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Nationale

Un an après l’été des incendies: la Kabylie panse ses blessures

Un an après l’été des incendies:  la Kabylie panse ses blessures
Agoulmime, un village meurtri

A Agoulmime, l’un des villages ravagés par les incendies qui ont touché, en une journée, plusieurs mechtas de la Kabylie, le traumatisme est vivace. L’atmosphère est lourde. Les blessures sont difficiles à panser et la tristesse cohabite avec les villageois. Hantés par l’ampleur du drame, ils scrutent l’horizon épiant la moindre étincelle dans les buissons qui rééditerait l’horrible désastre. La mort a raflé tant de vies en un temps éclair. Reportage.

Ce qui était un havre de paix ne l’est plus. Avec 22 morts en fin de matinée en cette journée fatidique du 10 août 2021, qui a enregistré des incendies ravageurs qui ont tout emporté sur leur passage tel un ouragan, Agoulmime, à Ikhlidjène, commune de Larbaâ Nath Irathen, est considéré comme étant le village le plus meurtri. Une année après, le décor n’a pas trop changé. Mis à part une verdure timide et des floraisons dans les cours et balcons des maisons, comme pour donner une lueur d’espoir, la couleur grise domine toujours, mêlée avec l’herbe du printemps qui a jauni. En ce 10 août, Agoulmime et toute la Kabylie pleurent leurs enfants.

En prenant la descente qui mène vers ce village, la tristesse, l’appréhension… nous accompagnent. C’est comme un retour sur la scène du crime. Première chose indiquée par les habitants du village, comme pour résumer les conséquences dramatiques de cette journée, le cimetière où reposent les 22 victimes, dont un bébé de six mois, de ces incendies ravageurs qui ont endeuillé leurs familles et tous les habitants du village, lesquels n’ont toujours pas oublié. Choquant !

Le silence du cimetière est « interrompu » par les sanglots d’une femme qui pleure à chaudes larmes son fils, parti à la fleur de l’âge. La scène n’a pas besoin de commentaire ! A côté, deux jeunes femmes et un jeune homme qui récitait la sourate Al-Fatiha sur les tombes, avec des visages blêmes, se recueillent sur les tombes de tous ces martyrs, principalement les leurs. Ils arrosent les petites fleurs plantées sur les tombes. Sept membres d’une même famille !

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Un calme qui cache de sourdes douleurs

L’une d’entre elle ne peut rien dire. Sa sœur, plus ou moins courageuse, affirme au Jeune Indépendant : « Depuis leur disparition, on ne vit plus. On est, en quelque sorte, mort avec eux. » Elle témoigne en pleurs : « une partie de nous est partie. Ils sont présents parmi nous au quotidien. ». Elle se souvient, comme si c’était hier, du moindre détail de cette triste journée où les flammes déchaînées ont tout consumé sur leur passage. Elle a raconté les tout derniers moments qu’elle a partagés avec les siens dans ce bas monde. Selon elle, un suivi psychologique permanent doit leur être garanti. « Des psychologues sont venus chez nous les premiers temps, mais après plus rien », déplore-t-elle.

Farid, qui se cache derrière des lunettes noires, dégage une grande tristesse. Mais il raconte cette journée « noire », dans ses moindres détails, avec un grand courage. Il a perdu sa belle-sœur et ses deux nièces, Djouher et Sonia, la vingtaine à peine entamée. La nouvelle bachelière et l’étudiante sont mortes calcinées à côté de leur mère. « Elles ne voulaient pas quitter leurs parents qui ont refusé de quitter la maison et d’abandonner leur cheptel », selon Farid.

Il confie au Jeune Indépendant que la douleur est la même, comme au premier jour. « Mon frère et son fils de 15 ans sont des rescapés », a-t-il expliqué, affirmant que son neveu n’est pas encore guéri de ses blessures. « Il a des brûlures graves. Il est resté hospitalisé plusieurs mois », précise Farid, qui demande une meilleure prise en charge de ces blessés qui sont très nombreux. Selon lui, la vie n’est plus comme avant. « On vit dans un cimetière. Tout est noir. Rien n’a repoussé ». Comme si la nature se joint à la peine et à la tristesse dans lesquelles sont plongés les habitants d’Agoulmime. Le père de Djouher et Sonia, quant à lui, ne trouve pas les mots. Il s’en remet à la volonté de Dieu. Pour sa part, Ath Ali, le village à côté, dénombre deux victimes.

