Numérisation et intelligence artificielle: L’inévitable option
Le directeur de l’Ecole nationale supérieure de l’informatique (ENSI), le professeur Mouloud Koudil, a estimé que l’Algérie doit investir davantage dans la numérisation et l’intelligence artificielle (IA). L’universitaire a plaidé en faveur d’une implication des personnes hautement qualifiées avec des juristes pour préparer la deuxième phase de la numérisation en Algérie.
Pour cette deuxième phase, il faut, selon lui, « des lois qui protègent, et elles existent. Après, il faudra inspecter les algorithmes et les données qui pourraient venir d’ailleurs. A mon avis, il faut qu’il y ait des lois sur toutes les pratiques du domaine du numérique et du traitement de données ».
Lors de son intervention sur les ondes de la Radio algérienne, le même responsable a affirmé que « la numérisation est le bon chemin à prendre car les pays qui ont réussi ont placé cette action au plus haut niveau de l’Etat ». Il a ajouté : « Dans certains pays, ces investissements se chiffrent à plusieurs milliards de dollars, car les enjeux sont importants et majeurs. Ensuite, il faudra également moderniser le fonctionnement des institutions, sinon on va numériser à tort. Aujourd’hui, il est vital d’avoir des données numérisées et protégées ».
En prenant en exemple le cas des entreprises, il a expliqué qu’« avoir des données, c’est détenir l’information et mieux connaître ses clients pour fournir un bon service. Jeter l’information, c’est suicidaire. Aujourd’hui, on a peur de la chose qu’on ne connaît pas, mais si l’on se projette dans la formation et les bonnes pratiques, il y aura un retour sur investissement ».
Le même responsable est revenu dans son intervention sur la décision prise, avant-hier lors du Conseil des ministres, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, d’accélérer la cadence du travail pour entamer la deuxième phase du processus de numérisation. M. Koudil a expliqué que « tous les secteurs du pays sont concernés et tout le monde devra travailler, de manière coordonnée, dans le même sens pour réussir ce challenge », affirmant que « cette démarche devra être supervisée et coordonnée par un chef d’orchestre au plus haut niveau de l’Etat ».
En ce qui concerne la façon à entreprendre pour accélérer cette cadence et rattraper le retard accusé dans la numérisation de l’ensemble des secteurs, il a précisé qu’« il ne s’agit pas d’une industrialisation où nous avons besoin de gros matériels. Le retard est rattrapable. Il faudra de la volonté, une feuille de route, une stratégie et laisser travailler ceux qui sont engagés dans ce processus ».
Tout est basé sur la ressource humaine, selon l’intervenant. « Les pays qui se sont suffis de l’acquisition de matériels se sont trompés, car on finit par numériser de mauvaises pratiques. Il faudra des personnes qui prennent à bras-le-corps ce genre de projet avec une ressource humaine qualifiée, car c’est la clé du succès », a-t-il dit.
« S’il y a un domaine qui devrait être plus agile dans cette mutation, c’est bien la formation », a développé M. Koudil, citant une enquête menée aux Etats-Unis d’Amérique et selon laquelle « 80 % des métiers de 2030 sont encore inconnus. Aujourd’hui, il faut former pour les besoins du pays certes, mais il faudra aussi former aux standards internationaux auxquels on est appelés à s’inscrire. Ensuite, il faut un dialogue entre tous les partenaires de tous les secteurs pour identifier leurs besoins en formation et créer, justement, une synergie ».
Selon M. Koudil, la fracture numérique est « facile à combler et ne nécessite pas de très gros moyens. Formons, et on y arrivera très rapidement. De même qu’il faudra aussi faire face à la mobilité mondiale pour garder et faire revenir les talents formés chez nous. Et ça, c’est un autre combat. Nous formons peu et nous perdons beaucoup de talents. Même les Etats-Unis n’arrivent pas à faire face à cette mobilité, tant interne qu’externe ».
Concernant la résistance qui risque de freiner le processus de numérisation en Algérie, M. Koudil a estimé qu’« il faudra imposer une stratégie et une feuille de route. C’est très important, sinon chaque entité ira dans son sens. Du coup, il faut un chef d’orchestre qui mène le projet et coordonne les efforts (…) Je ne crois pas trop au choc générationnel, moi-même je suis âgé et je crois au numérique ! ».
Pour l’intervenant, « la résistance au processus de numérisation est humaine et il faut lutter contre cette fermeté à vouloir travailler avec des méthodes révolues. Il faut convaincre et imposer de nouvelles méthodes ».