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Nationale

Belkacem Djaafria, l’élève de l’historien Abderrahim Taleb Bendiab

Belkacem Djaafria, l’élève de l’historien Abderrahim Taleb Bendiab

Au miroir de son vécu, les souvenirs professionnels se bousculent. A commencer par les « memories » des années « baptême de feu », celles de ses débuts sous la bannière de l’ENTV. La mémoire de Belkacem Djaafria s’en rappelle comme si cela datait d’hier.

Son parcours professionnel est jalonné de bons points. Qu’il s’agisse des sujets ‘’news’’, des reportages pour les besoins des JT et des émissions d’information ou des documentaires thématiques, le compteur des ‘’travaux’’ signés par ses soins a toujours tourné à plein régime. « C’est un journaliste à la persévérance de tous les instants. C’est surtout un passionné de l’histoire du mouvement national et de la guerre de libération », témoigne à son crédit son premier directeur de l’information, Ammar Bakhouche.

Féru d’histoire, Belkacem Djaafria l’est et à l’envi. A la différence de nombre de ses pairs qui se sont passionnés pour ces sujets une fois leur carrière lancée, le natif de Sedrata y était déjà préparé. L’histoire, il a aimé avant de franchir le portail du 21, bd des Martyrs en 1990.

Entre 15 et 18 ans, il était un lecteur insatiable de livres et de textes sur la guerre d’indépendance. De surcroît, son intérêt pour ces sujets a été nourri par le passé révolutionnaire de son berceau de naissance. En effet, le nom de Sedrata résonne dans l’histoire comme un bastion nationaliste qui, entre autres figures, a enfanté deux officiers de l’ALN et de l’ANP : le colonel Said Abid et le commandant Salah Soufi, de son vrai nom Salah Bendidi.

Quand l’ENTV a diffusé – avec le succès que l’on sait – Aux sources de Novembre, la série de films documentaires signés Djelloul Haya, Belkacem Djaafria n’était pas encore à pied d’œuvre au 21, bd des Martyrs. Il le sera en décembre 1990. « C’est moi qui l’ai recruté et c’est moi qui l’ai soumis au test de sélection. D’entrée, j’ai décelé chez lui une ambition féconde et une envie de réussir », rappelle Ammar Bakhouche.

Affecté à la rubrique internationale, Belkacem Djaafria sera vite rattrapé par son sujet de prédilection. En 1993, de retour pour la seconde fois à la tête de la Télévision, le regretté Abdou B. veut poursuivre le travail lancé lors de son premier passage au « 21 ».

A la veille du 39e anniversaire du 1er-Novembre, Ammar Bakhouche charge Belkacem Djaafria de faire un portrait sur Krim Belkacem, membre du comité des Six, chef de la Zone III, vice-président du GPRA, membre du comité interministériel de guerre et chef de la délégation algérienne aux négociations d’Evian.

En concertation avec Abdou B., le directeur de l’information jette son dévolu sur le journaliste dont il connaît l’intérêt pour les sujets d’histoire.

Dans un premier temps, Belkacem Djaafria semble réticent, et pour cause ! S’il s’agit de faire un portrait sans dire que Krim a été assassiné, autant se désister. Cela n’a pas échappé à Ammar Bakhouche. « Tu écris ton sujet comme tu le sens et en professionnel. Tu portraitures Krim Belkacem comme il a été à l’épreuve des faits ».

Le directeur de l’information valide le texte sans y toucher. Le soir, les téléspectateurs découvrent au JT un portrait d’une durée de quatre minutes. Pour la première fois, l’ENTV évoque l’assassinat de Krim Belkacem. Le journaliste conclut son portrait en ces termes : « L’Algérie se souviendra toujours du nom qui a paraphé – en son nom – le 18 mars 1962 les Accords d’Evian », couronnement du combat libérateur par l’indépendance et la liberté retrouvée. Le sujet a eu une grande résonance.