De Agoulmime à Igreb, en passant par Aïn El-Hammam et Beni Yenni, l’heure est au recueillement

Les incendies des 9 et 10 août, qui ont durement frappé plusieurs villages, sont gravés dans la mémoire collective. Le traumatisme est toujours vivace chez les populations qui ont vécu ce drame. Une année après, l’heure est au recueillement, pour que les noms de ces victimes ne soient pas plongés dans l’oubli.

A Beni Yenni, la population, en collaboration avec l’APC, a organisé une journée de commémoration. Une gerbe de fleurs est déposée sur les tombes des victimes des incendies du 9 août 2021. Le recueillement débute par la tombe de la première victime, Yasmine Chennene, laquelle a, rappelons-le, sauvé des personnes d’une mort certaine avant de pousser son dernier souffle, emportée par les flammes. A Igreb, dans la commune d’Illoula Oumalou, cinq jeunes hommes ont trouvé la mort en tentant de repousser les flammes qui menaçaient personnes et habitations. « Le 10 août 2021 à 11 heures. Une journée fatidique et d’horreur, de drames et de larmes. Un incendie ravageur a surgi comme une vague de mer et a emporté tout sur son passage », décrit le comité du village, qui a consacré la journée d’hier à la commémoration de cette journée.

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La liste des victimes emportés par la fureur des feux

« Le village a été encerclé par de cruelles et immenses flammes qui n’ont donné aucune chance de survie à Hocine, Boudjemâa, Hakim et Hmidouche, carbonisés en quelques minutes », explique-t-on.

Qu’est-ce qui a été fait depuis ?
Une année est passée, l’heure est au bilan. Qu’est-ce qui a été fait depuis en termes de prise en charge des blessés mais aussi en termes de prévention et de lutte contre les incendies ? Ils sont en effet nombreux les brûlés des feux de forêt à souffrir, à ce jour, de leurs blessures. D’autres ont succombé à leurs graves blessures. Une meilleure prise en charge est préconisée par les familles de ces derniers. Farid, du village Agoulmime, interpelle les autorités compétentes afin d’assurer le suivi de ces blessés, citant l’exemple de son neveu, qui nécessite toujours un suivi permanent.

« Il est nécessaire de sauver les survivants des feux », dit-il, racontant le quotidien difficile de son neveu qui souffre toujours. Djaffar, du village Igreb, a aussi fait part au Jeune Indépendant de son parcours du combattant dans la prise en charge de son fils de 12 ans, qui souffre de brûlures de troisième degré. Après une longue période d’hospitalisation à la clinique centrale des brûlés à Alger, Nassim, collégien, ne s’est pas encore rétabli. Tous les frais de sa prise en charge ont été assumés par sa famille, surtout l’achat des vêtements compressifs, indiqués dans ces cas et qui coûtent cher.

Son seul souhait, c’est de voir son fils redevenir comme avant, surtout que ce dernier souffre de troubles psychologiques depuis ces incendies ravageurs. Il est traumatisé. Une prise en charge psychologique permanente est préconisée et, pourquoi pas, l’assurer en milieu scolaire, car nombreux sont ceux qui ont toujours peur de voir ne serait-ce qu’une bougie allumée.

Pour ce qui est de la prévention et de la lutte contre les incendies, on n’enregistre pas de grands changements sur le terrain. Une nouvelle stratégie de prévention et de lutte contre les feux de forêt a cependant été adoptée au niveau central. Le ministre de l’Agriculture et du Développement rural avait annoncé, en mai dernier, la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de prévention et de lutte contre les feux de forêt durant l’année en cours.

Une stratégie reposant sur le principe d’amélioration du dispositif opérationnel afin d’augmenter l’efficacité des interventions, réduire les feux de forêt et protéger les biens et les personnes. Elle est axée, principalement, sur la sensibilisation et le renforcement des ressources humaines et matérielles, mais aussi sur la fourniture de tous les outils de l’intervention opérationnelle.

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Agoulmime, un village meurtri

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Les morts d’Agoulmine pour rappeler l’ampleur du drame



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