Peu de changements et des concessions timides
n La réconciliation nationale est désormais constitutionnalisée
n Limitation des mandats présidentiels à deux
n Pas de poste de vice-président
n Le poste de Premier ministre est maintenu
Le document portant projet de Constitution remis dernièrement aux présidents des deux chambres parlementaires, intitulé « Propositions d’amendements pour la révision de la Constitution », serait la synthèse non remaniée des consultations menées en 2014 par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet à la présidence de la République.
Ce document contient en tout et pour tout 47 amendements. Les équilibres des pouvoirs ne sont pas touchés et c’est le président de la République qui reste le maître du jeu politique. Pas de vice-président, une hypothèse longuement évoquée dans la presse.
Pas de chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire. Seul changement notable, si tant est qu’on puisse parler de changement, puisqu’il s’agit d’un retour à la Constitution de Zeroual, le retour à la limitation des mandats à deux.
L’article 74 de la Constitution est amendé et reformulé comme suit : « Art.74.- La durée du mandat présidentiel est de cinq (5) ans. Le président de la République est rééligible une seule fois ». Un autre changement : l’inscription de la réconciliation nationale dans le prologue de la Constitution. Le passage en question est ainsi formulé : « Le peuple algérien fait siens les principes de la politique de paix et de réconciliation nationale.
Il demeure convaincu que le respect de ces principes contribue à la défense des valeurs communes et constitue la voie consensuelle pour la protection des intérêts de la communauté nationale. Les valeurs de paix et réconciliation nationale font partie des constantes de la Nation qui doit tout entreprendre pour leur défense, dans le respect de la République et de l’Etat de droit », est-il écrit.
L’opposition parlementaire est aussi évoquée. Ainsi, l’article 99 bis reformulé institue, au niveau de l’Assemblée populaire nationale, une séance par session pour le contrôle de l’action du gouvernement en la présence obligatoire du Premier ministre. Et dans l’article 99 bis 1, il est stipulé que « les deux chambres du Parlement doivent consacrer une séance par mois pour débattre de l’ordre du jour que proposera un groupe parlementaire de l’opposition ».
Une nouvelle disposition par rapport à l’actuelle Constitution. Autre amendement proposé : la parité hommes-femmes : « L’État œuvre à la concrétisation de la parité hommes-femmes en tant qu’objectif final et en tant que facteur d’émancipation de la femme, d’épanouissement de la famille, de cohésion et de développement de la société.
Dans ce cadre, il œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d’accès à la représentation dans les assemblées élues. Les modalités d’application de cet article sont fixées par une loi organique » stipule l’article 31 bis.
Partis et liberté d’expression
La Constitution version Ouyahia consacre encore la liberté de conscience et d’opinion ainsi que la liberté d’expression. L’article 36 de la Constitution est reformulé comme suit : « Art. 36 : La liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables. La liberté d’exercice du culte est garantie dans le respect de la loi ». L’article 41 stipule également que « les libertés d’expression, d’association, de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifiques, sont garanties au citoyen ».
Cet article est appuyé par le 41bis qui précise que « la liberté de la presse est garantie. Elle n’est restreinte par aucune forme de censure préalable », tout en soulignant que « cette liberté ne peut être utilisée pour attenter à la dignité, aux libertés et droits d’autrui ».
Le droit de créer des partis politiques est reconnu et garanti par l’article 42 de cet avant-projet de loi. Il y a aussi le respect des droits de chaque citoyen. Ainsi, l’article 45 bis parle du « droit à un procès équitable », une notion vague qui existe dans la Constitution en vigueur. Il est ajouté dans l’art. 47 que « … nul ne peut être détenu ou emprisonné dans des lieux non prévus par la loi ».
Pas de Premier ministre issu de la majorité
Le chef de l’Etat conserve, par l’article 77, la totalité de ses pouvoirs avec la possibilité d’en déléguer certains à son Premier ministre qu’il désigne à sa guise. Les pouvoirs du Premier ministre n’ont pas été renforcés. Ainsi, le président de la République reste le chef suprême de toutes les forces armées de la République, le ministre de la Défense et le chef de la diplomatie.
Il préside les Conseils des ministres, nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions. Il peut cependant déléguer une partie de ses prérogatives au Premier ministre à l’effet de présider les réunions du Gouvernement, de nommer aux emplois de l’Etat, après approbation du président de la République et de signer les décrets exécutifs par délégation du président de la République, conformément à ses attributions définies dans l’article 85 de cet avant-projet de loi.
Dans l’article 73 qui fixe les conditions d’éligibilité pour être candidat à la magistrature suprême, il est rajouté l’exigence de la nationalité algérienne d’origine du conjoint.
Il y a également la possibilité donnée, dans l’article 119, aux membres du Conseil de la nation de proposer des projets de loi comme cela se fait au niveau de l’APN. Les propositions de loi peuvent être enregistrées et débattues si elles sont faites par un minimum de 20 députés ou sénateurs.
Les membres du Parlement, tel que stipulé dans l’article 133, peuvent aussi interpeller le gouvernement sur une question d’actualité. La réponse doit être formulée dans un délai maximal de 20 jours. « Les commissions du Parlement peuvent entendre des membres du gouvernement. » Les questions orales font l’objet d’une réponse en séance.
L’article 134 précise que « si l’une des deux chambres estime que la réponse, orale ou écrite, du membre du gouvernement le justifie, un débat est ouvert dans les conditions que prévoient les règlements intérieurs de l’Assemblée populaire nationale et du Conseil de la nation ». Autre concession faite aux parlementaires, la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel.
Ainsi, l’article 166 souligne qu’en plus du président de la République, « le Conseil constitutionnel peut être saisi par 70 députés ou quarante (40) membres du Conseil de la nation. » Le président de la République reste le maître du jeu et dispose de presque tous les pouvoirs. Pas de vice-président ni de chef de gouvernement aux pouvoirs réels ni, encore moins, de contre-pouvoir.