Une complice de «Dorro» traîne deux innocents en justice !

L’audience criminelle de mercredi dernier, que présidait M. Chebbah El Miloud assisté de Mme Bouamrane Neddjar Khadidja et M. Youcef Boukharssa, restera sans aucun doute gravée dans la mémoire de tous ceux qui l’ont vécue dans la salle 02 de la cour d’Alger sis au Ruisseau.
Oui ! Elle restera gravée dans la mémoire des membres du tribunal criminel d’Alger y compris les deux jurés, des avocats de la défense, celui de la partie civile, des journalistes, des policiers et des parents et proches des mis en cause.
Tout le monde était d’emblée convaincu que l’affaire était montée de toutes pièces par le témoin oculaire qui était accusée au même titre que les inculpés et a purgé plus de quatre ans de la peine prononcée contre elle et qui était de l’ordre de cinq ans de prison ferme.
Tout le monde était également convaincu que cette dernière entretenait des relations douteuses avec le principal accusé El Kourti Mohamed Lamine connu sous le sobriquet de « Dorro », qui demeure toujours activement recherché par les services de sécurité car il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, suite à une ordonnance émanant du juge d’instruction qui était en charge du dossier.
Il a élu domicile à Paris, selon les dires de celle-ci.
Bref ! Le procès qui a duré plus de trois heures a été caractérisé par les déclarations contradictoires du témoin D. Soraya alors gérante d’une agence de voyages sise en plein cœur de la capitale, sur la base desquelles d’ailleurs, les accusés ont été arrêtés et écroués à la prison d’El Harrach avant d’être poursuivis en matière criminelle dans une affaire qui ne les concerne ni de près ni de loin.
Et pourtant, ils ont passé plus d’une année d’incarcération pour une accusation gratuite bel et bien maquillée des membres d’un réseau spécialisé dans la contrefaçon et la mise en circulation de faux billets de banque, des coupures de 1 000 dinars, et ce après avoir élu domicile dans une entreprise étatique, filiale de la SNTF.
D. Soraya faisait circuler les billets de banque tout en sachant qu’ils étaient contrefaits et falsifiés !
En effet, tout a commencé le 27 février 2011 lorsque l’escadron d’atteinte aux biens, de la brigade criminelle de la Division centre relevant de la Sûreté d’Alger, a été informé par le biais de M. Tibbizi Rachid, directeur des finances et de l’administration de Rail Logistique, filiale de la SNTF. En effet il a décidé de déposer une plainte après que l’une de ses collaboratrices eut découvert dans l’enceinte de l’entreprise un sachet en plastique de couleur noire contenant des faux billets.
Le responsable a tenu à préciser à travers sa déposition que dans le cadre de son travail et de la mission qui lui a été confiée, une visite d’inspection de l’agence de voyages au niveau du Square Port Saïd que gérait Mme D. Soraya l’amené lui et ses deux auxiliaires découvrir deux sacs en plastique, contenant des billets de banque suspects et étranges, des coupures de 1000 dinars.
Aussitôt alertés des enquêteurs de la brigade criminelle se sont immédiatement rendus sur les lieux accompagnés par leurs collègues de la brigade scientifique. Au moment où les premiers se sont chargés d’auditionner toutes les personnes présentes, les autres se sont quant à eux chargés de prélever les indices pouvant aider l’enquête préliminaire.
Une enquête qui s’est soldée par l’arrestation du témoin qui était alors accusée dans cette affaire et qui a agi en professionnelle en matière de falsification. Les investigateurs ont récupéré les deux sacs en plastique qui contenaient respectivement 3.866.000 dinars et 5 000 000 dinars en faux billets. Cette dernière a élaboré un plan machiavélique pour incriminer des personnes innocentes et sauver son complice qui n’est autre le chef du réseau.
Les policiers ne se sont pas arrêtés là ils ont poursuivi leur enquête pour récupérer d’autres preuves tangibles contre elle. En effet, ils ont réussi rapidement à mettre la main sur son véhicule de marque Hyundai, alors stationné au niveau du quartier populaire d’Oued Koreiche, des sommes importantes de faux billets de l’ordre de 300 000 dinars et 11 000 dissimulées dans son sac à main, deux billets de 1000 dinars dans son portefeuille et 4 000 dinars dans son pantalon (la fouille a été opérée par une enquêteuse de la police judiciaire).
Lors de l’enquête policière, le directeur Tibbizi a déclaré aux enquêteurs : « La mise en cause l’a contacté par téléphone et lui a affirmé que l’agent H. Salim qui travaille au sein de l’agence qu’elle gérait s’est rendu à la CPA d’Alger-Centre pour le dépôt d’une importante somme d’argent que lui a remise deux clients originaires d’Oran.
Au moment où il s’apprêtait à quitter la banque, il a été interpellé par l’agent de sécurité qui lui a fait savoir que le premier responsable de l’institution bancaire a été informé que parmi les billets réceptionnés plusieurs se sont avérés contrefaits. » Paniqué, ce dernier a immédiatement pris attache avec la concernée qui l’a rappelé quelque temps pour le rassurer : tout est rentré dans l’ordre pour la simple raison qu’elle est intervenue et la situation a été régularisée ! Suite à quoi, les responsables ont décidé d’informer le directeur général qui leur a donné des directives pour récupérer les clés du coffre-fort mais cette dernière a prétexté qu’elle avait oublié les clés à la maison.
