Utilisation des antibiotiques sans prescription médicale : Les mises en garde des spécialistes
Les antibiotiques doivent exclusivement être prescrits par des médecins pour le traitement des maladies d’origine bactérienne. C’est ce qu’a déclaré au Jeune Indépendant le Dr Nadia Bekri, spécialiste en pneumologie, précisant que l’automédication pourrait développer une résistance contre ces médicaments, lesquels deviennent, par la suite, inefficaces.
La prise d’antibiotiques sans ordonnance est une pratique très répandue. Elle n’est pas sans risque. Durant la période hivernale, les gens qui contractent le virus de la grippe se procurent des antibiotiques sans consulter de médecin. Par conséquent, ils se tournent vers l’automédication sans être conscients des risques que cela peut présenter. Les spécialistes ne cessent de mettre en garde contre la consommation des antibiotiques sans prescription médicale.
Dans sa déclaration au Jeune Indépendant, le Dr Bekri a indiqué que le danger engendré par la prise abusive d’antibiotiques consiste dans le développement de la résistance contre ces médicaments par la bactérie, et qui deviennent, avec le temps, inefficaces, n’arrivant plus à combattre les infections les plus simples.
La pneumologue a estimé que ce phénomène de santé publique est engendré par trois facteurs. Il s’agit de l’utilisation abusive des antibiotiques. Elle a affirmé que « lorsque la maladie est d’origine virale, les antibiotiques ne sont d’aucune utilité parce qu’ils traitent les infections bactériennes et non pas les virus ».
Il est question également du non-respect de la durée du traitement et de la posologie prescrite par le médecin. « Il est recommandé de respecter la durée du traitement et la posologie prescrite par le médecin. Généralement, la durée du traitement n’est pas moins d’une semaine, selon les indications du médecin traitant. Il ne faut surtout pas l’arrêter dès l’amélioration des signes cliniques », a-t-elle ajouté.
Elle a par ailleurs constaté que « durant la pandémie de Covid-19, l’antibiotique Azithromycine a été utilisé d’une manière très abusive, et cela est, selon elle, très grave pour la santé des malades. Avec le temps, on n’est pas à l’abri de développer des résistances à cet antibiotique ».
Le Dr Bekri a fait savoir que les maladies en général sont causées par des agents pathogènes appelés également micro-organismes, notamment les bactéries, les virus, les parasites et les champignons, et chaque micro-organisme est traité avec un médicament spécifique.
Concernant les bactéries, elles sont traitées par des antibiotiques ayant un effet soit bactéricide (tuer la bactérie) ou bactériostatique (inhiber la croissance de la bactérie).
Pour sa part, le Dr Kahina Bouaziz, spécialiste en pneumologie, a expliqué au Jeune Indépendant que les antibiotiques sont prescrits uniquement en cas de surinfection bactérienne.
Evoquant la grippe saisonnière, elle a expliqué que les sujets jeunes sans antécédents qui ont une forme de grippe simple sans complications n’ont pas besoin d’une anti-thérapie ; un traitement symptomatique est suffisant.
Mettant en exergue les dangers causés suite à la prise d’antibiotiques sans ordonnance, la spécialiste a affirmé que cette pratique a des conséquences graves sur la santé, indiquant que les personnes qui utilisent abusivement ces médicaments détruisent leur propre flore bactérienne. Par conséquent, elles sont exposées à d’autres maladies vu que les antibiotiques ont détruit l’équilibre des bactéries qui se trouvent déjà dans le corps humain.
En outre, elle a déclaré que cette utilisation abusive d’antibiotiques va provoquer l’apparition de résistance aux antibiotiques qui, avec le temps, n’auront aucun effet sur les bactéries.
Un danger pour la femme enceinte
En guise de conclusion, le Dr Bouaziz a appelé à consulter le médecin traitant et, surtout, de ne pas utiliser les antibiotiques pour le traitement de la grippe qui est d’origine virale et non bactérienne. Il convient de souligner que les antibiotiques sont strictement interdits aux femmes enceintes, surtout durant les premiers mois, car cela expose le fœtus à de graves risques de malformation congénitale. Les femmes allaitantes, elles aussi, ne doivent pas en prendre car les antibiotiques affectent négativement le lait maternel.
Pour rappel, le ministre de la Santé avait fait savoir que la résistance aux antimicrobiens, dont les antibiotiques, est un problème de santé publique qui n’a pas épargné l’Algérie, d’où la nécessité de mettre en place un plan de lutte dans ce cadre.
Il a, par ailleurs, indiqué que le bon usage des antimicrobiens impose une stratégie nationale qui « soit déclinée d’une façon opérationnelle dans les structures sanitaires avec, notamment, la mise en place d’actions prioritaires pour maîtriser la consommation des antimicrobiens, en particulier les antibiotiques ».
De son côté, le Dr Djamel Fourar, directeur général de la prévention au ministère de la Santé, avait indiqué que depuis des années, il y a eu une utilisation abusive d’antimicrobiens, favorisant la résistance des infections à ces produits et médicaments. « Depuis plus de 30 ans, il n’y a pas eu de nouveaux antibiotiques. Nous sommes en train d’utiliser des antibiotiques que nous connaissons tous depuis plusieurs années, et la moindre résistance à ces antimicrobiens peut entraîner une mauvaise guérison du malade, prolongeant la durée de la maladie, tout en ayant un coût financier sur le système de santé », avait-il affirmé.
D’après lui, l’usage inapproprié des antimicrobiens par la population, sans prescription médicale, est « une faute grave », ajoutant que leur utilisation doit répondre à des critères de dosage et de durée, et s’ils ne sont pas utilisés dans ce contexte, il y aura automatiquement une résistance.
Pour sa part, le Dr Hamidou Nouhou, représentant de l’OMS en Algérie, avait fait savoir que la résistance aux antimicrobiens est l’une des menaces les plus graves sur la santé publique, appelant la population à demander des conseils auprès des professionnels de la santé concernant l’usage des antimicrobiens, en particulier les antibiotiques.
En outre, l’année dernière, à l’occasion de la célébration de la Journée nationale de lutte contre la résistance aux antimicrobiens, sous le slogan « Antimicrobiens à utiliser avec prudence », l’ex-ministre de la Santé, le Pr Abderrahmane Benbouzid, avait affirmé l’engagement de l’Algérie contre « cette menace », ajoutant qu’il est important de mettre en place des actions prioritaires pour maîtriser la consommation d’antimicrobiens, particulièrement les antibiotiques, et la résistance des bactéries. « Il est important de disposer de données sur la consommation des antimicrobiens.
Pour ce faire, nous avons mis un cadre réglementaire par la création d’un comité national multidisciplinaire chargé de la surveillance de la consommation des antimicrobiens, avec un point focal national au niveau de la Direction générale de la pharmacie », a-t-il précisé. Selon le premier responsable du secteur, « l’antibiothérapie abusive engendrera la résistance microbienne, chose qui va causer l’apparition d’une pandémie silencieuse ».