Pressions sur le dossier de la migration : Kaïs Saïed rejette le «diktat» de «certains pays»
La visite du trio Meloni, Rutte et Vonderlayen au nom de l’Union Européenne à Tunis la semaine dernière a fini par provoquer l’ire des autorités tunisiennes et à leur tête le Président Kaïs Saïed qui, malgré un bon accueil de la délégation, a fini par montrer son exaspération face aux résultats de cette visite.
Au cœur du malaise, la question de la migration clandestine et les propositions européennes pour juguler ce phénomène. Lors du point de presse organisé à la fin de la visite, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a évoqué la question, en affirmant que la Délégation et le Président tunisien avaient « convenu d’un programme plus large pour la Tunisie, afin de discuter de nombreuses questions au cours des prochaines semaines et de mettre en œuvre tous les plans que nous avons élaborés en matière d’économie et de relations bilatérales ».
Et d’ajouter au sujet de la crise migratoire : « La migration était également à l’ordre du jour et nous avons fait un excellent accord à ce sujet. Nous y travaillerons dans les semaines à venir, et il est important de mettre fin au modèle commercial cynique des passeurs de bateaux. La migration est actuellement l’une des questions les plus importantes auxquelles nous sommes tous confrontés. »
Ces propositions de « renforcement du partenariat » avec la Tunisie ont été faites contre des propositions comprenant une aide financière à long terme pouvant atteindre 900 millions d’euros et une aide immédiate supplémentaire de 150 millions d’euros à ce pays qui vit une crise économique aigüe.
Réaction de la présidence tunisienne
La réaction du président de la République tunisienne ne s’est pas fait attendre. Kais Saied a déclaré que pour toute négociation avec le Fonds monétaire international, les solutions ne peuvent, en aucun cas, être présentées sous forme de diktats, ajoutant que les solutions classiques ne feront qu’aggraver la crise sociale et impacter négativement la situation en Tunisie et dans toute la région. « La proposition discrète de certains pays pour installer des migrants en Tunisie en échange d’un soutien financier est inhumaine et inacceptable » a-t-il affirmé.
Cette réaction à l’offre de l’UE a été étendue au package proposé par le FMI pour aider la Tunisie et conditionner l’octroi d’un prêt de 1.9 milliard de dollars par une série de réformes jugées par trop intrusives par l’opinion publique et les autorités tunisiennes. « Le FMI doit revoir ses propositions et un accord pourra être trouvé. Les solutions ne peuvent jamais être présentées sous forme de diktats », a prévenu Kaïs Saïed, qui n’exclut pas le recours à d’autres voies de financement. Et de rappeler que « la Tunisie n’avait pas encore récupéré les fonds pillés avant et après 2011, sans parler des prêts détournés ».
Pour Kaïs Saïed, c’est justement ce genre de compromis, négociés par le passé avec certains pays, qui a mené à cette situation économique. Et de rappeler que « si la Tunisie traverse actuellement une situation financière, économique et sociale difficile, c’est parce que les Tunisiens sont depuis longtemps victimes des répercussions des politiques intérieures et étrangères passées »
La Tunisie est en train de vivre une crise économique sérieuse depuis quelques années. Financièrement le Trésor tunisien est littéralement étranglé par une dette d’environ 80 % de son PIB et ne peut plus emprunter à l’étranger, ce qui entraîne des pénuries récurrentes de certains produits de base, comme la farine, le sucre et le riz, achetés et importés par l’État.
La négociation avec le FMI échoppe, outre la migration, sur des conditions drastiques demandées par l’institution financière en ce qui concerne la réduction du nombre de fonctionnaires, la privatisation d’entreprises publiques et la suppression des subventions.