Washington et Téhéran : vers une négociation ?
« Une mauvaise réputation est un fardeau, léger à soulever, lourd à porter, difficile à déposer ». Cette citation d’Hésiode, célèbre poète grec du VIIIe siècle av. J.-C., correspond parfaitement au président américain Donald Trump qui, quoi qu’il fasse, n’arrivera sans doute jamais à se débarrasser d’une opinion défavorable. Mais la réputation, Trump n’en a pas grand-chose à faire, semble-t-il. Sa conception très pragmatique, voire purement marchande de la chose politique, lui confère un avantage sur ses détracteurs aux États-Unis comme ailleurs.
Son électorat, lui et ses conseillers le savent, ne le juge pas sur ses acquis en matière de politique étrangère, mais surtout sur les retombées d’une relance économique garantissant un meilleur pouvoir d’achat à la classe moyenne, appauvrie pendant les deux mandats de Barack Obama. Il est clair que contrairement à ses prédécesseurs, qui ont lancé des opérations militaires, notamment en Afghanistan, en Irak et en Syrie, Trump n’a du va-t-en-guerre que la réputation. Sur le terrain, il préfère tendre la carotte plutôt que le « big stick » . C’est ainsi que le dossier nucléaire nord-coréen sera abordé pour aboutir à une négociation historique avec Kim Jong Un, qu’il a qualifié un jour de Rocket Man.
En tous cas, ses déclarations faites récemment à propos de l’Iran convergent dans ce sens. Le Président américain, qui était sur le point de déclencher une troisième guerre mondiale au Moyen-Orient, aurait finalement renoncé à ses fantasmes belliqueux pour se contenter de mettre en garde l’Iran, dont la défense antiaérienne n’a pas hésité à abattre un drone américain survolant le très stratégique détroit d’Ormuz.
Téhéran ne s’en sort pas pour autant indemne d’une attaque que les Américains ne sont pas seuls à refouler. Avant de se rendre à la réunion de Camp David, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé que les États-Unis imposeraient dès lundi de nouvelles sanctions « majeures » contre le pays. « L’Iran ne peut pas avoir d’armes nucléaires ! », a tweeté samedi M. Trump. Que faut-il déduire de toutes ces déclarations contradictoires ? Que le Président américain a du mal à choisir entre deux options ou bien qu’il cache une stratégie qui n’est pas aussi discordante qu’elle en a l’air ? Une chose est certaine, une attaque contre l’Iran signifierait beaucoup de choses ; elle ferait augmenter les prix du baril à plus de 200 dollars, un prix qui n’arrangera forcément pas les producteurs américains, et encore moins l’électeur républicain qui paiera encore plus cher son essence. Le coût d’une telle guerre pourrait dépasser les 3 000 milliards de dollars, selon certaines estimations, sans oublier que l’Iran est beaucoup plus grand que l’Irak et militairement mieux organisé. En revanche, une négociation en tête à tête avec Téhéran, si cela se produit, accordera des avantages à Washington : d’abord mettre l’UE hors circuit alors que celle-ci a joué un rôle de premier plan dans les négociations sur le nucléaire.
Des négociations qui peuvent signifier aussi le « containment » de l’expansion chinoise vers l’ouest via la nouvelle route de la soie, car après tout et selon l’EIA, 76% des exportations de brut passant par le détroit d’Ormuz étaient destinées l’an dernier aux pays d’Asie (en premier lieu la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud). L’option du bâton est à rejeter, du moins pour le moment. Trump semble pencher pour une conception foucaldienne qui renversera la thèse de Clausewitz : « La politique est la continuation de la guerre par d’autres moyens, et non l’inverse ».
Allez à la page entière pour voir et envoyer le formulaire.