Rififi chez les enfants de chouhada

Les guerres de leadership au sein de la famille dite révolutionnaire s’expriment avec virulence à chaque célébration d’un événement historique ou lors d’une échéance électorale. C’est devenu quasiment un rituel. A l’occasion de la commémoration de la sanglante bastonnade du 17 octobre 1961 à Paris, des ailes rivales au sein de l’ONEC ont fait étalage de leurs rancœurs à Béjaïa, devant le regard ahuri du ministre des Moudjahidine qui a dû écourter sa visite dans la ville. Il est de notoriété publique que les organisations nées du sacrifice des moudjahidine sont devenues des tremplins vers des carrières politiques reluisantes.
Comme tous les ans, à l’occasion de la commémoration de la sanglante journée d’octobre 1961, Ahmed Arrad, ex-cadre de la Fédération FLN de France et spécialiste de l’histoire de la guerre d’Indépendance de l’Algérie, sillonne les wilayas du pays pour donner des conférences.
Cette année, l’homme, qui a fait et vécu cette guerre la plus sanglante de tout le 20ème siècle, après la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale, a choisi Azazga pour l’entame de sa série de conférences portant sur ces journées d’Octobre 1961 connues également sous l’appellation de « Massacres d’Algériens à Paris ». C’est plus exactement au lycée Sahoui Aldjia, devant une assistance nombreuse composée de Moudjahidine et de lycéens que Ahmed Arrad a donné, jeudi dernier, sa conférence intitulée « Ce jour-là à Paris…Au pays des droits de l’Homme, nous dit-on, massacres à ciel ouvert ».
Disons-le tout de suite, le conférencier a voulu surtout cibler jeunes filles et les jeunes gens fréquentant l’établissement éducatif Sahoui Aldjia. L’angle d’attaque de sa conférence le précise. Le voici : « Dans moins de 24 heures, ça fera exactement 53 ans depuis l’éclatement de la grande manifestation pacifique de la communauté algérienne vivant en France.
Pour celles et ceux ayant vécu cette journée sanglante, et qui sont encore de ce monde peuvent fort bien appuyer le bien-fondé de la loi de la relativité mise au point par le physicien américain d’origine suisse, Albert Einstein. Car, pour ces femmes et ces hommes, ces vielles et ces vieux ainsi que, bien sûr, ces filles et ces garçons ayant vécu dans leur chair et leur âme ces moments terribles, la journée du I7 octobre I96I ne daterait que d’hier ». De là, le conférencier met en avant la dimension et la portée politiques de cette journée sanglante.
L’assistance, notamment les jeunes gens et les jeunes filles, devons-nous le rappeler, apprendra que « la manifestation historique du 17 Octobre 1961 à Paris avait un seul message, adressé directement aux Français et au reste de la communauté internationale : Algérie algérienne et le Front de Libération Nationale était son seul et unique guide ». De sa voix chaude, Ahmed Arrad poursuit : « D’aucuns n’ignorent les retombées directes et indirectes de cette action puisque six mois plus tard, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne réussit à imposer face à la 5ème République française un cessez-le-feu, soit le 19 Mars 1962 et trois mois et demi après que les canons et les mitrailleuses se furent tus, l’indépendance ».
Le conférencier précisera que l’action du 17 Octobre 1961 n’était en réalité qu’une succession de luttes des Algériens contre l’envahisseur, soit depuis l’année 1830. « Cependant, renseigne l’ex-cadre de la fédération FLN de France et spécialiste de l’histoire de la guerre de l’Indépendance de l’Algérie, la guerre de Libération nationale, dans laquelle s’inscrit la grande manifestation du 17 Octobre 1961, a été réfléchie et conçue par les Algériennes et les Algériens selon des concepts modernes ».
Pour démontrer la modernité des concepts modernes avec lesquels le FLN a mené sa guerre contre la France coloniale, Ahmed Arrad mettra l’accent sur les progrès technologiques apportés par le XXème siècle, lesquels progrès ont entraîné le changement des mentalités. Les anciens schémas et modes de pensée ont cédé le pas aux idées nouvelles d’inspiration marxiste et léniniste. L’école française, syndicale notamment, et ce par le brais de l’émigration algérienne en France métropolitaine, a permis à de nombreux hommes et femmes de connaître les droits de l’Homme et les droits des peuples.
« Des syndicats comme la Centrale Générale Syndicale (CGT), a insisté le conférencier, étaient de grandes écoles au cours des premières années du début du XXème siècle ». L’assistance apprendra que les émigrés algériens tireront un grand enseignement de la révolution ouvrière française, puisque celle-ci prendra sa revanche sur l’histoire.
En effet, la Révolution française de I789 a consacré dès I79I le droit à la formation syndicale et le droit à la grève mais ces droits en question ne furent reconnus qu’en I864 pour le premier et vingt ans plus tard, soit en I884, pour le second. Le conférencier apprendra également à l’assistance que « par ailleurs, la Grande Guerre (I9I4 – I9I8), même si elle a fauché la vie à des milliers des siens, a été quand même fort profitable pour le peuple algérien ».
« En effet, poursuit Ahmed Arrad, cette même France qui a opprimé le peuple algérien justifiait les centaines de morts par jour sur le front de Verdun parle droit « inaliénable » d’un peuple à vivre dans la liberté et la dignité dans son sol ». Plus loin, l’ex-cadre de la Fédération FLN de France parlera du concept de « frontières et de territoire » qu’apprendront à leur tour les Algériens d’où leurs vives interrogations sur la présence française en Algérie.
« Dans ce cas alors, ce principe universel des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes et à jouir seuls de leur territoire doit s’appliquer à nous aussi les Algériens », conclurent ces élèves algériens formés, bon gré mal gré à l’école française. Ce fut alors le début de leur combat politique et intellectuel. La Seconde Guerre mondiale leur a été aussi une grande leçon sur le manichéisme.
Et de fil en aiguille, le conférencier rappellera les événements par ordre chronologique jusqu’à l’indépendance. Notons, enfin, que le conférencier a fustigé les partisans de la loi du 25 février 2005, aussi bien français qu’algériens. Car cette loi en question qui prône « le positivisme » colonial français n’est en fait qu’une incitation à un néo-colonialisme. « Et pour dire enfin les choses crûment, a déclaré avec véhémence Ahmed Arrad, la reconquête de l’Algérie par la France relève de l’I N A C C E P T A B L E ! ».
Allez à la page entière pour voir et envoyer le formulaire.