Pétards de destruction massive
Des étals qui sont tenus par des adolescents de 15 à 20 ans. Ils vendent n’importe quoi à n’importe qui. Un nouveau décor s’installe dans chaque coin de la capitale à l’approche de chaque fête du Mawlid depuis l’indépendance. Cette année encore le danger est présent. Il est même plus grand puisque la fête coïncide avec les vacances d’hiver.
Comme un éternel recommencement, des dizaines d’étals de fortune sont d’ores et déjà garnis de pétards et autres pièces d’artifice de tout calibre. Les trottoirs sont devenus d’énormes marchés et la marchandise exposée varie du simple pétard aux fusées et bombes, pouvant causer de graves dégâts.
Quant aux prix, ils varient entre 130 et 200 DA pour les simples pétards, à partir de 2 300 DA pour les fusées, les fumigènes et autres gros pétards, pouvant atteindre 7 000 DA pour les autres produits pyrotechniques à forte détonation.
Un jeune qui détient une table de fortune au marché informel de Bachdjerrah nous a affirmé que la fête du Mawlid Ennabaoui est l’occasion à ne pas rater pour se faire de l’argent facilement. En une semaine, notre interlocuteur a écoulé pour plus de dix millions de centimes de marchandises.
« Je possède un stock qui dépasse les 60 millions, je connais des revendeurs qui achètent jusqu’à 200 millions », a-t-il ajouté. Toutefois, notre interlocuteur a refusé de nous communiquer les bénéfices qu’il tire de ce genre de commerce sous prétexte qu’il n’a pas encore écoulé toute sa marchandise. Dans tous les cas, ce commerce informel procure des gains énormes, selon certains.
A la question de savoir ce qu’il ferait de la marchandise non écoulée, le vendeur affirme avec assurance que ce genre de produits se vend tout au long de l’année, affirmant que des gens achètent des produits pyrotechniques pour célébrer les mariages et autre fêtes.
Cependant, les prix des produits pyrotechniques se sont littéralement « envolés » cette année par suite des grosses saisies qui ont été opérées à travers tout le pays par les services de sécurité (Sûreté nationale, Gendarmerie nationale et Douanes). Des prix qui ont doublé, voire triplé comparativement à ceux affichés l’année dernière.
Un vendeur au marché de Ben Omar à Kouba a cité, à ce propos, les pétards baptisés « pirates », qui font rage cette année. « Certes la demande n’est pas importante comme ce fut le cas il y a quelques années, mais à mesure que la célébration du Mawlid Ennabaoui approche, le rythme des ventes va s’accélérer ».
Ainsi, plusieurs types de pétards très dangereux pouvant occasionner des blessures graves allant jusqu’à la mort sont exposés à travers toutes les tables. Le pétard « pirate », connu pour être un explosif de forte intensité, se vend dans des boîtes contenant quatre pièces au prix de 1 400 DA la boîte.
Ces explosifs ressemblent de plus en plus à de véritables bombes. Ils produisent une détonation énorme, qui peut provoquer l’amputation des doigts et, dans certains cas, la mort. Une véritable bombe artisanale avec laquelle jouent les enfants en toute inconscience.
Comment a-t-on pu laisser de véritables « obus », censés être interdits, en vente libre qui plus est par des mineurs pour des mineurs ? s’est interrogé un parent.
« En acquérant ce genre d’engins explosifs, c’est comme s’ils mettaient une grenade dans la main d’innocents enfants en mal de loisirs », a-t-il soutenu. Et d’ajouter que les citoyens, plus particulièrement les parents, ont aussi leur part de responsabilité.
En outre, une jeune venu s’approvisionner nous a souligné que chaque année des batailles rangées entre quartiers se déroulent durant toute la nuit de cette fête religieuse.
Quant à l’approvisionnement, il a fait savoir que face au blocus et au contrôle rigoureux des douanes au niveau des ports, les contrebandiers ont été contraints d’investir les voies terrestres, notamment les frontières est et ouest du pays, pour acheminer leurs marchandise aux grossistes.
Il convient de rappeler que la fabrication, l’importation et la vente de pétards et autres produits pyrotechniques sont prohibées sur le territoire national. Le jet de pétards sur la voie publique est également interdit, stipule le décret 63-291.