Plafonnement des prix du gaz par l’UE : Des experts algériens décortiquent la mesure
Réponse politique à la crise gazière que traversent les pays européens. Après de longs mois de discussions, ces pays se sont mis d’accord pour plafonner le prix du gaz à 180 euros le mégawatheure, lequel est actuellement à 120 euros/MWh.
Si des réactions officielles de certains pays producteurs et fournisseurs de l’Europe en gaz ne se sont pas fait attendre, on s’interroge sur les conséquences de cette mesure si on venait à l’appliquer sur le terrain. Quel impact sur l’Algérie, qui est un fournisseur fiable et sûr des pays européens ?
Selon Khaled Boukhlifa, expert en énergie, l’Algérie, qui s’est opposée à cette mesure, «ne va pas être touchée dans l’immédiat. On ne sait pas quelles seront les conséquences plus tard».
«Pour le moment, je pense qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions», a-t-il indiqué dans une déclaration au Jeune Indépendant, affirmant, cependant, que tout le monde s’accorde à dire que l’application concrète de cette mesure est très compliquée.
En effet, la question qui se pose c’est plutôt la mise en œuvre de cette décision sur le terrain. «Si cette décision est réellement appliquée, elle aura pour effet de réduire les investissements en amont», a estimé l’expert, précisant que «pour produire plus de gaz, surtout face à la constante croissance de la demande, il faut investir».
L’expert, qui a affirmé que ces pays n’ont atteint le consensus qu’après de longs mois de discussions car certains pays étaient contre, à l’instar de la Pologne et de l’Allemagne, précisant que l’UE et le G7 ont enfreint les règles du marché par l’adoption de cette mesure.
« Eux qui parlaient des forces du marché (l’offre et la demande) qui doivent fixer les prix sont en train d’enfreindre des règles qu’ils ont eux-mêmes fixées!», a souligné Khaled Boukhlifa, signalant le fait que ces pays n’ont aucune idée de ce qui va se passer.
«Ils ont mis en place un mécanisme et personne ne sait s’il sera réellement appliqué », a précisé M. Boukhlifa, qui a rappelé que c’était ces même pays qui avaient tenté dans les années 1980 de remettre en cause les contrats de gaz à long terme, avançant l’argument que ces contrats allaient contre les forces du marché.
Paradoxalement, ces pays ont pris une décision contraire à cette règle longtemps défendue, selon l’expert, lequel a évoqué toutes les mesures prises récemment par ces pays, notamment celles visant à sanctionner la Russie, qui se sont tournés vers d’autres fournisseurs de gaz pour remplacer le gaz russe, à l’instar de l’Algérie, pour ensuite plafonner le prix du gaz.
Le plafonnement du prix du gaz n’est pas sans conséquences sur les approvisionnements des pays européens, d’autant que ces producteurs de gaz, notamment la Russie, ont déjà commencé à orienter leur production vers d’autres horizons, comme la Chine. Le Kremlin a d’ailleurs menacé de ne plus livrer de gaz aux pays qui appliqueraient cette mesure.
Le consultant international en énergie, Mourad Preure, a aussi commenté cet accord des pays de l’UE.
Dans sa déclaration à la radio nationale, il a affirmé que le plafonnement des prix du gaz, décidé récemment par les ministres de l’Energie des Etats membres de l’UE, est « une illusion », car le marché est un « marché d’offreurs, pas un marché de demandeurs ». « Ce ne sont pas les demandeurs qui définissent les règles du marché », a-t-il précisé.
Selon lui, cette décision n’apportera pas les résultats escomptés car la Russie est en train de se tourner vers des marchés alternatifs, notamment vers l’Asie, ajoutant que l’Europe est largement dépendante des marchés extérieurs et n’est approvisionnée qu’à 10 % seulement de sources gazières communautaires.
Pour ce qui est de l’Algérie, l’expert a affirmé qu’en sa qualité de fournisseur fiable, le pays se trouve devant une opportunité pour développer ses capacités avec les compagnies européennes dans les énergies fossiles mais aussi dans sa transition énergétique.
Officiellement, l’Algérie a exprimé, par la voix de son ministre de l’Energie, son mécontentement en affirmant que l’Algérie ne soutenait pas l’idée de plafonnement des prix du gaz naturel sur les marchés énergétiques.