Tizi Ouzou : Des atouts et des opportunités inexploités
« Tourisme dans la wilaya de Tizi Ouzou : entre réalité et perspective », tel est le thème d’un séminaire organisé, mercredi dernier, par l’APW de Tizi Ouzou et auquel ont pris part des responsables de la direction du tourisme et de l’artisanat de la wilaya, des experts en tourisme, des économistes et universitaires, des professionnels du tourisme, à l’instar des investisseurs, des responsables et gérants d’offices touristiques, des agences de tourismes, des hôteliers et, bien sûr, des acteurs du mouvement associatif versés dans le tourisme.
Cette rencontre, abritée par l’hémicycle Rabah-Aïssat, a été, encore une fois, une occasion de révéler que la wilaya de Tizi Ouzou est toujours à la traîne en matière d’activité et d’économie touristique.
Il n’y a ni structures hôtelières, ni assiettes foncières pour accueillir ces structures, ni cadre juridique adéquat pour le lancement d’une réelle économie touristique.
La culture touristique, aussi bien chez le responsable que chez le citoyen, semble quasi absente. A cela s’ajoute l’environnement, tant écologique que sécuritaire, qui contraste violemment avec l’idée universelle que l’on peut se faire de tourisme.
Le président de la commission tourisme et artisanat de l’APW, Ramdane Ladaouri, a lui-même constater l’absence flagrante des outils touristiques les plus indispensables.
Données chiffrées à l’appui, Ramdane Ladaouri a mis à nu les discours officiels portant sur les atouts de la wilaya de Tizi Ouzou en matière touristique. En effet, le président de la commission tourisme et artisanat de l’APW a signalé à la presse que sur le plan de l’hébergement, la wilaya de Tizi Ouzou ne possède qu’une capacité de 1 250 lits.
Or l’hôtel Sheraton d’Alger à lui seul, a une capacité d’hébergement de 800 lits. Ramdane Ladaouri a ajouté que les hôtels publics tels que Lalla-Khedidja, Amraoua, Belloua, la Brasserie d’argent (Ath-Yenni) et Thala-Guilef sont toujours fermés.
Pour rappel, les hôtels en question ont été fermés par les pouvoirs publics pour des travaux de restauration. Ladaouri est allé jusqu’à dénoncer avec vigueur l’état de « délabrement avancé » de l’INTHT (Institut national des techniques hôtelières et touristiques) de Tizi Ouzou. « Nous avons même pensé, a-t-il dit, à organiser cette rencontre au niveau de l’INTHT, mais avons fini par nous raviser vu son état de délabrement ».
Pour sa part, l’expert Akli Moussouni a rejeté de fond en comble la politique touristique appliquée jusque-là par les pouvoirs publics, et ce pour la simple raison qu’elle n’obéit pas à la logique de l’économie et à la pratique touristique.
Cependant, M. Moussouni ne s’est pas contenté d’anathématiser la situation et la politique touristique vécue jusque-là. En effet, cet expert a proposé des solutions et des schémas scientifiques pour lancer une réelle économie touristique.
C’est dans le cadre de cette approche scientifique que le séminariste a mis en avant les concepts de l’image touristique basée sur le recensement des faiblesses, à savoir l’insécurité, l’insalubrité de l’environnement, la dispersion des agrégats, c’est-à-dire les différentes parties concernées, l’esprit des filières très peu développées, l’absence de visibilité commerciale, les capacités d’accueil très limité, les produits du terroir relégués au dernier rang, voire mis aux oubliettes, et enfin l’absence d’organisations professionnelles.
Concernant les forces, Akli Moussouni les a classées au chapitre du patrimoine matériel et immatériel diversifié : le soutien de l’Etat dans le cadre de la diversification de l’économie, l’émergence d’une élite universitaire et la possibilité de professionnalisation autour de la filière.
Des atouts et des opportunités inexploités
M. Moussouni a ensuite énuméré les éléments d’opportunité, qui ne sont pas des moindres. Il s’agit, entre autres, du marché mondial en croissance du tourisme local, du marché ethnique et nostalgique à l’endroit des communautés nationales à l’étranger et enfin du marché local à construire à travers la diversité nationale à contre-courant des départs. Se voulant plus explicite, l’expert a plaidé pour la revalorisation du produit du terroir et les valeurs anciennes de solidarité.
La formule, ou tout simplement le triptyque propre à tous les professionnels du tourisme, se pose de la sorte : faire venir quoi ? Faire manger quoi ? L’héberger où ?
