Souhil Meddah au Jeune Indépendant : «La finance islamique peut intervenir dans plusieurs domaines»

La finance islamique est considérée comme un véritable levier de développement en Algérie. Beaucoup de progrès sont réalisés par cette activité bancaire depuis 2020, et ce grâce notamment au cadre réglementaire mis en place, qualifié de favorable et ayant permis de drainer des dépôts d’épargne importants. De nouveaux défis sont à relever par la finance islamique en proposant notamment de nouvelles solutions financières. L’expert financier Souhil Meddah revient dans cet entretien sur la dynamique de la finance islamique et sur les différentes solutions financières qu’elle offre.
Le Jeune Indépendant : On adhère de plus en plus à la finance islamique. Une augmentation significative des montants de dépôt au niveau des banques a été enregistrée. La finance islamique a contribué par quelque 594 milliards de dinars. Comment expliquez-vous cette dynamique et cet intérêt croissant pour la finance islamique ?
Souhil Meddah : Cette question traite de deux sujets distincts. D’abord, il y a l’élargissement de l’espace de l’offre, notamment à l’issue d’une implication des banques et institutions publiques chargées d’octroyer d’autres produits alternatifs issus de la finance islamique pour divers agents économiques, qui demeure l’un des centres d’intérêt les plus imminents sur la place bancaire, sachant que cette offre nouvelle entraîne naturellement d’autres effets sur les flux et les plans de transferts potentiellement mobilisables. L’autre sujet relève du fait qu’en finance conventionnelle, c’est le crédit qui fait les dépôts alors qu’en finance islamique, ce sont les dépôts d’abord et les paiements différés après.
Dans le cas où l’on considère que ce chiffre comptabilisé en dépôts est destiné majoritairement aux demandes des particuliers ou des petites demandes, dans ce cas, il sera question d’un niveau plus ou moins moyen comparé aux 600 000 comptes annoncés. Qu’il s’agisse des dépôts au titre d’avance sur les produits dédiés à la consommation, comme mourabaha, avec un rapport de participation à 60/40, la valeur de chaque dépôt peut atteindre en moyenne un million de dinars contre un complément en différé équivalent à la moitié du montant ou à une fois et demie de l’avance initiale. Mais si ce chiffre est diversifié en fonction de la nature ou de la typologie des produits (particulier, PME…), les valeurs des dépôts peuvent varier d’une catégorie à une autre, et leur cumul nécessite d’autres apports participatifs ou en avance.
Cette dynamique dépend de la nature des déposants et de la typologie des produits demandés, sachant que dans leur majorité, les produits offrent toutes les conditions réglementaires et morales dans toute relation avec les clients, mais n’assurent pas les mêmes conditions pour la collecte des ressources. D’autre part, il est aussi question de certains dépôts qui peuvent résulter de quelques transferts en interne, sachant que la part de la participation de la finance islamique dans la bancarisation doit s’inscrire dans une posture à long terme, à la faveur d’une grande diversité dans les services proposés et d’une typologie plus large en domaines d’intervention.
Plusieurs banques proposent de nouveaux produits basés sur la finance islamique, à l’image du CPA, qui accompagne la dynamique de l’industrie automobile par l’octroi de crédits « Halal » pour l’acquisition de voitures fabriquées localement.
Selon vous, les autres banques de la place doivent-elles suivre cette dynamique en proposant ce produit ? Et cela donnera-t-il un nouvel élan à la finance islamique ?
Il s’agit plus particulièrement des produits mourabaha proposés majoritairement aux particuliers qui préfèrent être financés en mode différé de paiement échelonné contre un coût initial avec une marge directe, en sus du partage de la responsabilité entre les deux parties. Trois catégories d’agents sont impliquées dans ce type de financement, mais hormis l’institution financière qui se charge de l’achat du bien et de le vendre avec un différé de paiement, ou du client acheteur qui participe avec une première avance et assure le remboursement de sa dette, le plus important concerne l’agent qui assure les apports en financement nécessaires captés à partir des ressources financières tangibles (épargne, titres participatifs, gains réinvestis). Pour rappel, le système conventionnel se base sur la création monétaire à partir de la demande.
A ce titre, le système de la finance islamique doit disposer d’un canal de ressources financières stable et régénérateur de ressources sur plus-values. Par la filialisation de cette activité hors du système classique, tout en dotant ces filiales d’un système capital variable, capable de collecter régulièrement les ressources en sollicitant toutes les niches et les espaces d’épargne par l’émission de titres sukuks, localement ou même sur les espaces internationaux.
Au-delà de l’octroi des crédits à la consommation, la finance islamique doit-elle participer au financement de grands projets et, par ricochet, à l’économie nationale ?
Le système de la finance islamique offre plusieurs types de solutions financières, notamment celles participative ou par voie de transmission. A l’image de la moucharaka avec les sorties progressives, qui est un modèle très intéressant que nous devrions adopter, surtout dans les opérations de cession et de transmission des sociétés.
La moudaraba, même si elle demeure relativement compliquée ou lourde à mettre en place, est une formule triangulaire très importante et très utile pour aider les industries naissantes et même, à un degré moindre, pour aider les start-up, à condition que l’institution financière dispose d moyens qui lui permettent de maîtriser le projet sous-jacent, du fait qu’elle sera elle-même détentrice de tous les moyens corporels et incorporels dans son actif.
La finance islamique peut, entre autres, intervenir dans un autre domaine, celui dédié à la couverture mutuelle des retraites en associant l’assurance TAKAFOUL pour soutenir d’autres caisses spécialisées dans la mutualité intergénérationnelle en vue de complémenter les pensions de la CNR.
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