Sommet américain sur la démocratie: Un pari perdu d’avance

Comment une démocratie en recul selon le dernier rapport de l’International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA) pour l’année 2021 peut-elle organiser un sommet mondial sur la démocratie ? Le pari de Joe Biden d’honorer une de ses promesses électorales est-il perdu d’avance ? Tout porte à le croire tellement l’événement risque de passer inaperçu, d’une part, et de froisser la communauté internationale qui ne comprend pas la logique américaine d’inclusion-exclusion selon des critères préétablis et biaisés.
De quelle démocratie parle Biden ? Celle qui cause la faillite des Etats tels la Libye, l’Irak ou l’Afghanistan ? Ou bien celle qui fait la promotion des néo-nazis et les faits participer au gouvernement à l’instar de l’Ukraine ou les trafiquants de drogue comme au Kosovo, un Etat de facto ? Ou la démocratie de l’Etat-Aparthaid qui massacre quotidiennement les enfants palestiniens, l’entité sioniste ? L’initiative du successeur de Donald Trump tombe mal et pèche par un tropisme qui risque de cristalliser des réactions autour de grands pays ostracisés tels la Russie et la Chine.
Les remontrances de Moscou et Pékin ne se sont pas fait attendre. Dans une tribune publiée le 26 novembre dernier, dans The National Interest, les ambassadeurs russe et chinois à Washington ont prévenu «les États-Unis accueilleront le Sommet pour la démocratie en ligne les 9 et 10 décembre 2021, se donnant le pouvoir de définir qui doit assister à l’événement et qui ne l’est pas, qui est un ‘pays démocratique’ et qui n’est pas éligible à un tel statut. Produit évident de sa mentalité de guerre froide, cela attisera la confrontation idéologique et une fracture dans le monde, créant de nouvelles ‘lignes de division’. Cette tendance contredit le développement du monde moderne».
Le ministère russe des Affaires étrangères a, lui aussi, dressé un long réquisitoire contre la démarche de Joe Biden. «Afin de régler les problèmes actuels, nous appelons tous les partenaires étrangers à ne pas s’adonner à la ‘démocratisation’, à ne pas tracer de nouvelles lignes de démarcation, mais à revenir au respect des normes du droit international et à reconnaitre en pratique le principe d’égalité souveraine des États fixé dans la Charte de l’Onu. Il incarne la base de l’ordre mondial démocratique que les États-Unis et leurs alliés rejettent», a écrit le département ministériel de Sergueï Lavrov.

Lavrov: Washington maintient sa mentalité de guerre froide
Appelant la communauté internationale à revenir vers un plus grand multilatéralisme en ces temps de pandémie, le communiqué de la diplomatie russe averti sur un ton menaçant : «Nous suivrons attentivement le déroulement du ‘sommet pour la démocratie’».
D’ailleurs, ce ne sont pas les seules remontrances.
Selon la Fondation Carnegie, plusieurs pays invités ne répondent pas aux critères usuels de la démocratie. En excluant certains Etats sans en donner toujours explicitement les critères et les raisons, Washington prend le risque de donner à Pékin un levier pour fédérer les rejetés, pointe un diplomate cité par le quotidien français Les Echos.
Un seul pays arabe a été convié à ce sommet virtuel de jeudi 09 et vendredi 10 décembre, l’Irak ; un exemple d’une démocratie raté, car imposé par les chars américains en 2003. Une dizaine de pays africains majoritairement anglophones à l’instar de l’Afrique du Sud et du Nigéria, et quelques pays francophones comme le Sénégal, le Niger ou la République démocratique du Congo sont également de la partie. Les pays de l’Union européenne moins la Hongrie sont présents, l’Ukraine et l’entité sioniste aussi. C’est dire le patchwork concocté par le Département d’Etat.
Le sommet s’est déroulé autour de trois thèmes : la défense contre l’autoritarisme, la lutte contre la corruption et la promotion des droits de l’homme. Des critères en complète inadéquation avec la majorité des pays participants, les Etats-Unis en premier lieu. D’abord parce que la notion d’autoritarisme est un concept à géométrie variable selon les intérêts du complexe militaro-industriel américain. Ensuite, parce que de nombreux Etats parmi les plus corrompus de la planète ont été conviés au sommet américain. Enfin, parce qu’en matière des droits de l’homme, l’Amérique de Biden détient le triste palmarès des plus anciens prisonniers politiques au monde, Leonard Peltier, le militant amérindien condamné deux fois à la prison à perpétuité en 1976, et le militant afro-américain Mumia Abu- Jamal, condamné à mort en 1982.
Le manque de légitimité pour Washington tranche avec sa détermination à imposer des normes démocratiques dans un but géopolitique avec une seule arrière-pensée : s’accaparer des richesses des nations et encercler le grand bloc eurasiatique en formation. En déterminant le critère de démocratie, les Etats-Unis jouent avec le feu et Biden revient aux postulats de George W. Bush et Barack Obama : soit l’imposer avec les chars, soit en créant l’instabilité qui mène à l’implosion. Pour une démocratie en recul, c’est une sacrée leçon.
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