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Culture

Madaure, une histoire oubliée

Madaure, une histoire oubliée

Habitué à passer ses vacances à l’étranger, Lotfi a décidé cette année, à cause des mesures de restriction imposées par la propagation de la Covid-19, de faire profiter ses dizaines de milliers d’abonnés sur sa page Facebook, dédiée au voyage et au tourisme culturel, des pépites touristiques dont regorge l’Algérie.

Fervent amateur de tourisme culturel et historique, son choix s’est comme naturellement porté sur la wilaya de Souk Ahras qui, en plus de régaler ses visiteurs de paysages à couper le souffle, a une histoire millénaire avec des personnalités à renommée universelle, dont les plus connues sont Apulée de Madaure, l’auteur du premier roman de l’humanité, Saint Augustin, l’un des quatre pères de l’Eglise occidentale, sans omettre Takfarinas, Massinissa et bien d’autres encore.

«D’habitude, je fais des sortes de pèlerinage culturel dans deux à trois pays chaque année. Je visite presque exclusivement des sites archéologiques et culturels», explique ce jeune homme de 35 ans qui a à son palmarès une vingtaine de pays visités.

Il est vrai que c’est une fierté pour ce globe-trotteur d’avoir voyagé dans d’aussi nombreux pays, néanmoins, il avait, à ce jour, le sentiment de passer à côté de quelque chose, et ce sentiment ne le quittait pas.

«Jamais un mot ou une photo sur notre culture ou sur notre histoire !». C’est grâce à ce petit commentaire de l’un de ses abonnés que Lotfi a eu le déclic et s’est rendu compte qu’il passait à côté de l’essentiel, d’un trésor historique riche en événements et rayonnant de gloire.

«A ce moment-là, j’ai réalisé que j’ignorais beaucoup de choses sur l’histoire ancienne de mon propre pays, convaincu que la richesse culturelle se trouvait toujours chez les autres», a révélé cet architecte.

Avouant n’avoir jamais visité un seul site archéologique ou un seul musée en Algérie, il s’est dit victime, comme tant d’autres comme lui, d’un marketing culturel à outrance, notamment occidental, qui «vend du rêve aux voyageurs», mais surtout, déplore Lotfi, de «l’absence» d’une politique de médiatisation nationale pour mettre en avant les atouts valorisants de la destination Algérie. Et pour cause, il a fallu à notre architecte un vrai travail de recherches et de documentation pour établir un programme de «voyage temporel», comme il aime à l’appeler, pour une semaine de tourisme culturel pour la destination de son choix.

La richesse de notre histoire et sa diversité n’ont pas facilité la tâche de Lotfi. «Le choix était très difficile mais j’ai décidé de commencer par le commencement, et c’est l’enceinte de la première université qu’a connue l’humanité que je visiterai en premier», a-t-il tranché.

Faute de structure hôtelière à Madaure, l’antique ville romano-numide «Madauros», dans l’actuelle Mdaourouch, il a choisi de s’installer dans un hôtel de la ville de Souk Ahras, chef

lieu de wilaya et ville natale de Saint Augustin, philosophe et théologien et l’un des 33 docteurs de l’Eglise.

Etant matinal, à 6 h, Lotfi commence à se préparer pour entamer sa traversée. Mais une fois arrivé à Mdaourouch, il est choqué de ne pas trouver de navette pour aller vers les sites archéologiques situés à 7 km du centre-ville.

«Dans tous les pays que j’ai pu visiter, le transport était le dernier souci, contrairement à ce qui se passe ici», s’étonne-t-il. Lui qui s’attendait à un engouement autour de ce site historique, à sa plus grande surprise, il fut le seul visiteur ce jour-là. Même les guides étaient absents.

«Les visiteurs sont rares», lui lance un agent chargé de la sécurité du site.

SUR LES TRACES D’APULÉE
En touriste expérimenté et averti, Lotfi ne voyage jamais sans son guide touristique de poche, en plus d’un autre sous format PDF sur son Smartphone qui, d’ailleurs, lui a été très utile dans cette ville mythique, fondée à la fin du premier siècle après Jésus Christ (JC) sur les ruines d’une cité Numide qui témoigne de l’histoire millénaire de notre pays.

Une fois à l’entrée de la cité mythique, une multitude d’émotions l’ont envahi alors qu’il arpentait le «Grand Corridor» pour marcher sur les pas d’Apulée de Madaure, l’auteur du premier roman de l’histoire de l’humanité, l’Ane d’or.

«L’émotion m’a submergé. Marcher sur les pas de nos ancêtres est une expérience inédite et confère un sentiment inégalé», dit-il. Lotfi s’est ensuite avancé vers «les petits et les grands thermes» (des bains antiques, l’un utilisé en été et l’autre en hiver), des maisons, des moulins à olives et des pressoirs à huile, presque intacts, qui s’alignent sur le même côté. Plus loin, de l’autre côté, au cœur de la ville qui a défié le temps, s’élève le forum mitoyen à l’un des plus petits théâtres romains au monde.

En dépit du mur de la forteresse qui coupe le forum en deux et la destruction d’une partie du théâtre, son architecture reste spectaculaire. Ce théâtre est unique en son genre. «Je me sentais comme plongé dans une autre dimension», signale-t-il, ajoutant qu’il comprenait maintenant pourquoi cette ville attirait beaucoup d’hommes de lettres, de philosophes, de grammairiens, de mathématiciens et de rhétoriciens.

Tout au long du chemin de retour à son hôtel, Lotfi, qui a été astreint à faire du stop pour se rendre à la station de bus, se demandait comment était-il possible que l’on délaisse «une telle merveille» qui peut être une valeur ajoutée à l’économie nationale, laquelle doit se détacher de la dépendance aux hydrocarbures.

Alors qu’il devait rester au moins une semaine dans la wilaya, Lotfi, en dépit de toute sa volonté et son enthousiasme, a dû, le cœur serré, écourter son séjour après avoir visité l’incontournable Olivier de Saint Augustin, trois fois millénaires et témoin de la longue histoire de la région.

«Sans commodités, sans moyens de transport, sans restaurants et hôtels, personne ne s’aventurera ici. Même pour le touriste local, les conditions restent très difficiles», alerte-t-il.

Beaucoup de touristes comme Lotfi, surtout en cette période sanitaire difficile qui contraint beaucoup de pays à fermer leurs frontières, attendent des autorités qu’elles agissent pour faire de l’Algérie une destination incontournable.

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