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Culture

L’écrivain Tahar Ould Amar : « Yennayer n’est pas du folklore » 

L’écrivain Tahar Ould Amar  : « Yennayer n’est pas du folklore » 

Yennayer, ou le nouvel an amazigh, se célèbre depuis des lustres dans toutes les régions d’Algérie. Depuis 2018, yennayer est en conformité avec la loi du 26 juillet 1963 fixant la liste des fêtes légales chômées et payées. Ce résultat a été atteint suite à un combat politique et culturel acharné, mais aussi grâce aux nombreuses études sur la question. 

Tahar Ould Amar est tout d’abord un enfant de la Grande Kabylie mais également une plume. Journaliste et écrivain en langue amazighe, il a, à travers cet entretien, évoqué l’importance des célébrations sous forme de festivités, qui ne doivent pas être, selon lui, sous-estimées. Elles ont leur valeur car ce sont des moments de joie et de partage entre les membres d’une société. L’écrivain insiste sur la dimension historique de yennayer et met l’accent sur le rôle de l’école.  

 

Le Jeune Indépendant : Que représente yennayer pour Tahar Ould Amar et comment le fêtez-vous ?  

Tahar Ould Amar : Au-delà de l’aspect festif, yennayer, tout comme d’ailleurs amager n tefsut (la rencontre du printemps), est l’un des moments qui me rappelle que j’appartiens à un peuple façonné par une histoire plusieurs fois millénaire. C’est l’un des moments de générosité et de communion. C’est un ciment où l’Algérie plurielle, celle de yennayer, nnayer et laâdjouza, marquent une halte et se ressource dans une identité commune. C’est en famille, dans la convivialité et autour d’un couscous roulé à la main que j’accueille le nouvel an amazigh.  

JI : Après de nombreuses années de lutte, yennayer est reconnu comme fête nationale depuis 2018. Que représente pour vous cette reconnaissance ?  

La reconnaissance et le statut, désormais officiel, de yennayer n’est que le bon sens retrouvé. Cela permettra aux institutions, si toutefois le cap est maintenu, de devenir le prolongement naturel d’une réalité sociale tellement ignorée.  

JI : Considéré comme une célébration festive par excellence, yennayer se folklorise de plus en plus. On ne donne pas une grande importance à la dimension historique de cette fête. Qu’est-ce que vous en pensez ?  

Je pense que le folklore à dose modérée est utile en ce sens qu’il consolide l’ancrage identitaire. Cela étant, comme vous dites, il faut donner une importance à la dimension historique. Une dimension qui gagnerait à être décortiquée avec les outils modernes. Ce faisant, nous retrouverons dans les « sebɛa isufar » (les sept ingrédients) du couscous et le rapport qu’entretiennent les Imazighen avec la nature tout un programme et un comportement écologiques (et donc un savoir-vivre) que l’homme moderne découvre et peine à faire aboutir.  

JI : L’école est censée éduquer et promouvoir les principes de l’identité nationale et du patrimoine algérien auprès des élèves. Pensez-vous que la méconnaissance de la symbolique de yennayer soit venue de l’école elle-même ?  

L’école est censée veiller à ce que le cordon ombilical qui la rattache à la société ne rompt pas. Jusque-là, cela n’a pas été le cas. Bien au contraire, obéissant à des considérations idéologiques, elle n’a pas tendu l’oreille aux palpitations de la société. Elle les a niées et leur a tourné le dos. Mais en fait, l’école n’est que ce que l’Etat veut qu’elle soit, elle est managée de sorte à produire le citoyen envisagé. Elle produit, tour à tour, un « socialiste spécifique », un « nationaliste analphabète », « un religieux creux », « un harraga mélancolique », etc. Espérons que l’école se ressaisisse et nous produise des Algériens performants.  

JI :Cette année encore, le ministère de l’éducation a instruit l’ensemble des établissements scolaires à célébrer l’événement à travers des activités pédagogiques et d’autres culturelles et artistiques. Quelles sont vos appréciations ?  

C’est une bonne chose que le ministère de l’éducation s’intéresse à yennayer. Cependant, la manière de s’y intéresser compte beaucoup. L’aspect folklorique consistant à exposer des ustensiles vieillis et autres poteries que l’on sort pour la circonstance n’a pas d’un grand impact. Par contre, comme je l’ai insinué plus haut, la démarche pédagogique est d’étaler des repères valorisants et plus rentables puisqu’elle propose des motifs de fierté à nos enfants.  

JI : Vous êtes un auteur qui écrit en langue amazighe et vous avez toujours défendu cette cause. Quelles sont les vraies conditions pour une réelle émancipation de la langue ?  

 L’émancipation de la langue amazighe, l’émancipation de tout est conditionnée par le mot clé « liberté ». Liberté d’écrire, de dire, d’être, de penser, d’être différent de l’autre… Bien évidemment, cette liberté à conquérir ne saurait être sans respect et tolérance. Nous y arriverons.   

 

Tahar Ould Amar est un auteur qui écrit en langue amazighe. Après un premier roman intitulé Bururu (Editions Azur), publié en 2006, et qui a reçu le prix Apulée 2008, l’écrivain a édité son second roman, intitulé Murdus (Editions Imtidad, 2022). Tahar Ould Amar est également l’auteur d’autres livres, notamment des recueils de chroniques journalistiques « Tafunast ittezgen pétrole » (Vache à pétrole) (Editions Achab, 2015), toujours en langue amazighe.

Il est d’ailleurs l’un des pionniers du journalisme en langue amazighe. Originaire de la wilaya de Tizi Ouzou, il vit à Bouira où il a enseigné et exercé le métier de journaliste pendant de longues années. Il est également l’un des organisateurs du Salon du livre amazigh de Ouacif. 

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