Mustapha Mekidèche : «Les start-up disposent d’un large champ d’opportunités»
Les autorités misent sur les start-up. Une importance particulière est accordée à ces entreprises novatrices car considérées comme étant un instrument non négligeable pour la relance de l’économie nationale mais aussi comme la locomotive du nouveau modèle économique prôné par le gouvernement. Dans cet entretien, l’expert en économie Mustapha Mekidèche revient sur l’écosystème de ces entreprises innovantes et les opportunités qui s’offrent à elle au niveau local mais aussi sur le plan international.
Le Jeune Indépendant : Une importance particulière est accordée aux start-up par les pouvoirs publics. Elles sont considérées comme un levier pour le développement d’une économie hors hydrocarbures. Selon vous, l’écosystème est-il favorable au développement et, par ricochet, à la réussite de ces entreprises innovantes ?
Mustapha Mekidèche : L’écosystème dont vous parlez est en cours de construction, notamment du point de vue institutionnel et celui de l’accompagnement par des politiques et des instruments publics. Par ailleurs, une partie importante de cet écosystème, déjà en place, est bien répartie territorialement, avec l’existence d’un réseau universitaire et de recherche dont le potentiel n’a,à ce jour, pas été suffisamment mobilisé pour le développement économique. Son capital humain, jeune et bien formé, en est la ressource principale. De plus, en cette période de crise et de resserrement des contraintes financières internes et externes, il faut savoir que la création et le développement de cette filière technologique innovante mobilise beaucoup moins de capitaux que les industries manufacturières par exemple. De plus, elle peut avoir un retour sur investissement plus rapide et plus important.
A quel degré ces entreprises peuvent-elles contribuer à la relance économique ?
Pour répondre comme il se doit à votre question, il faut bien définir ce qui différencie la start-up d’une entreprise classique. Cette dernière va fonctionner selon un business model classique qui a déjà fait ses preuves alors que la start-up devra créer son propre business model inédit et innovant en s’appuyant, entre autres, sur les technologies digitales mais également sur un marché émergent. Aussi, sachant que notre pays est non seulement en retard dans sa digitalisation mais aussi dans son autonomie technologique, les start-up algériennes disposent d’un large champ d’opportunités pour leur essor aussi bien local qu’international, seules ou en partenariat. A ce propos, les grands groupes publics et privés algériens gagneraient à s’appuyer sur des start-up pour prendre en charge des activités externalisables que ces dernières exécuteraient de façon plus efficaces. La formule du capital risque ouvre la voie à ce type de partenariat, que les pouvoirs publics ont décidé d’emprunter au lieu de la simple bonification bancaire.
Les autorités misent justement beaucoup sur ces entreprises. Des facilités leur sont accordées (fonds d’investissement, facilités fiscales et parafiscales, comme la suppression de la TVA, TAP, IBS). Ces entreprises innovantes seront-elles à la hauteur du défi ?
Il y a déjà quelques success stories dans les services de mobilité, d’industrie, de contenu digital et bien d’autres encore. Il y a même quelques start-up qui se sont installés à l’étranger. Tout est à faire en Algérie car les retards à combler sont énormes. Les start-up ont des activités horizontales et touchent tous les secteurs. La substitution aux importations va ouvrir davantage leur champ des opportunités.
Certains n’hésitent pas à faire la comparaison entre ces jeunes entreprises novatrices et les entreprises créées dans le cadre du dispositif de l’ANSEJ dans la mesure où ces dernières ont aussi fait l’objet d’un intérêt particulier de la part des autorités de l’époque. Ces entreprises n’ont pas toutes connu une réussite fulgurante en raison, notamment, de la mauvaise étude de marché. Comment éviter que ne se reproduise le même scénario ?
Les bilans de l’ANSEJ sont effectivement à produire par un audit indépendant pour identifier les réussites mais aussi les causes des échecs, dont celle que vous citez concernant la méconnaissance du marché. Il y en a probablement d’autres, à l’exemple de la confusion entre les politiques sociales et le déni de la sanction économique. Dans le cas des start-up, nous sommes clairement dans le champ de la validation par le marché avec un risque réel, néanmoins calculé et assumé. Cela explique d’ailleurs la raison du changement de la politique d’accompagnement des pouvoirs publics qui passent de la bonification des emprunts à des dotations à un fonds d’investissement ouvert aux promoteurs privés. Il s’agit d’une sorte de fonds souverain pour les start-up. Vous verrez qu’il pourra générer ses propres ressources et même gagner de l’argent.