Polémique lancée par Said Sadi: Une Histoire et des histoires
Les accusations de Saïd Sadi à l’encontre de Messali Hadj, d’Ahmed Ben Bella et de Ali Kafi suscitent déjà des remous et créent des polémiques. Le parquet vient de s’autosaisir, comme par enchantement, bien que ce soit son rôle, alors qu’il reste muet sur bien des affaires encore plus graves et plus préjudiciables pour le pays.
Une célérité incroyable sanctionnée par un communiqué, alors que des accusations similaires ont été distillées depuis des décades sur le rôle et les actes de plusieurs anciens combattants de la guerre de libération, voire contre des acteurs historiques durant la colonisation.
Récemment encore, le fils du colonel Amirouche, sur la chaîne KBC, clamait que Messali était un traître et révélait que plusieurs assassinats de résistants et héros algériens ont été « réalisés » par des mains algériennes. D’autres anciens moudjahidine, dans des « mémoires » parues dans des éditions algériennes, citaient des « scandales » ou des comportements douteux de responsables révolutionnaires.
Il y a quelques années, le patron de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Saïd Abadou, déclarait que Messali était un « traître » et un « collabo » et qu’il a créé une branche armée de son mouvement le MNA juste pour combattre le FLN.
Toutes ces accusations n’ont jamais suscité la moindre poursuite judiciaire, ni provoqué le parquet pour ouvrir une information judiciaire.
Mieux encore, l’opinion nationale semble déjà s’habituer à ce genre de débats, depuis que des chaînes privées ne s’embarrassent plus de détails pour évoquer des faits historiques ou pour créer des tollés. Le retour à l’histoire fait polémique et comporte des attitudes assez dangereuses.
On n’en finit plus de faire des révélations, et on n’arrive plus à distinguer la fiction de la réalité. Le « klam k’hawi » (paroles de cafés maures) domine aujourd’hui les plateaux de télévision, les cours des facultés ou les éditions privées. Chacun a une opinion sur un héros ou sur un responsable de la Révolution. N’importe qui pourrait donner des quitus ou des « bons points ».
Comme n’importe qui pourrait juger de la moralité ou de la justesse des uns et des autres, alors que ces gens vivaient dans le feu de l’action, en pleine guerre, en pleine tourmente et au milieu des tragédies et des drames. D’éminents historiens, qu’on ne peut pas accuser de parti-pris, sont plus nuancés, plus objectifs, comme le spécialiste de l’histoire algérienne Benjamin Stora ou Mohamed Harbi.
Ce dernier, sur la base de ses propres archives, estimait que Messali, par exemple, n’excluait pas le recours aux armes pour libérer le pays, ce que les idéologues du FLN dénonçaient pour justifier l’ostracisme durant la période du parti unique. Tout le monde savait qu’au moins deux générations d’Algériens furent victimes de ces interdictions depuis l’indépendance, de Ben Bella à Chadli, en passant par la période de Boumediene.
Les manuels scolaires et les cours d’histoire interdisaient toute référence à des figures de la Révolution.
Il aura fallu attendre cette dernière décennie pour que le pouvoir consente à accepter une certaine ou relative « réhabilitation » de ces figures. Une réhabilitation qui cache encore des relents de politique, voire de manipulation. Car tout le monde le sait, notre histoire faite de violence, de traîtrise, de courage, de drames, de trahisons et de sacrifices est un univers sombre et encore secret.
Chacun avait assumé son existence selon son idéal, ses moyens et ses capacités. Comme chacun avait assumé ses positions selon les opportunités et les occasions qui lui sont offertes. Les seuls qui sont habilités à réhabiliter nos héros et à écrire notre Histoire sont naturellement les historiens. Ils sont les seuls à ne pouvoir dire que la Vérité. Le reste demeure « klam k’hawi », de simples opinions qui tombent, peut-être, sous le couperet de la diffamation.