un débat aussi vrai que critique, qui est justement la crise, la rigueur, l’austérité et les mesures impopulaires.

C’est d’ailleurs sur ce terrain que les observateurs font part, ces derniers temps, de leurs réflexions sur une éventuelle mutation du débat politique.

Alors qu’on gargarise depuis de longs mois l’opinion nationale sur la révision constitutionnelle et ses interminables tractations ou consultations, voilà que le risque d’un changement de priorité devient une option plus politique que jamais pour ne pas dire une opportunité de taille. Et c’est justement le discours qu’on perçoit actuellement dans les milieux ou les sphères qui soutiennent le président Bouteflika.

Qui pourrait bien empêcher le chef de l’Etat à brandir le prétexte de la crise économique, ses périls et ses retombées pour faire l’impasse sur son projet controversé de révision constitutionnelle ?.

Tout le monde sait que cette révision n’a pas réussi à rassembler les forces politiques nationales, qu’elle a creusé au contraire le fossé qui sépare le pouvoir et ses partisans avec l’opposition hétéroclite mais organisée depuis le sommet de Zeralda en juin dernier. L’unanimité que cherchait Bouteflika pour accoucher d’un « traité consensuel » ou d’un texte rassembleur est devenue une aspiration impossible politiquement.

D’abord, cette opposition s’est organisée autour d’une coordination nationale avec des structures et des mécanismes de fonctionnement que le président lui même et ses partisans n’ont réussi à le faire.

L’ancien bloc, dit de l’alliance présidentielle, s’est écroulé depuis le fameux divorce avec le mouvement islamiste MSP. Toujours en face, le candidat des présidentielles, Ali Benflis, s’est lui même regroupé dans un autre front aussi large que possible, appelant au changement rapide du régime.

Ainsi, deux grands blocs de l’opposition font face à Bouteflika et maintiennent qu’ils n’adhéreront pas à son chantier de révision de la Constitution.

Comment dans ces conditions, le président de la République pourrait concrétiser son projet avec une adhésion d’une grande partie de la classe politique ? Comment pourra t-il aller jusqu’au bout de son programme de « réformer » la Loi Fondamentale, alors que l’année qui va commencer sera une année totalement acquise à la crise économique, aux mesures d’austérité, à la guerre à l’inflation au gel des recrutement dans les secteurs publics, à la hausse des prix des produits de large consommation, à la dépréciation du dinar et les hausses des devises ?

Quelle est la couche sociale, pauvre ou moyenne de la société algérienne, exerçant soit dans le tertiaire, soit dans l’informel, qui pourrait s’intéresser aux nobles objectifs d’une révision de la constitution, à ses louables principes d’équilibre des pouvoirs, aux renforcement de l’exercice démocratique ou à la consécration des libertés, voire même au changement de la nature du régime politique ou aux attributs et autres prérogatives des institutions populaires, alors que la réalité quotidienne sera dominée d’abord et avant tout par la spéculation qui menace les prix des denrées, par la gravité de la chute inscrite dans la durée des recettes et les coupes budgétaires qui ne manqueront pas d’alarmer notre opinion ?

Pour beaucoup de nos analystes, il est presque politiquement incorrecte de parler de révision constitutionnelle, débat éminemment politique, alors que le pays vit une situation économique critique et délicate.

Et c’est justement ce qui pourrait bien enterrer encore une fois ou geler ce vieux projet de Bouteflika. Un gel, un report ou peut-être une annulation pure et simple que Bouteflika voudrait bien, juste pour ne pas s’embarrasser avec la montée en puissance des blocs de l’opposition et leur radicalisme total envers tout ce qui vient du pouvoir. Un gel qui pourrait bien être une carte secrète pour « masquer » l’échec de son projet de révision.