Quelques semaines plus tard, le 27 décembre 1993, l’ENTV veut être au rendez-vous de la commémoration du 36e anniversaire de la mort de Abane Ramdane (27 décembre 1957). A l’évidence, il est hors de question aux yeux de l’ENTV de Abdou B. de faire un remake de la une du journal El Moudjahid (numéro 24 daté du 29 mai 1958) : « Abane Ramdane est tombé au champ d’honneur ». Pour Ammar Bakhouche, l’auteur du portrait de Krim est tout indiqué pour signer le sujet Abane appelé à passer au JT de 20h. Belkacem Djaafria raconte l’histoire en faisant un focus sur le voyage fatidique de Tunis à Tétouan via l’Espagne.

La chute du texte est à l’image de celle du portrait sur Krim. Poignante et douloureuse : « Le fils de Azouza – visage natal de Abane – restera une blessure dans la mémoire de la Révolution. » En l’espace de huit semaines, la Télévision algérienne a signé par la plume d’un jeune journaliste de 34 ans deux sujets sur des figures nationalistes. Deux dirigeants de la Révolution dont les assassinats ont longtemps été occultés dans les JT et autres programmes. Forts d’un traitement à rebours du traitement antérieur, les deux sujets ont fait parler.

Des téléspectateurs à la critique médiatique, en passant par la classe politique, tous ont salué une rupture dans la narration de deux épisodes longtemps victimes de la chape de plomb.

De sujet ‘’news’’ en reportage, Belkacem Djaafria poursuit son bonhomme de chemin, animé plus que jamais par sa passion pour les thématiques de la guerre de libération nationale. A l’aube des années 2000, il s’attaque à un sujet sur ‘’ceux qui ont dit non à la guerre d’Algérie’’, les déserteurs et les insoumis français. Une fois n’est pas coutume, ça ne sera pas un sujet d’une poignée de minutes destiné au JT mais un film documentaire programmé dans le cadre du 40e anniversaire de la signature des Accords d’Evian et la proclamation du cessez-le-feu.

Inspirés, Belkacem Djaafria et l’ENTV intitulent le film On nous appelait les déserteurs, un titre qui résonne en écho à On nous appelait fellaghas, le premier livre du Commandant Azzedine (éditions Stock, 1976). Voulu comme un ‘’hommage’’ aux Français qui ont aidé la guerre d’indépendance – déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience –, le film a donné la parole à neuf déserteurs dont Noël Favrelière, parachutiste qui a déserté avec arme et bagages après avoir libéré un moudjahid prisonnier.

Belkacem Djaafria a également recueilli les confessions de Jean-Claude Giradin, André Gazut, Michel Bauzut, Louis Orhant et d’autres réfractaires à la guerre d’Algérie. Diffusé sur la Chaîne nationale et Canal Algérie, On nous appelait les déserteurs a fait l’objet d’une dépêche AFP, ce qui a permis de lui donner un surcroît de résonance à l’étranger. Le lendemain, France 3 de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a invité Djaafria à parler de son film et de ses entretiens avec les déserteurs.

Autre temps fort de l’œuvre de Belkacem Djaafria dans le registre de l’histoire et de la mémoire, un film pertinemment documenté sur le ‘’réseau yougoslave’’ de soutien à la guerre de libération. Un magnifique gros plan sur Stevan Labudovic (1926-2017), plus connu sous le nom du ‘’cameraman de la Révolution’’.

C’est Belkacem Djaafria qui a eu l’idée de ce film et l’a suggérée à la direction de l’ENTV. Fruit d’un tournage d’une vingtaine de jours dans les Balkans, réalisé par Ali Fateh Ayadi, l’Œil témoin. Le Réseau yougoslave – un titre signé Ayadi – lève le voile sur l’aide de Labudovic et des Yougoslaves à l’Algérie en lutte. Belkacem Djaafria a également crédité la Télévision algérienne et la mémoire de la guerre de libération d’autres documentaires dont « Les intellectuels suisses : les plumes de la liberté » et « La ferme Aïn S’fa », un centre de torture dans la région de Tissemsilt.

Produit de l’Institut des sciences politiques et de l’information – promotion 1982-1986 – aux côtés d’un autre passionné d’histoire, Mustapha Aït-Mouhoub, Belkacem Djaafria ne résiste pas à l’envie d’une pensée émue et reconnaissante à l’endroit du regretté Abderrahim Taleb Bendiab (1937-1992). Historien, enseignant à l’Institut, « c’est lui qui m’a fait aimer l’Histoire. Je lui dois beaucoup et je ne le remercierai jamais assez ».



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