L'échec programmé du dialogue inter-libyen – Le Jeune Indépendant
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L’échec programmé du dialogue inter-libyen

L’échec programmé du dialogue inter-libyen

Le dialogue inter-libyen attendu lundi 9 novembre dans la station balnéaire de Djerba dans l’Est tunisien, sera amputé de larges composantes d’un pays en proie à une guerre par procuration que se livrent les puissances.
Censé fédérer toutes les mouvances d’un pays meurtri par neuf ans de combats fratricides, le forum libyen s’illustre, à l’avance, par un déficit en légitimité en raison de la liste des invités à ce dialogue jugée orientée et ne reflétant pas la composante authentique de toutes les franges de la société libyenne.

Pour beaucoup d’acteurs libyens, le forum de dialogue politique libyen pèche d’ores et déjà par l’exclusion de nombreux représentants ayant un ancrage au sein la carte politique et tribale en Libye, au profit des mouvances affiliées au courant des frères musulmans, le courant dont les accointances avec la Turquie, le Qatar et les Etats-Unis ne sont plus à démontrer.

Partie prenante au conflit, le gouvernement d’Union nationale (GNA) est en majorité d’obédience islamiste soutenue par Ankara. Un fait accompli qui ne pourra qu’exacerber la tension dans un pays qui collectionne les échecs des « dialogues » sous parrainage international. Un nouvel échec de dialogue conduira à terme à la reprise des hostilités en suspens suite à un fragile cessez-le-feu conclu le 23 octobre à Genève.
L’accord de Genève devait justement baliser le terrain à une large adhésion des libyens. Une tâche confiée à la mission d’appui de l’ONU en Libye qui a pris langue avec l’armée nationale Libyenne (ANL) et les forces du gouvernement d’union nationale (GNA).

Ce cadre de concertation, le premier du genre depuis le déclenchement de la guerre civile au lendemain de la chute du régime de Mouammar Gueddafi en septembre 2011,  devait aussi traduire les recommandations des réunions organisées par la mission onusienne à Ghadames dans le sud libyen et Bouznika au Maroc qui étaient axées essentiellement sur la question de la représentation au sein de toutes les institutions libyennes y compris dans les postes de souveraineté.
Or, au sein de liste des 75 participants conviés à Tunis, 42 sont affiliés au mouvement des frères musulmans ou sont réputés pour être leurs alliés, un choix qui jette la suspicion quant à l’orientation escomptée  par les promoteurs du dialogue notamment les Etats-Unis.

Les oubliés du dialogue
Selon Abdelmadjid Melegtah, membre de la commission restreinte du dialogue à Montreux (Suisse) « la légitimité de la représentation est une condition à la réussite et un gage de transparence », rappelant que la rencontre de Ghadames a été capotée par le GNA en raison de l’absence de figures représentantes de tous les pans de la société libyenne.

«Il ne peut y avoir d’avancées dans la crise dont souffre notre peuple avec les exclusions et les visées étroites », a-t-il dit en réponse à la chaine online Alwasat.
« La nomination à la participation au dialogue est basée sur la cooptation, et les recommandations, par personnes interposées, et non pas en fonction de la représentativité de chacun sur le terrain, ce qui a conduit à l’exclusion de personnalités et franges influentes au sein de la société libyenne », a-t-il souligné, ajoutant que la liste des 75 a été triée au volet.

Les forces de soutien à l’armée libyenne à Syrte et à Juffra ont aussi tiré à boulets rouges sur ce qu’elles considèrent une « opacité » dans les critères de sélection des représentants au dialogue.
Dans un communiqué rendu public, vendredi dernier, ces forces ont fait part de leur rejet pur et simple de tous « les dialogues qui devraient se tenir dans les prochains jours (NDLR : Dialogue de Tunisie) à moins que les mécanismes de sélection des participants et le processus de prise des décisions ne soient revus ».

La « Force de protection de Tripoli », une alliance de fortes brigades contrôlant la capitale, a exprimé les mêmes réserves au sujet « critères par le biais desquels ces personnalités ont été choisies sans consentement du peuple libyen ».

Les réserves les plus significatives ont été aussi formulées par les dirigeants de l’opération « Volcan de la colère », affiliée à l’armée libyenne. Selon eux, la majorité des «sélectionnés» n’a aucun poids politique ou militaire, mettant en exergue  l’absence de personnalités représentant l’armée dans ce dialogue crucial pour l’avenir libyen.

De plus, des structures tribales des berbères, Toubous et Touaregs ont été totalement exclues du forum. Les représentants des tribus du sud libyen ont fait savoir qu’ils ne seront pas tenus par les résultats du rendez-vous tunisien, estimant que leur exclusion rendrait aléatoire tout progrès vers le règlement de la crise.
Ainsi, le chef du bureau du Conseil suprême des cheikhs et notables de Libye, Mohamed Al Misbahi, a dénoncé ce qu’il a qualifié d’« une imposture visant à consacrer l’agenda des frères musulmans par le truchement de la mission de l’ONU».

Pour ces dirigeants, la composante des invités est l’extraction d’une tendance visant à mettre en place un accord favorisant la Turquie et leurs mentors américains. Cela d’autant que le choix de personnes appartenant à la société civile vise à rassembler des individus  sans expérience politique et facilement manipulables.
La représentante de l’ONU s’est personnellement impliquée pour inviter des femmes à cette rencontre juste pour assurer une participation féminine de façade dans une société tribale conservatrice au lieu de privilégier la légitimité et la compétence.

Les représentants du front de libération de la Libye dirigée par Seif El-Islam El-Gueddafi ont eux aussi été exclus du dialogue au même titre que des notables de la région de Fezzane.

Interrogée par Alwasat, la cheffe par intérim de la Mission d’Appui des Nations Unies à la Libye (MANUL), Stephanie Williams, ne semble pas s’embarrasser par ces accusations et de son parti pris.
Selon elle « ce qui importe pour le peuple libyen, c’est le « quoi » et non pas le « qui », autrement dit, « ce qui résulte du dialogue qui compte et non pas qui y participe ».
Pourtant, les bases du dialogue c’est d’abord ceux qui le conduisent puisqu’étant impliqués dans la crise et de surcroît dans la confection et l’adoption de la solution à laquelle ils devront souscrire, estiment-on dans les milieux libyens.
Cependant, l’exclusion de franges importantes concernées par la crise libyenne remet au gout du jour la position de l’Algérie qui n’a de cesse militer depuis 2011 en faveur d’un dialogue inclusif entre libyens de toutes les régions et de toutes les obédiences y compris les anciens du régime El-Gueddafi.
Le règlement de la crise chez le voisin libyen, aux yeux de la diplomatie algérienne, ne saurait voir le bout du tunnel sous des injonctions extérieures qui ont militarisé un conflit dans lequel les terroristes ont trouvé un terrain de jeu destructeur, menaçant, au demeurant, la stabilité des voisins et avec elle la région du Sahel voire toute l’Europe.

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