La mise en cause a par ailleurs suggéré à une de ses auxiliaires de déclarer aux enquêteurs que la clé se trouvait chez elle, et ce dans le but de gagner du temps et esquiver à ses chefs hiérarchiques qui insistaient pour la récupération des clés ».
Après s’être rendu compte que la concernée est directement impliquée, les policiers ont établi un procès-verbal dans lequel elle a nié tous les faits qui lui ont été reprochés déclarant : « Les sommes faramineuses falsifiées lui ont été remises par les deux mis en cause Ali R. et son gendre B. Moncef durant leur dîner dans un restaurant situé à quelques encablures du palais de la justice d’Abane Ramdane ».
Aveux pris, les enquêteurs ont informé le procureur de la République du tribunal Sidi M’hamed qui leur a donné des directives de présenter toutes les personnes suspectes et à leur tête l’intéressée qui a indiqué au procureur : « Ces sommes faramineuses m’ont été données par mon ami El Kourti Mohamed El Amine alias « Dorro » qui était accompagné de deux hommes qui résident en France ».
Elle a tenu à préciser au procureur puis au juge d’instruction près la même juridiction que son ami « Dorro » l’a chargée de garder les sacs chez elle. »
Lors de leur passage à la barre, les deux accusés ont nié tous les faits qui leur ont été reprochés au cours de l’enquête préliminaire et l’instruction judiciaire arguant : « Nous n’avons rien à voir dans cette affaire monsieur le président.
Nous jurons par Dieu le Tout Puissant qu’on ne lui a jamais remis ces sommes faramineuses »
Et d’ajouter les larmes aux yeux : « Nous vivons à l’étranger et nous n’avons pas besoin de falsifier des billets de banque pour nous enrichir ! Certes nous l’avons rencontrée et sollicitée pour l’achat des billets de Hadj ! »
Appelée à la barre pour donner sa version des faits, le témoin (femme) qui était accusée n’a pas pu faire face aux questions qui lui ont été posées par le président, les conseillers, le procureur général, les avocats de la défense Mes Hadjour Yefesah et Chaïb Sadek, l’avocat de la partie civile Me Amriche Mourad, sans oublier bien sûr les deux membres du jury MM. Bouchema et Benturki.
Inquiète, cette dernière qui jetait des regards évasifs çà et là répondait : « Cela fait plus de cinq ans, je ne me rappelle pas ! Je ne sais pas ! Les faits remontent à longtemps, je ne peux pas me rappeler de tout ! ».
Toutes les parties citées lui ont demandé qu’elle était sa relation avec El Kourti Mohamed Lamine, à chaque fois, elle répondait : « C’était un simple ami ! Les relations entre lui et moi étaient limitées ! Je ne comprends pas pourquoi vous insistez ! ».
Prenant la parole, l’avocat de la partie civile Me Amriche, qui représentait la société Rail Logistique, a affirmé que les faits sont formels et a émis le vœu que l’entreprise soit dédommagée par rapport aux préjudices qui lui ont été causés suite à cette affaire. Il a par ailleurs insisté sur l’acceptation de la constitution de la société en qualité de partie civile pour demander une réparation matérielle.
Dans son réquisitoire, le procureur général Abdelalim Ferrakhi qui occupe le poste de procureur de la République du tribunal d’El Harrach a estimé que toutes les preuves légales et matérielles relatives à l’accusation étaient réunies, notamment en ce qui concerne la possession et la mise en circulation de faux billets à travers les différents quartiers et institutions implantées à Alger.
Le procureur a finalement requis vingt ans de réclusion criminelle à l’encontre des mis en cause qui sont restés bouche bée eux et leurs parents et proches dont la sœur de R.Ali qui est venue de France spécialement pour assister au procès de son frère. Cette dernière n’a pas cessé tout au long des débats de lancer au témoin : « Dites la vérité Madame ! Vous risquez de briser des foyers avec vos déclarations mensongères ! ».
Les deux avocats de la défense, Mes Hadjour Yefesah et Chaïb Sadek ont au cours de leurs plaidoiries insisté sur l’acquittement de leurs clients en déclarant au président d’audience : « Nos clients sont innocents des faits qui leur sont reprochés ! Ils ne sont concernés ni de près ni de loin dans cette affaire montée de toutes pièces par une des accusés qui aujourd’hui est le témoin oculaire. Cette dernière leur a collé une étiquette et ce dans le seul but de déteruire le chef de la bande qui demeure activement recherché et qui entretenait des relations douteuses avec elle, en l’occurrence Dorro ! »
Ils étaient unanimes à déclarer qu’au cours de l’enquête préliminaire les policiers ont récupéré les sommes colossales contrefaites chez elle, elle a agi de la sorte pour esquiver à la responsabilité pénale qui lui incombait mais heureusement, le juge d’instruction qui était en charge de l’enquête judiciaire a réussi à déterminer le rôle qu’elle a joué dans cette affaire.
Les débats sont clos, le président donne lecture de l’article 307 du code de procédure pénale relatif à la conviction du tribunal criminel.
Quelque temps après, le même président donne lecture des réponses aux questions posées. Le tribunal a répondu par non à la culpabilité des mis en cause et oui à l’unanimité aux circonstances atténuantes et par-delà l’acquittement au profit des deux accusés qui ne croyaient pas leurs oreilles.
Le verdict a été applaudi par les parents et proches des mis en cause, les membres du tribunal se retirent, la salle d’audience se vide et les innocents pressaient les policiers pour les évacuer vers l’établissement pénitentiaire d’El Harrach afin de quitter leurs cellules après plus d’une année d’incarcération pour un faux témoignage d’une femme !
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