Tizi Ouzou : Les producteurs de lait toujours dans l’impasse
Nonobstant leurs actions pour faire valoir ce qu’ils estiment être « leur droit inaliénable », lesquels se sont traduits, entre autres, par la fermeture des services de la DSA en date du 13 avril dernier et une grande campagne médiatique qui s’en est suivie, les producteurs de lait de la wilaya de Tizi Ouzou sont toujours dans l’impasse.
A vrai dire, ce ne sont pas seulement les producteurs de lait de la wilaya de Tizi Ouzou qui sont très mécontents de leur statut, mais l’ensemble des producteurs de lait des wilayas de Tizi-Ouzou, Bejaia, Bouira, Boumerdès et Bordj Bou Arréridj qui se reconnaissent dans le Conseil interprofessionnel du secteur agricole.
« Après la tenue du conseil interprofessionnel de la filière lait devant regrouper les délégués de notre wilaya et ceux des wilayas de Béjaïa, Bouira, Boumerdès et Bordj Bou Arréridj, prévu pour la journée de demain à l’ITMA (Institut des techniques et moyennes agricoles) de Boukhalfa (Tizi Ouzou), et où il sera question de débattre de l’ensemble de nos difficultés, nous comptons organiser aussitôt le conseil régional de Tizi Ouzou.
C’est à partir de celui-ci justement que nous arrêterons les actions de protestation à mener sur le terrain pour nous faire entendre cette par qui de droit ». Telle est la déclaration que nous avons recueillie, dimanche dernier, en fin d’après-midi, auprès de Rabah Ouguemmat, Djamel Brahimi, Rachid Chebbah, Djamel Himmed, dont les deux premiers sont respectivement représentants des éleveurs et producteurs de lait de Timizart et Aïn Zaouia et les deux autres membres du Conseil national de l’UNPA (Union nationale des paysans algériens).
L’un après l’autre, parfois presque tous en même temps, ces responsables ont pointé du doigt les pouvoirs publics en général et le président de l’APW, Hocine Haroun, en particulier. Le wali de Tizi Ouzou est accusé de ne pas avoir accordé de l’importance aux doléances des producteurs de lait et d’être passer à l’action musclée au printemps dernier.
La direction de la chambre agricole de la wilaya est aussi qualifiée par nos interlocuteurs d’« obsolescente ». « Cette institution est à nos yeux beaucoup plus virtuelle qu’autre chose ; pour ne pas dire insignifiante », a martelé Djamel Himmed. « Le seul responsable à daigner nous écouter, et qui a reconnu ne pas avoir été informé de nos difficultés, c’est le wali Abdelkader Bouaghzi », a souligné Rachid Chebbah.
A la question de savoir quels sont justement leurs problèmes, nos interlocuteurs ont mis en avant « l’absence totale d’une politique agricole et un statut fiable reconnaissant leur profil professionnel ». Pour sa part, Rabah Ouguemmat est revenu sur les pertes que subissent directement les producteurs de lait.
Selon ses dires, le prix de revient d’un litre de lait est en réalité de 72 DA alors qu’ils ne le commercialisent, et ce selon la fourchette fixée par l’Etat, qu’à 46 DA le litre. Dans le prix de 46 DA, figure la subvention de l’Etat d’un montant de 12 DA. L’absence de rentabilité est justifiée par la cherté de l’aliment pour bétail.
Rabah Ouguemmat nous affirme que l’aliment pour bétail concentré est cédé à un prix de 4 000 DA le quintal ; le son est cédé au prix de gros à 2 700, DA le quintal, l’avoine à 1 000 DA la botte et la paille 650 DA la botte. A la question de savoir si ces prix sont ceux fixés par l’Etat, notre interlocuteur a répondu par la négative.
Des explications de Rabah Ouguemmat, il ressort qu’au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou, il existe seulement onze minoteries, dont une seule (la minoterie de Tadmaït) est publique.
A elle seule, cette dernière n’arrive pas à satisfaire la demande des clients. Il se trouve que seule cette minoterie publique applique des prix raisonnables, c’est-à-dire les prix fixés par l’Etat.
Quant aux privés, alors qu’officiellement ils sont tenus de respecter la fourchette fixant les prix, ils appliquent en réalité leurs propres prix. Le prix légal d’un quintal de son est de 1 500 DA, mais lorsque le client exige la facture du minotier, celui-ci répond tout simplement que le produit demandé n’est pas disponible.
En revanche, si le client est prêt à acheter sans exiger la facture, le quintal de son est cédé à 2 700 DA, soit une différence de 1 200 DA. Il se trouve que l’éleveur de bétail, plus exactement le producteur de lait, ne peut se permettre le luxe de boycotter les minoteries privées, car les vaches risquent ainsi de mourir ou de ne plus produire de lait.
De plus, personne n’oserait priver une vache de son aliment quitte à s’endetter. En somme le métier de producteur de lait en Algérie est un véritable casse-tête, et tout semble indiquer que c’est à l’Etat que revient le rôle de trouver des mécanismes nécessaires pour endiguer ce mal, à commencer par concurrencer les minotiers privés.