Pas de pause pour le Hirak
Alors que des observateurs craignaient une certaine lassitude en raison du jeûne et des chaleurs printanières, ce premier vendredi du mois de ramadhan aura été un cinglant démenti. La mobilisation est restée intacte. Le mouvement citoyen et populaire ne prend pas de pause et la protestation ne prend pas de répit. Ce douzième vendredi consécutif n’a pas dérogé à cette règle, celle de la revendication essentielle, pour ne pas dire la seule depuis la naissance de cette révolution pacifique : le départ de tous les symboles du système et le changement radical. Des mots d’ordre répétés partout dans les 48 wilayas comme une réponse à l’entêtement de certains acteurs, qui cherchent encore des issues provisoires, de compromis et des demi-mesures.
A Alger, la mobilisation n’a pas faibli. Dès la matinée, les premiers groupes de manifestants affluaient vers l’esplanade de la Grande Poste et à la Place Audin. Juste après la fin de la prière hebdomadaire, le rassemblement commença à prendre de l’ampleur. Ces groupes seront rejoints par des centaines d’autres jeunes, venus des quartiers périphériques de la capitale. Ils ont battu ensuite le pavé, sillonnant les artères et les boulevards d’Alger, en présence du traditionnel dispositif policier. Une marche sereine, dans le calme, sans incidents et qui aura été marquée cette fois par le changement notable dans le contenu des slogans. Des slogans de plus en plus marqués par des positions politiques.
Drapés de l’emblème national et brandissant des pancartes et des banderoles, les citoyens ont réitéré la fameuse sentence populaire, celle du départ de tous les symboles du système politique (tetnahaw ga3). Les manifestants n’ont pas encore reculé sur ce principe, celui de juger également tous ces responsables qui sont impliqués dans des affaires de corruption, de détournement des deniers publics, ou qui ont abusé de leur fonction ou de leur pouvoir pour accaparer illégalement des biens ou des avantages dans l’opacité la plus totale.
A travers les slogans d’hier, les manifestants ont exprimé encore une fois leur attachement à l’unité nationale. Ils ont réaffirmé que « la souveraineté appartient exclusivement au peuple », rejetant ces solutions émanant de certaines parties non représentatives et qui veulent imposer leurs points de vue dans la conjoncture actuelle. Les
marcheurs, par milliers, n’ont pas manqué de signifier leur refus de la tenue de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain. Pour eux, il faut garantir d’abord le départ réel et définitif des trois B, en référence au chef de l’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, au Premier ministre Noureddine Bedoui et au président de l’Assemblée populaire nationale, Moad Bouchareb.
Pour rappel, les marches de ce vendredi interviennent après une série d’événements importants qui ont eu lieu ces derniers jours, comme le placement en détention provisoire de deux anciens chefs des services secrets, Athmane Tartag Mohamed Mediene, et du frère du président déchuSaïd Bouteflika, pour « atteinte à l’autorité de l’armée » et « complot contre l’autorité de l’Etat », sur décision du juge d’instruction militaire près le tribunal militaire de Blida.
Dans le cadre de la même enquête, Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), a été également placée en « détention provisoire » par le tribunal militaire de Blida dans une prison civile de cette wilaya. D’ailleurs, l’un de ses bras droits dans le parti a été refoulé hier par des groupes de manifestants, alors qu’il voulait brandir des banderoles dénonçant l’arrestation de Hanoune.
Avec les marches de ce vendredi, il est clair que le mouvement populaire vient de démontrer qu’il ne baissera pas les bras, et qu’il demeurera encore plus puissant et plus revendicatif au fur et à mesure de l’entêtement à maintenir une hypothétique feuille de route électorale, à laquelle personne ne croit vraiment à part ses auteurs.