Algérie-France : l’Accord de 1968 entre manipulation et atermoiements

L’Accord franco-algérien de 1968 se retrouve au centre d’une vive polémique. Alors que le Premier ministre français Sébastien Lecornu plaide pour une renégociation rapide, le diplomate et ancien ministre Abdelaziz Rahabi souligne dans une tribune publiée sur sa page Facebook, jeudi, que « si la France persiste dans son instrumentalisation, l’Algérie pourrait abroger elle-même l’accord ».
« Le Premier ministre français a souhaité que la renégociation de l’Accord de 1968 redémarre le plus vite possible, le qualifiant de caduc à bien des égards », rappelle Rahabi qui précise que « d’un point de vue diplomatique, il s’agit d’une abrogation unilatérale de l’accord par Paris. » Malgré cette déclaration, Alger n’a « aucune demande officielle » à ce jour, mais reste prête à réagir si nécessaire.
Rahabi bat le rappel d’un épisode similaire qui a eu lieu en décembre 1979, lorsque le président français Valéry Giscard d’Estaing, nostalgique de l’Algérie française, envisageait le rapatriement annuel de 35 000 adultes algériens.
« Notre pays était prêt à les accueillir, mais n’a demandé qu’une seule garantie : la préservation de leur dignité », souligne-t-il. L’initiative fut abandonnée après la défaite de Giscard en 1981.
Aujourd’hui, l’Accord de 1968 apparaît comme un instrument fragilisé. « Il n’apporte que des avantages mineurs aux Algériens », estime Rahabi, qui précise que « dans de nombreux cas, le droit commun offre de meilleures protections en matière de circulation, d’emploi et de séjour ».
Selon le diplomate, l’Accord est aujourd’hui utilisé par certains courants politiques français pour « faire des Algériens le bouc émissaire des tensions migratoires, de l’insécurité et du chômage ». Ce phénomène, qu’il qualifie « d’algérophobie institutionnalisée », nourrit des débats électoraux et divise l’opinion publique.
« Si la France persiste dans cette instrumentalisation, l’Algérie pourrait décider d’abroger elle-même l’Accord », avertit le diplomate. Une mesure qui redéfinirait les relations bilatérales et mettrait fin à ce qu’il appelle « la rente mémorielle des politiciens français ». Pour Rahabi, la question dépasse le simple cadre juridique, selon lui, « c’est une affaire de souveraineté nationale, de protection des citoyens à l’étranger et d’équilibre des relations bilatérales. » L’échéance de 2027 pourrait marquer un tournant, et l’Algérie devra alors trancher entre tolérance et affirmation de ses droits.
Dans ce contexte, chaque décision de Paris aura des répercussions directes sur la sécurité juridique et les droits des ressortissants algériens, mais aussi sur la stabilité politique et diplomatique entre les deux pays. Rahabi a martelé : « L’histoire se répète, et il appartient désormais à l’Algérie de défendre ses intérêts avec fermeté et discernement ».
Il convient de rappeler que, parallèlement aux déclarations de Rahabi, le Premier ministre français Sébastien Lecornu a précisé mardi dernier, lors d’une séance à l’Assemblée nationale, que son objectif n’est pas d’abroger l’Accord de 1968 mais de le renégocier « le plus vite possible ». Il a évoqué sur le fait que le texte avait déjà fait l’objet de trois renégociations dans le passé et que les discussions devraient s’inscrire dans une approche globale prenant en compte non seulement la question migratoire, mais aussi la coopération sécuritaire, notamment dans la lutte antiterrorisme au Sahel, la sécurité maritime et les enjeux économiques. Lecornu a par ailleurs réaffirmé le respect de la souveraineté de l’Algérie et a souligné l’importance d’éviter toute instrumentalisation de cette question dans le débat politique intérieur français.
Il a insisté sur « le respect de la souveraineté de l’Algérie » et de son gouvernement. « Quels que soient nos désaccords, on doit être capable de mener une discussion qui soit exigeante et qui protège nos intérêts », a-t-il dit, en promettant de « ne jamais faire de la question de l’Algérie un sujet de politique intérieure en France ».