Procès Sonatrach 1 : L’heure de vérité

C’est sous haute surveillance sécuritaire que le président du tribunal criminel d’Alger prononcera aujourd’hui son verdict dans l’affaire des ex-cadres et ex-fonctionnaires impliqués dans la malversation qui a secoué le géant pétrolier national, à savoir la Sonatrach, au début des années 2000.
En effet, le président Mohamed Rekkad en charge du dossier qui sera probablement clôturé d’ici au moins deux jours, rendra sa décision après cinq jours de délibérations, durant lesquelles il aura répondu, ainsi que ses deux conseillers Nadia Bouhamidi et Hakim Mansouri et des deux membres du jury Mohamed Meslem et Zoubir Kaddouri à toutes les questions relatives à la culpabilité des mis en cause et celles liées à leur innocence quant aux faits qui lui ont été reprochés notamment au cours de l’instruction judiciaire.
Ainsi, les Algériens prêteront aujourd’hui attention à ce qui se passe à la salle 2 du tribunal criminel d’Alger, où l’ex-premier responsable de la Sonatrach Mohamed Meziane, connaîtra le sort que lui ont réservé les trois juges et les deux membres du jury suite aux graves accusations qui ont été maintenues contre lui, notamment « commandement d’une association de malfaiteurs » ainsi que « dilapidation de deniers et blanchiment d’argent ».
Les autres ex-cadres et ex-fonctionnaires entendront les réponses données aux questions posées et connaitront pour leur part les sentences prises à leur encontre par le même tribunal.
Le dernier jour des débats de mercredi dernier est resté sans aucun doute gravé dans la mémoire de tous ceux présents dans la salle 2 du tribunal criminel d’Alger.
Les inculpés et prévenus debout dans le box des accusés, le visage blême, ont éprouvé beaucoup de difficultés à s’exprimer. Ils ont déclaré : « Nous sommes innocents des faits qui nous sont reprochés. Nous n’avons rien à voir dans cette affaire montée de toutes pièces par les enquêteurs en charge du dossier.
Les accusés, que ce soit ceux qui sont en prison ou ceux remis en liberté provisoire par le juge d’instruction du pôle judiciaire, ont sollicité l’acquittement. « SVP, monsieur le président, réhabilitez-nous dans nos droits civils et civiques. Laissez-nous rentrer chez nous et rejoindre nos familles qui ont besoin de nous ! Nous voulons recouvrer nos libertés, monsieur le président ! ».
Des regards évasifs vers leurs enfants
L’émotion se lisait sur tous les visages, notamment ceux des proches des mis en cause qui souhaitaient à partir du hall du palais de la Justice bon courage aux accusés.
L’ancien PDG du CPA El-Hachemi Maghaoui lança en direction de son épouse : « Tiens bon, j’ai le pressentiment que je vais m’en sortirai en dépit des graves accusations portées à mon encontre ! »
Tous les accusés qui se sont succédé un pour dire un dernier mot ont déclaré : « Nous n’avons rien à voir dans cette affaire. Les accusations portées à notre encontre, notamment au cours de l’instruction judiciaire, sont nulles et non avenues. C’est pourquoi nous sollicitons purement et simplement l’acquittement ».
Ils ont par ailleurs souligné au président : « L’affaire est montée de toutes pièces sur la base de simples déclarations. Nous souhaitons que le tribunal soit juste et nous accorde l’acquittement car effectivement, on veut nous étiqueter monsieur le président ! ».
De lourds réquisitoires
Pour rappel, des peines allant d’une année de prison ferme à quinze ans de réclusion criminelle en passant par deux, trois, sept et huit ans ont été requises, hier, par le représentant du ministère public dans l’affaire Sonatrach 1.
Intervenant au terme du 19e jour du procès de Sonatrach 1, le procureur général Boudraâ Abdelaziz a dressé un lourd réquisitoire contre tous les mis en cause inculpés dans le scandale financier qui a secoué le géant pétrolier national au début des années 2000, à leur tête l’ancien premier responsable Mohamed Meziane.
Ainsi, le procureur général a requis quinze ans de réclusion criminelle assortis d’une amende de trois millions de dinars contre l’ex-PDG Mohamed Meziane, estimant que toutes les preuves légales et matérielles relatives aux chefs d’inculpation retenus contre lui au cours de l’instruction judiciaire sont formelles, notamment en ce qui concerne le trafic d’influence et l’abus d’autorité.
La même peine et la même amende a été requise contre le fils de l’ex-patron de la Sonatrach, Meziane Mohamed-Réda, alors conseiller à la société italienne Saipem et actionnaire dans le Holding du groupe Contel Fun Werc.
Le procureur a clamé que « le mis en cause a usé de l’autorité de son père pour décrocher des projets auprès de la Sonatrach de manière illégale et s’est bâti une fortune, que ce soit en Algérie ou à l’étranger ».
Quant à son frère, Bachir-Fouzi Meziane, poursuivi pour le même chef d’inculpation, c’est-à-dire pour usage de l’influence de son père, le procureur a requis sept ans de prison ferme et trois millions de dinars de dommages et intérêts.
