Quelle vérité sur Yves Mathieu ?
Présenté en avant-première mondiale, ce jeudi 15 octobre, à la salle de la Cinémathèque d’Alger, le documentaire L’Algérie du possible, la révolution d’Yves Mathieu de Viviane Candas est une œuvre dans laquelle l’auteure interroge les compagnons de son père, militant anticolonialiste en Afrique, avocat du Front de libération nationale puis conseiller du premier gouvernement algérien avant de décéder en 1966 dans des circonstances troubles.
La réalisatrice dédie ce nouveau documentaire à son paternel, Yves Mathieu, natif d’Annaba, qui a choisi de rester dans son pays, après l’indépendance afin de participer à l’édification nationale.
Mené comme un road movie sur les pas de son père, entrecoupé d’une multitude de témoignages de compagnons de route du militant dont le défunt président Ahmed Ben Bella, ce film (88 minutes, France 2015) revient longuement sur les grands projets de l’Etat algérien au lendemain de l’indépendance auquel Yves Mathieu et son épouse ont pris part : l’alphabétisation, le reboisement des zones bombardées au napalm par l’armée coloniale ou encore la mise en place d’un système de santé.
Une grande partie de ce documentaire est consacrée à la réforme de l’autogestion des domaines agricoles promulguée par le président Ahmed Ben Bella en mars 1963 par un décret rédigé de la main d’Yves Mathieu comme en témoignent des acteurs politiques tels que Mohamed Bedjaoui, Mohamed Harbi, Mourad Lamoudi ou Meziane Cherif.
Ces témoins, mais aussi des amis de la famille dont le directeur technique du Théâtre national algérien de l’époque, Jean Marie Boëglin, ont évoqué l’engagement indéfectible qu’a voué Yves Mathieu à la cause de la construction de l’Algérie indépendante tout en expliquant également les disfonctionnements qui ont causé l’échec des domaines autogérés. Le film revient également sur les visites de plusieurs figures anticolonialistes de l’époque à Alger, faisant de l’Algérie le phare de toutes les révolutions et des mouvements de libération.
La réalisatrice poursuit ensuite le parcours de son père après la prise du pouvoir par le président Houari Boumediène, le 19 juin 1965, avec des images d’archives et des témoignages de cette journée après laquelle Yves Mathieu a occupé un poste de professeur à l’institut de gestion et de planification, il a aussi repris des études d’économie à l’université d’Alger avant d’ouvrir un cabinet d’avocats avec son épouse.
Nombre de ses compagnons ont alors quitté l’Algérie ou sont en détention. Yves Mathieu, lui, continue à exercer son métier et la réalisatrice évoque, sans plus de détails, des « relations avec des officiers de l’armée à Constantine préparant une insurrection ».
Yves Mathieu est décédé le 15 mai 1966 dans un accident de la circulation, percuté par un camion militaire sur la route entre Constantine et Skikda. Sa fille Viviane Candas est longuement revenue sur les circonstances de cet accident qui ont grandement motivé la réalisation de ce film entamé en 2009. Comme pour porter un regard sur l’Algérie d’aujourd’hui à travers le parcours de son père, la réalisatrice illustre brièvement l’Algérie des années 1980 et 1990 vue, une fois de plus, par des acteurs de la guerre de libération ou de personnalités politiques des premières années de l’indépendance.
Cette quête pour rétablir la vérité sur la mort de son père est « encore inachevé », elle a conduit la réalisatrice à révéler un grand engagement pour la construction de l’Algérie indépendante d’un militant, du témoignage du militant et avocat du FLN Jacques Vergès disparu en 2013.