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Nationale

Le paracétamol, un vrai problème de santé publique

Le paracétamol, un vrai problème de santé publique

L’automédication, fléau du siècle, prend des proportions alarmantes. Les jeunes et moins jeunes sont nombreux à s’adonner à cette pratique à titre préventif, sans prendre conscience du danger qu’elle peut engendrer sur la santé physique et morale. 

Dans cet entretien accordé au Jeune Indépendant, la cheffe de service de toxicologie au CHU Bab El-Oued, le Pr Salma Kaddour, a tiré la sonnette d’alarme sur l’amplification de ce phénomène et l’utilisation abusive de certains types de médicaments, à leur tête le paracétamol, qui pose un vrai problème de santé publique et peut présenter des effets toxiques irréversibles.

 Le Jeune Indépendant : L’automédication est une pratique ayant de nombreux adeptes en Algérie et ailleurs. De quoi s’agit-il exactement et quels sont les dangers de l’automédication ?

Salma Kaddour : On parle d’automédication lorsqu’une personne malade ou non se procure des substances médicamenteuses sans prescription médicale dans le but de se soigner toute seule. En effet, l’accès aux médicaments sans avis médical est devenu une pratique très courante ces dernières années, aussi bien chez nous que dans d’autres pays, et ce n’est certainement pas sans risque. Le mésusage des médicaments peut entraîner des effets délétères sur notre organisme (effets secondaires, interaction médicamenteuse, surdosage, pharmacodépendance, phénomène de tolérance ou résistance, etc.) 

Le pharmacien peut-il avoir une part de responsabilité dans le développement de ce phénomène ?

Bien sûr. Le rôle du pharmacien ne se limite pas à la vente des produits pharmaceutiques, il doit rester vigilant car sur le plan éthique et déontologique, il a une responsabilité vis-à-vis des patients. De ce fait, il doit s’assurer avant dispensation de tout médicament ou produit pharmaceutique, avec ou sans prescription médicale, de l’âge du patient, des symptômes ou troubles à traiter, de l’état physiologique (grossesse, allaitement), de la prise d’autres thérapeutiques pour éviter d’éventuelles interactions médicamenteuses. Il doit également bien expliquer toutes les modalités de son utilisation (le mode et le moment d’administration, la posologie recommandée …).     

Malheureusement, nous observons que, dans certaines pharmacies, les médicaments sont vendus sans ordonnance au premier venu et nous déplorons ce genre de pratique, laquelle a vraiment pris beaucoup d’ampleur, surtout depuis la crise sanitaire que nous venons de traverser. Dans certains pays anglo-saxons, nous retrouvons carrément, sur des étalages de supermarchés, des médicaments comme les antalgiques et les anti-inflammatoires à la portée de tout le monde, ce qui est vraiment alarmant et dangereux !

Tout le monde prend des anti-inflammatoires sans avis médical. Est-ce dangereux ?

Les anti- inflammatoires sont des médicaments fréquemment utilisés du fait de leur accessibilité, de leur faible coût et, bien sûr, de leur efficacité. Cependant, ils présentent plusieurs effets secondaires à court et à long terme, même aux doses thérapeutiques, sans parler des cas de surdosage lorsqu’on ne respecte pas les doses recommandées par méconnaissance. Cela peut aller de simples troubles digestifs aux risques d’hémorragie et troubles neurologiques. C’est pourquoi il est primordial de demander l’avis de son médecin traitant ou de son pharmacien avant la prise de ces molécules. 

Exceptés les anti-inflammatoires, quels sont les médicaments les plus pris en automédication ?

En automédication, nous avons en plus des anti-inflammatoires les antipyrétiques et les antalgiques, comme le paracétamol et l’aspirine, pour traiter toute sorte de douleur, surtout les maux de tête, la fièvre, les rages de dent…. A côté, nous avons les antibiotiques utilisés de manière anarchique, avec toutes les conséquences négatives que cela peut engendrer (problème de résistance, complications et échec thérapeutique). Nous avons aussi les médicaments antiacides et anti-sécrétoires, les anti-diarrhéiques, les vitamines et compléments alimentaires et bien d’autres produits. Pour ce qui est du paracétamol, il reste en tête de liste. Il n’y a pas un foyer sans cette molécule, qui pose un vrai problème de santé publique, car responsable d’intoxication grave engageant le pronostic vital en cas de surdosage volontaire ou accidentel, surtout chez les enfants.  

C’est pourquoi il faudrait tirer la sonnette d’alarme et sensibiliser la population générale à plus de modération et de vigilance quant à l’utilisation du paracétamol, qui peut présenter des effets toxiques irréversibles. 

Certaines personnes avalent les pilules comme des bonbons sans respecter la posologie indiquée, au risque d’un surdosage toxique pour l’organisme. Quelles sont vos recommandations pour éviter le pire ?

Tout d’abord, il faut savoir que toute substance médicamenteuse peut être toxique pour notre organisme. C’est une question de doses, d’où l’importance de respecter les posologies, c’est-à-dire les doses prescrites. Pour cela, il faudrait suivre la prescription établie par son médecin traitant et les recommandations et conseils donnés par le pharmacien. Comme le disait Paracelse, l’un des pionniers de la médecine du XVIe siècle, « tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison ». Il faut bien lire les notices des médicaments. En cas de doute, surtout ne pas hésiter à revoir son médecin ou demander conseil au pharmacien afin d’éviter tout risque ou erreur thérapeutique.

Dans quels cas pouvons-nous avoir recours à l’automédication plutôt qu’à une consultation d’un médecin ?

Généralement, nous avons recours à l’automédication pour traiter des symptômes bénins qui ne durent pas dans le temps, comme un petit rhume, un bouton de fièvre, un inconfort intestinal ou une petite fatigue. Toutefois, si les symptômes persistent ou s’aggravent, à ce moment-là, il est vivement recommandé d’aller consulter un médecin pour être bien pris en charge. 

Quelles sont les règles à respecter si nous souhaitons nous soigner seul ?

Il faut, avant toute chose, s’assurer que l’état de santé ne nécessite pas l’intervention d’un professionnel de la santé. Il faut vérifier le médicament, sa nomenclature, sa date de péremption et lire attentivement la notice. La personne souhaitant recourir à cette pratique doit également vérifier les contre-indications, particulièrement en cas de grossesse ou d’allaitement ou encore en cas d’allergies médicamenteuses. 

Il faut également faire attention si nous sommes atteints de maladies chroniques (diabète, maladies du foie, des reins ou du cœur). Il faut respecter la posologie selon l’âge ou le poids corporel et ne pas prendre plusieurs médicaments à la fois car il y a alors risque d’interaction médicamenteuse. Il faut demander conseil à son pharmacien et enfin consulter un médecin en cas de persistance ou d’aggravation des signes cliniques.

Que penser de l’usage de la phytothérapie ou de l’homéopathie en automédication ?

La phytothérapie et l’homéopathie sont considérées comme des médecines douces. A mon avis, c’est une bonne alternative. Cependant, il faut bien maîtriser ces sciences et les confier à des spécialistes. Certes, elles font appel aux plantes et à leurs principes actifs, toutefois, nous pouvons être confrontés à des effets inattendus, voire toxiques, en cas de mauvaise utilisation. D’où l’importance de se faire conseiller par un professionnel.



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