L’expert Akli Moussouni a catégoriquement rejeté le principe de l’hôtel touristique 5 étoiles car « ce genre d’établissement n’est fréquenté que par les hommes politiques et les hommes d’affaires ». « Le touriste recherche la simplicité en matière de restauration et d’hébergement », a déclaré le séminariste.
Moussouni a cité une multitude de formules justes et non compliquées pouvant attirer les touristes. Il a enfin conclu en disant que le tourisme n’est en fin de compte qu’un élément émergeant des autres secteurs d’activités de développement comme l’industrie et l’agriculture.
En ce qui le concerne, le directeur du tourisme et de l’artisanat, Rachid Ghadouchi, a réussi à mettre en lumière certaines réalités de son secteur. En effet, il a évoqué les huit ZET (zones d’extension touristiques) balnéaires ainsi que la neuvième dégagée dans la localité de Boghni.
Rachid Ghadouchi a également parlé des projets d’investissement dans le secteur touristique. Il n’a pas omis, bien sûr, de rappeler la volonté de l’Etat de lancer l’économie touristique dans la wilaya de Tizi Ouzou, et ce en énumérant les lois et les circulaires ministérielles abondant dans ce sens.
Dans le cadre du tourisme solidaire justement, le citoyen algérien peut recevoir et héberger un touriste étranger.
La circulaire ministérielle du mois de juin 2016 l’autorise en effet à agir dans ce sens. Le premier responsable du tourisme et de l’artisanat, qui maîtrise ses dossiers, a troqué son costume de responsable administratif pour celui d’universitaire.
A ce moment là, il s’est attaqué à la bêtise humaine. M. Ghadouchi a ciblé particulièrement les citoyens qui s’opposent à la réalisation de projets de développement sans pour autant être directement concernés.
La politique de l’économie touristique n’a commencé qu’en 2010
Le séminariste a informé également l’assistance que la véritable politique de l’économie touristique n’a commencé qu’à partir de l’année 2010 car, auparavant, l’Etat avait des choses plus urgentes à faire, à savoir la lutte contre le terrorisme.
Avec des arguments de poids, Rachid Ghadouchi a réussi à convaincre l’assistance que les choses vont dans le bon sens. Du coup, personne n’osera désormais rendre responsable l’Etat, comme ce fut le cas à maintes reprises précédemment.
Une multitude de séminaristes ont également pirs la parole et chacun a développé sa propre thématique. Mohamed Azzouz, président de la Fédération des offices du tourisme (FOT), a mis en avant toute une batterie de lois concernant la gestion des offices de tourisme.
M. Azzouz, qui gère l’office touristique de Tigzirt depuis de nombreuses années, a fait des observations et des suggestions très pertinentes sur la science touristique.
Sa très longue expérience dans le domaine (depuis le milieu de la décennie 1980) a fait de lui une référence nationale en matière de science et de gestion touristiques. Notons enfin que l’Algérie, fidèle aux principes internationaux, consacre cette année 2017 « Année du tourisme durable pour le développement », tel que l’a décidé l’instance des Nations unies.
C’est pourquoi, dès ce mois d’août, une caravane sillonnera le littoral et une partie montagneuse de la wilaya de Tizi Ouzou. C’est ce qu’a annoncé Rafik Raâb, l’un des principaux responsables du projet. L’intervenant a indiqué qu’à travers ces actions relevant du tourisme durable, cinq points seront ciblés.
Il s’agit d’assurer une croissance économique inclusive et durable, l’inclusion sociale, de l’emploi et une réduction de la pauvreté, l’utilisation rationnelle des ressources, la protection de l’environnement et une considération sur les changements climatiques, les valeurs culturelles, la diversité et le patrimoine, et enfin la compréhension mutuelle, la paix et la sécurité dans le monde.
Rafik Raâb a annoncé également la tenue de la première édition du Festival du tourisme. Cependant, ni le lieu ni la date exacts n’ont été avancés. Idem concernant la date et les lieux exacts où passera la caravane.
Notons, par ailleurs, que la direction de l’artisanat et du tourisme de la wilaya de Tizi Ouzou a réceptionné 268 projets d’investissement dont 33 sont en cours de réalisation. Une cinquantaine de dossiers ont obtenu de la tutelle un accord de principe. 98 projets ne sont pas encore lancés alors que 3 sont déjà réceptionnés. 137 demandes portent sur l’obtention d’une assiette foncière pour la réalisation d’un projet de tourisme de montagne.