Ouyahia : «Il n’y aura pas de hausse des taxes dans la LF 2018»

Il se savait qu’il était attendu au tournant sur la question du financement non conventionnel, le sujet phare du moment. Aussi a-t-il pris la précaution de bien expliquer hier devant les députés le bien-fondé de cette décision qui engage l’avenir du pays.
Et ce difficile exercice d’équilibriste, qui mieux que Ouyahia pouvait le faire avec autant d’arguments et autant d’aisance sans avoir froid aux yeux.
De prime abord, Ahmed Ouyahia a entamé son intervention sur cette question sensible en rappelant que l’Algérie a résisté trois ans à la crise malgré une baisse de 50% de ses recettes en devises et la perte de la moitié de ses recettes fiscales : « Aujourd’hui, le FRR est épuisé « depuis février dernier. Les réserves de change ont fondu de moitié, passant de 200 milliards de dollars en 2014 à près de 100 milliards actuellement », a-t-il précisé.
Pour les préserver, il a annoncé la poursuite de la politique des licences d’importation mise en place dès 2015. Ce dispositif sera renforcé par de « nouvelles mesures », a-t-il ajouté, sans préciser la nature de ces mesures. Ceci pour le constat.
Ensuite Ouyahia s’est évertué à convaincre les députés que le volume du marché financier local est « faible » pour permettre un financement du Trésor via l’émission d’obligations : « Les banques, notamment publiques, n’ont plus beaucoup d’argent », a-t-il soutenu.
Pour répondre à cette problématique, il avance deux hypothèses : refuser de recourir à l’endettement extérieur et donc au FMI avec toutes ses conditionnalités et ses conséquences sur le pouvoir d’achat du citoyen, ou aller directement à la planche à billets. Pour Ouyahia le choix est vite fait. La deuxième hypothèse est la meilleure à l’heure actuelle, et elle permet de sauvegarder un tant soit peu la souveraineté du pays.
Enfin la troisième hypothèse qui rassemble beaucoup de partisans, le recours au 100 milliards de réserves de change, n’est pas une solution idoine pour Ouyahia : « L’Algérie a besoin de 20 milliards de dollars par an pour combler le déficit budgétaire. Or, à un tel rythme, sur quatre ou cinq ans, on risque de ne plus pouvoir payer les intérêts de la dette », dit-il. « Une situation qui conduirait le pays directement vers le FMI », a-t-il ajouté.
« C’est pour cette raison que nous avons choisi de recourir au financement non conventionnel. Ce n’est pas une invention algérienne » a ajouté le Premier ministre, rappelant que des pays comme les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni ou encore ceux de la zone euro « ont recours à ce type de financement ». Ouyahia ne s’arrête pas à ce constat.
Avant d’égrener les nombreuses raisons objectives ayant poussé l’Etat à recourir à ce type de financement, il a voulu d’abord assurer ceux qui avancent que cet argent servira à financer la consommation qu’ils ont tort : « Le financement non conventionnel ne va pas servir à financer la consommation.
Les fonds qui seront empruntés par le Trésor public auprès de la Banque d’Algérie, dans le cadre du financement non conventionnel, ne seront pas source d’inflation puisqu’ils seront destinés à financer exclusivement l’investissement public.
Certaines voix ont accueilli l’annonce du recours au financement non conventionnel interne en prédisant au pays une explosion de l’inflation », dit-il. Ensuite il accélère dans son argumentation et indique que l’Algérie évitera le surendettement extérieur. Selon le Premier ministre, la dette publique de l’Algérie « ne dépasse pas actuellement 20% du PIB ».
Ce qui laisse, selon lui au Trésor, une marge confortable pour emprunter.
Enfin, le financement non conventionnel ne va pas affaiblir le dinar : « Le dinar baisse quand les réserves de change baissent », a-t-il expliqué, répondant ainsi directement aux nombreux spécialistes qui ont mis en doute ses capacités managériales : « Le dinar a baissé de 25 à 30% ces trois dernières années, sans l’existence du financement non conventionnel ».
Le Trésor public s’endettera pour financer les déficits du budget de l’Etat qui sont énormes, évalués à 2500 milliards de DA.
Le recours au financement non conventionnel « va permettre d’élaborer une LF 2018 sans hausse de taxes », a-t-il promis. Grâce à ce choix, « l’Algérie va sortir de cette impasse financière » sans « casser le rythme de développement » du pays, a encore indiqué le Premier ministre.
Le gouvernement s’engage à mener des réformes durant cette période
Le Primer ministre s’est engagé à lancer des reformes profondes pour moderniser l’économie nationale. Pour cela, il a eu recours à la méthode pédagogique pour expliquer hier aux 400 députés le recours au financement non conventionnel face à la crise financière en rassurant que cette mesure « aura un impact positif sur les citoyens, l’Etat et les entreprises locales ».
Dans sa présentation du plan d’action du gouvernement, il a indiqué que les emprunts que le Trésor public obtiendra auprès de la Banque d’Algérie « permettront de relancer ou d’achever des projets de développement humain gelés ou bloqués ces dernières années dans plusieurs domaines, dont ceux de la santé et de l’éducation ».
De même, dit-il encore, « ces emprunts non conventionnels auprès de la Banque d’Algérie permettront à l’Etat de continuer de fonctionner normalement sans devoir imposer aux citoyens de nombreux impôts nouveaux ». Il a également avancé que cette catégorie de financements aura un « impact positif » sur les entreprises locales qui recouvreront leurs créances sur l’administration et pourront ainsi survivre et se développer, « alors que certaines autres PMI ont, malheureusement, été déjà acculées à la disparition ».
Le Trésor « financera aussi le remboursement de ses importantes dettes vis-à-vis de la Sonatrach ou des banques publiques engagées dans l’assainissement de Sonelgaz, de sorte que les banques publiques retrouvent des liquidités qu’elles utiliseront pour le financement de l’investissement économique », a encore détaillé le Premier ministre.
Ce financement exceptionnel sera « accompagné de réformes économiques et financières pour rétablir l’équilibre des finances publiques ainsi que l’équilibre de la balance des paiements », a-t-il insisté. « L’Algérie va recourir temporairement à ce type de financement pour faire face à une crise financière qui dure depuis plus de trois ans, induite par une grave chute des prix des hydrocarbures », a-t-il encore souligné.
Enfin, plus 200 députés de l’Assemblée nationale, auxquels s’ajoutent les présidents des groupes parlementaires, se sont inscrits pour intervenir dans les débats sur le plan d’action du gouvernement.
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