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Reconstruction de la Syrie : Le «Grand Jeu» entre Pékin, Moscou et Washington

Reconstruction de la Syrie : Le «Grand Jeu» entre Pékin, Moscou et Washington
Washington est contrariée en Syrie, par l'alliance sino-russe

Grandes manœuvres autour de la reconstruction de la Syrie qui s’apprête sous peu à organiser de nouvelles élections présidentielles après une décennie de guerre. Après avoir contribué directement et indirectement à la destruction de ce pays depuis mars 2011, les pays occidentaux et ceux du Golfe arabo-persique sont en train de freiner le processus de sa reconstruction. Outre le leitmotiv désormais classique du départ du président Bashar Al-Assad, ce sont des enjeux géopolitiques et surtout géoéconomiques qui motivent leurs manœuvres. Il s’agit bel et bien de bloquer la Russie et la Chine dont la présence dans la région est désormais incontournable.

Lors de la dernière conférence des donateurs sur la Syrie qu’a abritée la capitale belge Bruxelles, fin mars, les pays européens et les Etats-Unis ont remis sur la table la question du départ du président syrien, condition sine qua non, selon eux, pour mettre la main à la poche. Mais les véritables raisons sont à chercher non seulement dans leur impuissance à prendre en charge la reconstruction d’un Etat qu’ils ont détruit, mais surtout dans leur impossibilité à injecter une somme astronomique qui oscille entre 250 et 400 milliards de dollars.
Selon des analystes et des observateurs, seule la Chine est capable, actuellement, à injecter une telle somme, notamment dans une possible extension de son projet stratégique mondial de la Nouvelle Route de la Soie. «La Syrie a besoin d’au moins 400 milliards de dollars pour lancer sa reconstruction et à moins que le processus politique ne progresse, aucun pays autre que la Chine ne peut se tailler la part du lion», explique Adham Sahloul, analyste économique et politique, spécialiste du Moyen-Orient.

Pourquoi la Chine et pas les autres pays ? D’abord, parce que Pékin est stratégiquement proche de Moscou et Téhéran, les deux alliés indéfectibles de Damas. Ensuite, parce que la Chine a opposé son véto à plusieurs reprises à des résolutions du Conseil de Sécurité de l’Onu très dures envers le gouvernement syrien. Enfin parce que la stratégie mondiale de la Chine inclue le Levant dans ses plans de développement notamment les routes terrestres et les terminaux portuaires de Syrie.

De plus, le président Bachar el-Assad «considère utile de travailler avec la Chine sur les projets de reconstruction», note Jonathan Fulton, chercheur au sein de l’Atlantic Council et professeur adjoint de sciences politiques à l’Université Zayed, à Abou Dhabi. «Pour les dirigeants chinois, l’instabilité de la Syrie a des répercussions dangereuses sur leurs intérêts dans la région. Les entreprises chinoises sont particulièrement réputées pour la construction d’infrastructures, alors attendez-vous à les voir s’engager avec la Syrie à cet égard », ajoute-t-il. Cette crainte est d’autant motivée par le fait que Pékin vient de conclure un accord stratégique avec Téhéran d’un montant de plus 400 milliards de dollars, une ambition qui nécessite une stabilité chez l’allié syrien.

Aussi, les Occidentaux et surtout les monarchies du Golfe arabo-persique monnayent leurs aides à la nécessité de l’éviction de l’Iran de toute stratégie de reconstruction de la Syrie. Pourquoi ? Pour la simple raison de vouloir déconnecter Damas de Téhéran et d’amarrer la future Syrie à une architecture politico-sécuritaire proche de l’alliance atlantique et surtout neutre par rapport à Israël. C’est dire que la problématique de la reconstruction de la Syrie dépasse le cadre technique ou financier de l’opération pour intégrer l’aspect stratégique. Le rapprochement récent opéré par les Emirats arabes unis avec la Syrie s’inscrit en droite ligne avec la stratégie des monarchies du Golfe devenues en majorité des allies de l’Etat hébreu.

Pour Washington, l’enjeu est double. Il s’agit de déconnecter Damas de Moscou et de Pékin. Ces derniers aident le gouvernement syrien militairement et financièrement à combattre les groupes terroristes multinationaux, notamment ceux constitués de combattants tchétchènes et ouïgours, financés et entrainés dans les camps jordaniens par la CIA. Tandis que les Etats-Unis aident en sous-main ces groupes dont le but est d’affaiblir davantage le gouvernement du président Al-Assad. Pis, Washington occupe, au mépris de la légalité internationale, plusieurs portions du territoire syrien qu’elle utilise comme rampe de lancement pour aider des groupes rebelles, kurdes notamment, réfractaires à l’idée de revenir sous le giron du gouvernement de Damas. Ici, les Américains appliquent le principe de diviser pour régner.

L’affaiblissement à long terme de la Syrie signifie non seulement le retard dans la reconstruction matérielle, politique, sociale et symbolique de l’Etat syrien, mais hypothèque surtout l’engagement russe et chinois aux côtés de Damas. Il s’agit là bel et bien d’un nouveau Grand Jeu, dont le résultat est à somme nulle : la victoire de la Syrie signifie le raffermissement de l’axe Damas-Moscou-Téhéran-Pékin. Dans ce cas, l’échec serait celui de Washington-Bruxelles-Riyad. Dans le cas contraire, la défaite de la Syrie entrainera celui de ses alliés et confortera de fait ses ennemis.



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