«Touche pas à l’ESS, mon ami !»
« Je ne voulais pas le tuer Monsieur le président ! Je voulais seulement lui faire peur à l’aide de mon couteau ! J’ai brandi mon arme blanche et je l’ai touché en plein thorax ! J’ai tenté de le secourir en appelant un clandestin mais malheureusement, ce dernier a refusé sous prétexte qu’il avait peur ! »
Voilà donc quelques extraits des déclarations faites par l’inculpé répondant aux initiales de R.B, 37ans, repris de justice, ouvrier de son état, demeurant à la cité des 400 logements de BBA. Celui-ci qui a été reconnu coupable de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et condamné à 12 ans de prison ferme assortis de 150 millions de centimes de dommages et intérêts.
Bref ! Revenons aux faits du drame qui a secoué la cité des 400 logements en plein cœur de la capitale des Bibans en l’occurrence Bordj Bou Arreridj. Tout a commencé lorsque la salle de trafic de la sûreté de wilaya a reçu une communication téléphonique faisant état de la découverte d’un corps macabre gisant dans une mare de sang au niveau de la route menant vers Aouina Z’riga.
Aussitôt alertés, les enquêteurs se sont immédiatement rendus sur les lieux où ils ont procédé à l’ouverture d’une instruction judiciaire et l’audition des suspects, des amis et des voisins de la victime. Ces derniers étaient unanimes pour déclarer aux investigateurs que le défunt était accompagné de R.B une demi-heure auparavant.
Renseignements pris, des policiers de la brigade criminelle se sont rendus au domicile familial du présumé auteur pour l’arrêter. Conduit au commissariat central de la ville, un procès-verbal lui a été établi et durant lequel, il a nié tous les faits qui lui ont été reprochés en déclarant : « Je n’ai rien à voir dans cette affaire.
Je suis innocent de l’accusation qui est portée à mon encontre… ».
Mais, il a perdu de sa ténacité lorsque les éléments de la police judiciaire lui ont remis une puce qui lui appartenait et qui a été retrouvée sur les lieux du crime : « C’est vrai cette puce m’appartient ! J’étais en compagnie de la victime, mais je ne l’ai pas tuée ! ».
Un jour plus tard, il a été présenté devant le procureur de la République du tribunal de Bordj Bou Arreridj qui, après avoir constaté la gravité des faits, a sollicité son collègue de l’instruction au sujet de l’ouverture d’une enquête et l’emplacement du prévenu à l’établissement pénitentiaire d’Aïn Soltane sous le chef d’inculpation d’homicide volontaire.
Au cours de son audition, le juge d’instruction a déterminé que le mis en cause n’avait pas l’intention d’attenter à la vie de son ami et l’a poursuivi pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner.
Quelques mois plus tard, le dossier a été transféré à la Chambre d’accusation où les juges ont confirmé les accusations retenues par le magistrat instructeur.
Une année, après son incarcération, le prévenu jugé coupable a déclaré aux membres du tribunal criminel : « On discutait le plus normalement du monde ! Le défunt me reprochait d’être un supporteur de l’entente sétifienne et m’a traité de tous les noms.
Il m’a donné un ultimatum de dix jours pour revenir sur ma décision. Je lui ai dit qu’il n’en est pas question que je change d’avis sur le club que j’ai tant aimé et chéri, et je resterai fidèle à l’ESS ! »
Et d’ajouter, les larmes aux yeux : « Je ne voulais pas le tuer Monsieur le président ! Je voulais seulement lui faire peur à l’aide de mon couteau ! Il s’est levé et allait exhiber son couteau lui aussi, et sans faire attention, je l’ai touché en plein thorax »
Il est interrompu par le président : Qu’est-ce que vous avez fait à cet instant ? » –« J’ai pris la fuite Monsieur le président ! ».
Ce n’est pas ce que vous avez déclaré au cours de l’enquête préliminaire ? Vous avez tenté de le secourir, oui ou non ? Questionne le président de l’audience et l’inculpé de répondre : « J’ai appelé un clandestin pour l’emmener à l’hôpital mais il a refusé sous prétexte qu’il pourrait faire l’objet lui-même d’une accusation de complicité dans le meurtre ! ».
Les témoins qui se sont succédé aux témoignages ont déclaré au président en charge du dossier : « Ils étaient de bons amis, ils passaient la plupart du temps ensemble, ils travaillaient en qualité de maçons en commun. Nous sommes d’ailleurs étonnés. Certes, le défunt était un chauvin du CABBA et le mis en cause un chauvin de l’ESS mais nous avons jamais pensé qu’ils en arrivent là pour une histoire de clubs »
Prenant la parole, l’avocat de la partie civile a estimé que toutes les preuves légales et matérielles sont formelles, notamment en ce qui concerne l’intention criminelle d’attenter à la vie de son client : « C’est un crime gratuit ! Il a mis fin aux jours d’un jeune qui avait à sa charge toute une famille à cause d’une histoire de deux clubs footballistiques ! C’est pourquoi, je demande une réparation matérielle de 200 millions de centimes pour chacun des six membres de la famille du défunt ».
De son côté, le procureur général, qui a requis 20 ans de réclusion criminelle, a estimé que toutes les accusations portées à l’encontre du mis en cause sont établies notamment en ce qui concerne l’intention criminelle.
Dans le même contexte, le représentant de la société a affirmé que : « La preuve qu’il avait l’intention de le tuer c’est de lui avoir assené un coup dur en plein thorax ».
Il a enfin conclu que le mis en cause ne mérite ni clémence ni indulgence, étant un repris de justice dont le casier judiciaire est signé en rouge
Les avocats de la défense se sont contentés de demander l’application des articles ayant trait aux circonstances atténuantes.
Après les délibérations, le tribunal a répondu favorablement aux demandes sollicitées par l’avocat se basant sur la relation qui lie les deux parties.