Ouyahia dresse un bilan peu reluisant de la situation financière
Ahmed Ouyahia ne veut plus cacher la situation aux citoyens et il le fait savoir à sa manière, à travers une lettre qu’il a adressée aux responsables des différentes structures de l’Etat.
Ainsi, lors de sa rencontre avec les chefs de parti de la majorité présidentielle mardi dernier, il leur a donné un information qui fait froid dans le dos. Selon le Premier ministre, l’Etat n’aura plus d’argent à la fin de l’année pour payer ses fonctionnaires.
D’où l’urgence du recours à la planche à billets pour assurer le bon fonctionnement des institutions. « Sans cette solution qui permettra le recours au financement interne non conventionnel, nous n’aurions pas de quoi payer les fonctionnaires dès novembre prochain », dit-il.
En clair, l’Etat ne pourra pas disposer d’assez de liquidités d’ici à novembre pour payer ses employés. En outre, le poids de la masse salariale des fonctionnaires a doublé en dix ans. Selon la direction générale de la Fonction publique, le nombre de fonctionnaires est de 20 020 172, dont 1 608 964 à temps plein (79,64%) et 411 208 agents contractuels (20,30%).
Par grands secteurs, l’intérieur et les collectivités locales représentent 29,22%, l’éducation nationale 29,34%, la santé publique 13,19%, l’enseignement supérieur 8,50%, les finances 4,15%, la formation professionnelle 2,80%, la justice 2,16% et les autres secteurs 10,64%.
Autre aveu qui ne manquera pas de faire réagir l’opposition : la lettre adressée par Ouyahia aux ministres, aux walis et aux PDG des groupes industriels, ainsi qu’à d’autres responsables dont le SG de l’UGTA et le patron du FCE, dans laquelle il dresse un tableau sombre de la situation économique du pays.
Le Premier ministre revient sur l’explosion de la facture des importations de biens et de services au point « où elles ont dépassé les 70 milliards de dollars » au moment où une « chute vertigineuse » des prix du pétrole est enregistrée sur le marché international depuis 2014.
Selon Ouyahia, ce déficit commercial est accompagné d’un « épuisement rapide » des réserves de change : « En effet, nos réserves de change ont fortement baissé, passant de 200 milliards de dollars au premier semestre de l’année 2014 à près de 100 milliards de dollars au mois dernier », dit-il.
Il estime qu’il « n’est pas nécessaire de mentionner que l’épuisement de nos réserves de change mènera le pays au recours à l’endettement extérieur qui pourrait, en cas d’accumulation, conduire à l’impossibilité de rembourser et qu’on se retrouve une nouvelle fois avec un ajustement structurel ».
Pour contourner l’écueil du FMI, Ahmed Ouyahia indique que l’Algérie « a eu recours de manière légitime au financement non conventionnel » et précise que « l’État a pris des mesures préventives pour diminuer les importations des produits », et qu’il est « déterminé à pousser les ordonnateurs des commandes publiques à participer à cet effort ».
Le Premier ministre a adressé une seconde lettre au SG de l’UGTA et au patronat, les informant des instructions données aux ordonnateurs des commandes publiques pour accorder la priorité à la production nationale de biens et de services.
Il a tenu à préciser aux destinataires que « cette disposition est devenue une nécessité absolue pour diminuer le déficit de la balance commerciale et protéger les réserves de change » du pays.
« Si cette insistance sur le recours à la production nationale s’expliquait, dans le passé, par une volonté de développer l’appareil de production de marchandises et de services, il est aujourd’hui question de la préservation de la souveraineté économique et financière du pays », note Ouyahia dans sa missive.
Ahmed Ouyahia charge ainsi l’ensemble des ministres du gouvernement « de veiller à l’application de ces dispositions », pour tout appel d’offres formulé par l’administration centrale ou par toute autre société administrative ou agence sous leur tutelle.
Les walis et les chefs d’entreprises publiques sont également instruits, chacun à son niveau, pour appliquer les dispositions de l’article 83 du code des marchés favorisant la production nationale. En outre, Ouyahia a chargé le ministre des Finances de veiller à l’application, par les différentes commissions de marchés publics, de ces dispositions.