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Op-Ed

Place des Martyrs, le « Cinéma Paradiso » sur le mur !

Place des Martyrs, le « Cinéma Paradiso » sur le mur !

« Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout », disait Jean-Luc Godard, l’auteur, entre autres œuvres cinématographiques, de « A bout de souffle » et de « Vivre sa vie ». Dans la présente randonnée  virtuelle, le chroniqueur se fait donc une joie de vous parler de cinéma et de la vie.

En somme, d’une certaine vie algéroise au cinéma, il y a longtemps, dans une autre vie ! Précisément, du « cinéma du mur », en fait sur le mur et en plein air, après le ftour du ramadan. En ces temps du socialisme autogestionnaire benbelliste, revu et corrigée par Boumediene, les soirées du mois-sacré étaient collectives. Particulièrement familiales, mixtes et conviviales. Voyez-vous, avec le cinéma, on parle effectivement de tout, et on arrive à tout. L’auteur de « Masculin-féminin » et de « Tout va bien » avait bien raison.

En ces temps d’insouciance post-Indépendance, à Alger, Place des Martyrs, qui était une vaste esplanade, c’était en quelque sorte le « Cinéma Paradiso » sur le mur. Précisément sur l’immense façade-arrière et blanche de l’immeuble qui abrite toujours le siège du Trésor Public. Amis du chroniqueur à travers les colonnes du Jeune-Indépendant, certains parmi vous se souviennent peut-être du superbe « Cinéma Paradiso ». Ce film culte qui a fait en 1988 la célébrité mondiale de l’Italien Giuseppe Tornatore, avec notamment un sublime Philippe Noiret et une musique magique du sorcier Ennio Morricone. Ce chef-d’œuvre artistique est en fait une histoire d’amours juxtaposés. De l’amour pour le cinéma, de l’amour dans le cinéma, de l’amour dans la vie et de l’amour pour la vie. Bref, un roman où le 7ème art est l’acteur principal. Un spectacle nostalgique sans être passéiste. Comme la présente chronique du temps qui passe sans pour autant faire oublier aujourd’hui les bonheurs d’hier.

La fin du film est d’une beauté émouvante. Les larmes de Jacques Perrin me rappellent que « le cinéma, c’est comme l’amour, quand c’est bien, c’est formidable, quand c’est pas bien, c’est pas mal quand même », comme le disait George Cukor, co-réalisateur de « Autant en emporte le vent ». Place des Martyrs, durant les soirées ramadanesques, surtout l’été, le cinéma était amour car il diffusait sur le mur, à travers les parois d’un cinébus étatique, les émotions fortes du cinéma et du théâtre au cinéma. Et bien d’autres lumières de la culture via des actualités filmées, des documentaires politiques et historiques de l’Algérie collectiviste et des pays socialistes amis. Une addition qui était un mariage de la culture, de l’entertainment et de la propagande politique. Dieu que ce fut éminemment éducatif et d’un plaisir roboratif !

cinema pardiso large

Un « Entertainment » grand public disparu

Place des Martyrs, jusqu’à tard des nuits étoilées, le bonheur était dans la pellicule. Grâce, successivement au Centre de diffusion populaire (CDP), au Centre national du Cinéma algérien (CNCA), puis à l’ONCIC, l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique. Les premières bases de ma culture générale et les fondements mêmes de mon engouement pour l’art des frères Lumière furent constitués comme des fondus enchaînés. Premier flash-back : c’est là, sur le mur du Trésor Public, que j’ai vu mon premier western, celui qui incarne le mieux l’intensité du drame psychologique dans le genre : Johnny Guitar de Nicholas Ray. Œuvre majeure, parfois considérée comme un des plus beaux films du cinéma US, est rentré dans le National Film Registry pour être conservé à la prestigieuse Library of Congress. Et, cerise sur le gâteau cinématographique, le couple Joan Crawford-Sterling Hayden jouait devant la caméra tel des dentellières fabriquant de la dentelle de Calais ou des brodeuses produisant de la fine guipure !

Grâce donc à l’Etat diffuseur-bienfaiteur de culture, j’ai fait la connaissance du cinéma indien, notamment de son volet populaire. Avec des films comme « Mangala fille des Indes », « Notre mer la terre » et « Les Bracelets d’or », doublés en dialectal marocain épicé. Ou encore des films du grand Satyajit Ray, notamment « Pather Panchali » ou encore le superbe « Le Salon de musique ». Et « rencontré » en même temps des beaux-gosses de l’écran indien comme Dilip Kumar, Shami et Shashi Kappour, et les émouvantes Nimmi Premnath et Nadira de « Mangala fille des Indes ».

Autre retour en arrière : c’est là aussi que j’ai appris que El Hachemi Guerouabi fut d’abord un acteur de théâtre classique, avant d’être cette sublime voix de la joie dans le chaabi. Vu dans les Fourberies de Scapin, une adaptation par le géant Mahieddine Bachtarzi d’une des pièces de Molière. Là également où j’ai vu, pour la première fois, les pièces de Boubagra, alias Hassan El Hassani. Et fait d’autre part la connaissance artistique des inégalables autres humoristes Mohamed Touri, Rachid Ksentini, Rouiched et Chaabane Houat, plus connu sous son identité de scène comme Sid-Ali Fernandel.
Cette pause-café fictive est en quelque sorte une madeleine de Proust. Un court-métrage du souvenir parcellaire. Un arrêt sur images. Un rêve évanescent. Avec le cinéma, on parle de tout, on arrive à tout, disait Godard. Y compris à la fin d’une courte chronique de presse !

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