Concernant l’ex-président de l’administration du groupe Contel Fun Werc, Al-Ismaïl Mohamed Réda Djaffer, quinze ans de réclusion criminelle ont été requis contre lui assortis d’une amende de trois millions de dinars, qu’il devra verser au Trésor public.
Le procureur a estimé que tous les griefs retenus par les juges de la chambre d’accusation de la cour d’Alger sont formels, notamment en ce qui concerne la violation des dispositions relatives aux marchés publics : « Il a fait intervenir Mohamed-Réda Meziane pour décrocher des projets à la Sonatrach.
Il a été reçu par l’ex-patron de cette société et a pu décrocher des marchés de gré à gré sans pour autant présenter de garanties ».
Le procureur a par ailleurs requis sept ans de prison ferme assortis d’une amende d’un million de dinars contre l’ancien vice-président de la Sonatrach, Belkacem Boumediene. Il a estimé que ce dernier est entre autres pénalement responsable, de passation de marchés non réglementés et de dilapidation de deniers publics.
Il a d’autre part il a considéré que « les accusations de blanchiment d’argent et de corruption ne sont pas fondées contre le mis en cause ».
L’ancien PDG du CPA, Maghaoui El-Hachemi, poursuivi, dans le cadre de la malversation qui a touché le géant pétrolier national pour, notamment, association de malfaiteurs et complicité dans le blanchiment d’argent, s’est vu infliger huit ans de prison ferme assortis d’une amende de trois millions de dollars.
La même peine de huit ans de prison ferme a été requise par le représentant du parquet général contre Maghaoui El-Yazid, alors actionnaire dans le Holding Contel Fun Werc. Celui-ci percevait pas moins de 30 000 euros mensuellement en contre partie de petites consultations.
Par ailleurs, le représentant du ministère public a requis six ans de prison ferme assortis d’une amende d’un million de dinars contre Zenasni Ben Omar, alors vice-PDG. Selon le parquetier, l’inculpé, incarcéré à la prison d’El-Harrach, est entièrement responsable des faits qui lui sont reprochés, entre autres passation de marchés publics et complicité dans le détournement et la dilapidation de deniers publics.
En outre, le procureur a requis trois ans de prison ferme assortis de trois millions contre Meliani Nouria, qui a bénéficié de plusieurs projets de gré à gré et s’est bâti une fortune, notamment en France et en Allemagne, au détriment des pauvres malheureux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts ! ».
Le procureur a requis deux ans de prison ferme contre Rahal Mohamed-Chouaki, alors cadre dirigeant à la Sonatrach, impliqué pour complicité dans la passation de marchés publics douteux et dans la dilapidation de deniers publics.
Le représentant du parquet général a requis une année de prison ferme contre Chikh Mustapha et Hassaïne Mustapha, lesquels occupaient des postes de responsabilité au sein de la Sonatrach. Ces derniers sont poursuivis pour passation de marchés non réglementés.
Le procureur a également requis l’application de la loi en faveur d’Aït El-Hocine Mouloud, car il a estimé que les preuves légales et matérielles de culpabilité ne sont pas réunies en ce qui le concerne.
Des amendes contre les sociétés
Le procureur général a par ailleurs requis une amende de cinq millions de dinars contre toutes les sociétés impliquées dans le scandale financier, à savoir Contel Fun Werc, Contel Algérie, et Saipem Contrating Algeria.
Il convient de signaler que le procureur a affirmé, en pleine audience, que « l’ex-patron de la compagnie pétrolière a usé de trafic pour faire passer des projets douteux et non réglementés de gré à gré avec des sociétés étrangères qui ne répondaient pas aux normes internationales ».
Il a déclaré à l’attention du président en charge du dossier que « l’ex-PDG incriminé a constitué une association de malfaiteurs composée de ses proches collaborateurs, à l’image de son adjoint Belkacem Mohamed, de ses deux enfants Mohamed-Réda et Bachir-Fouzi et d’Al-Ismail Djaffer Réda, alors directeur de Contel Fun Werc, et ce dans un seul but : accaparer les biens de la Sonatrach ».
Le représentant du ministère public a indiqué que « les biens de la Sonatrach appartiennent au peuple qui paye aujourd’hui les frais des sommes colossales détournées et transférées de et vers l’étranger, que ce soit en dinars ou en devises, par ces ex-cadres et ex-fonctionnaires qui ont amassé des fortunes en un laps de temps ».
Pour rappel, le procureur a pris la défense des enquêteurs de la police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) en déclarant que « les investigateurs n’ont fait que leur travail. Je n’ai jamais été informé des pressions exercées sur les mis en cause, notamment par le biais de leurs avocats.
Les inculpés se présentaient en toute liberté au tribunal pour donner leur version des faits et n’ont jamais été inquiétés par les enquêteurs. Ils regagnaient leurs domiciles respectifs en toute liberté ».
Le procureur a estimé que « les directives données par l’ancien ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, n’ont pas été respectées. Les mis en cause ont évoqué tout au long des débats qu’il y avait urgence alors que les projets qui dataient de 2005 n’ont été réalisés qu’en 2008 ! »
Il convient de noter enfin que le procureur a ordonné la confiscation des biens mobiliers, immobiliers et d’argent de tous les mis en cause.
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