Sur fond de guerre de leadership: Les BRICS vers une transition politique

Le sommet des BRICS qui se déroule à Johannesburg en Afrique du Sud a certainement consacré la naissance d’un monde multipolaire, aux antipodes de l’hégémonie occidentale, mais a toutefois laissé transparaître une guerre de leadership en son sein au moment où se précise l’extension du groupe vers de nouveaux acteurs dont éventuellement l’Algérie.
Désireux d’étendre leur influence, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réunis en plénière, ce mercredi 23 août, se sont unanimement dits ouverts à un élargissement du bloc, mais le choix des pays entrants et les conditions d’adhésion doivent encore être discutés.
«Nous sommes sur le point d’élargir la famille des BRICS», a déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa qui préside le sommet. «Tous les membres soutiennent pleinement» la proposition, s’est-il félicité avant une réunion avec ses homologues qu’il accueille jusqu’à jeudi.
Dans une déclaration à la presse à l’issue de la plénière au centre des conférences de Sandton, le chef de la diplomatie sud-africaine Naledi Pandor a affirmé qu’il a été question de jeter les bases d’une extension du groupe mais que les conditions d’adhésion sont sous la loupe des cinq.
Un total de 43 pays dont l’Algérie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, Les Emirats Arabes-Unis, l’Ethiopie, l’Argentine, le Nigeria, l’Iran ou autre Cuba ont fait part de leurs souhaits d’intégrer le «club des cinq», qui produit un quart de la richesse mondiale et rassemble 42% de la population du globe.
La Chine et l’Inde, deux poids lourds en termes de masse humaine et d’assises économiques émergentes, consacrent en apparence un rapprochement en matière de partenariat bilatérale au sein des BRICS et restent solidaires sur les questions financières, sans pour autant êtres sur la même longueur d’ondes s’agissant de la démarche à suivre sur la question des adhésions.
Si le président chinois Xi Jinping considère que l’ouverture de la porte des BRICS est une question vitale pour la survie du groupe face à l’incessante hostilité américaine à la naissance d’un pôle, remettant en cause son hégémonie dans le monde, le premier ministre de l’Inde Narendra Modi fait preuve de prudence sans pour autant contrarier la Chine.
«Les BRICS doivent œuvrer en faveur du multilatéralisme et ne pas créer de petits blocs. Nous devons intégrer davantage de pays dans la famille des BRICS pour construire un ordre international plus juste et équitable, a souligné le Président Xi Jinping, insistant sur le fait que « l’hégémonisme n’est pas dans l’ADN de la Chine ».
Pour le chef d’Etat chinois les BRICS continueraient de croître « quelle que soit la résistance qui pourrait exister », ajoutant qu’ « à l’heure actuelle, les changements dans le monde se déroulent comme jamais auparavant, amenant la société humaine à un tournant décisif», a-t-il lancé en guise d’appel pressant vers l’extension du groupe vers un front élargi.
En réaction, Modi a affirmé que « l’Inde sera bientôt le moteur de la croissance mondiale, voire la première économie mondiale ». Si les propos de Modi laissent entendre qu’il s’agit d’une posture populiste et un vœu pieux en raison des difficultés économiques auxquelles fait face l’Inde, une pauvreté en hausse, et une défaillance dans le domaine des infrastructures, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut contrarier l’élargissement du groupe.
Le poids indéniable de la Chine, l’inde fait marche arrière
L’Inde soutient pleinement l’élargissement de la composition des BRICS et se réjouit d’avancer vers un consensus», a souligné Modi qui a plaidé pour l’accession seulement de l’Union africaine en tant qu’organisation aux BRICS et au G20.
« Ensemble, nous pouvons apporter une contribution significative à l’amélioration de la vie dans le monde entier, en particulier dans les pays du Sud global », indique Narendra Modi qui est entré au sommet enorgueilli par l’envoi d’une sonde spatiale indienne, ce mercredi, sur la partie sombre de la lune. L’inde est le quatrième pays après les USA, la Chine et la Russie à réaliser cet exploit d’où la proposition de Modi de créer un centre spatial des pays des BRICS.
A contrario, Xi Jinping a fait savoir que les pays des BRICS étaient convenus de lancer un groupe d’étude sur l’intelligence artificielle (IA) et d’élargir leur coopération dans ce nouveau segment technologique tout en appelant à consolider la coopération militaire au sein de ce groupe émergent. La transformation technologique constitue un chantier cher à Pékin.
Il est évident que l’ambition de l’Inde est de devenir, à terme, le porte-parole de ce qui est baptisé le Sud Global quitte à froisser son voisin chinois, en tirant profit de la crise entre Washington et Pékin.
Or, à ce jour c’est plutôt la Chine qui a été la plus engagée dans le domaine du partenariat dit gagnant-gagnant dans le Sud notamment en Afrique ou les projets à travers l’initiative de la ceinture et la route endossée par l’Algérie en mars 2019 et l’initiative du développement mondial lancée par Xi Jinping en 2021.
Face à ces atermoiements ouverts ou en coulisses, M. Ramaphosa s’est dit «heureux d’apprendre le soutien de l’Inde», ajoutant «espérer trouver une solution claire» à la question du choix des candidats et les conditions de leur entrée. Le processus de décision au sein des BRICS requiert l’assentiment de tous les membres.
Allié de la Chine dans l’extension des BRICS, Vladimir Poutine voit le groupe en format grandeur nature. « Nous défendons tous un ordre mondial multipolaire», a souligné Poutine qui s’est exprimé au sommet en visioconférence. Pour Poutine, les BRICS doivent s’élargir pour résoudre des problèmes difficiles dans un contexte de volatilité des marchés, de pressions inflationnistes et d’actions irresponsables de certains pays, allusion aux Etats-Unis et l’Union européenne.
Abondant dans le même sens, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, qui a plaidé pour une intégration du Mexique et de l’Argentine. Buenos Aires est en difficulté pour le remboursement d’une dette de 44 milliards de dollars au FMI. Lula a promis de «réduire les vulnérabilités» des pays du Sud grâce à des « systèmes financiers propres aux BRICS».
C’est ainsi que les BRICS ont créé en 2015 une Nouvelle banque de développement (NDB) avec l’ambition de proposer un choix autre que la Banque mondiale et le FMI. La NDB a investi 30 milliards de dollars dans des projets d’infrastructure et de développement durable dans les États membres et les économies en développement.
L’Algérie a d’ailleurs déposé 1,5 milliards de dollars dans les caisses de la NDB. C’est ce qui donne aux yeux de nombreux pays dont l’Algérie plus de crédibilité aux BRICS notamment en matière de coopération loin de toutes conditions contraignantes ou pressions attentatoires à la souveraineté . Sur ce chapitre, l’option BRICS devient, à l’évidence, une plus-value politique qu’une ambition économique.
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