Tunisie : le projet de constitution dénoncé par son rédacteur

Sadok Belaid, professeur en droit constitutionnel tunisien et président de la commission pour la rédaction du projet de constitution sort de son silence et dénonce la version publiée dans le Journal Officiel la semaine dernière, qui serait selon lui complètement différente avec celle remise par son instance au président Kaïs Saïed.
Il s’est exprimé ce dimanche 3 juillet en publiant la mouture initiale du texte dans le journal tunisien al Sabah accompagnée d’un communiqué de dénonciation.
« Cela n’a rien à voir avec ce que la commission a accompli » affirme Sadok Belaid qui juge avec sévérité la démarche du président Saïed.
« La mission qui nous a été confiée est un bien qui a été fait pour faire le mal, il est de notre devoir de dénoncer avec force et sérénité un texte présenté au journal officiel et soumis au référendum, qui n’a rien à voir avec celui que nous avons préparé et qui a été soumis au Président ».
Et de poursuivre « par conséquent, en ma qualité de coordinateur de la commission nationale consultative, et après consultation et accord de mon ami, le professeur Amine Mahfouz, j’annonce avec regret et en pleine conscience de ma responsabilité envers le peuple, que la commission est totalement innocente du projet proposé par son Excellence le Président pour le référendum ».
La principale raison du mécontentement du coordinateur de la commission est la présence dans la mouture finale de nombreux articles qui donnent au Président les pleins pouvoirs.
Les points incriminés qui auraient été modifiés du texte original tendent, selon Sadok Belaid à : Enterrer et déformer l’identité tunisienne. Utiliser de manière suspecte l’article 80 de la constitution de 2014 qui désignant le « danger imminent » par lequel le Président s’arroge les pouvoir étendus dans des circonstances qu’il décidera par lui-même et qui ouvrirait la voie au totalitarisme dictatorial.
Les articles dédouanant le Président de la République de toute responsabilité. Une évocation vague d’un système régionaliste qui pourrait réserver de mauvaises surprises dans l’avenir. Un affaiblissement voulu des prérogatives de la Cours constitutionnelle et plus généralement du pouvoir judiciaire et enfin l’absence de d’orientation sur les dimensions économiques, sociales, environnementales et culturelles du projet politique tunisien.
projet de Constitution, qui devra être proposé à l’avis populaire le 25 juillet prochain, a été publié au Journal officiel tunisien le 30 juin dernier, il comprend 142 articles répartis en dix chapitres.
La raison évoquée par le Président Kaïs Saïed pour réformer la constitution de 2014, qui est issue de la Révolution du 14 janvier 2012, est que cette dernière était parsemée d’articles pièges qui bloquaient l’exercice politique et la bonne gestion de l’Etat.
Une lecture rapide du texte remanié laisse entrevoir la modification du statut du Président de la République, avec un élargissement de ses prérogatives et une marginalisation des contre-pouvoirs existants. Le texte stipule clairement que « le Président exerce la fonction exécutive avec l’aide d’un gouvernement dirigé par un Premier Ministre nommé par le Président de la République ». Cette Constitution donne au Président le droit de décrèter l’état d’exception sans aucune condition de durée et lui accorde le droit de rejeter les projets de lois ratifiés par le parlement.
Cette concentration de pouvoirs entre les mains d’une seule personne provoque beaucoup de remous parmi la classe politique tunisienne mais a peu d’échos dans la rue. Le taux de participation et le résultat du référendum auront une importance capitale pour l’avenir du projet politique de Kaïs Saïed.
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