Mokrani : « Je dois attendre d’abord que le sélectionneur me fasse appel»

Après sept années passées à Dunkerque, Mohamed Mokrani revient cette saison en région parisienne et plus précisément à Créteil.
Une région qu’il connaît parfaitement puisqu’il avait déjà porté les couleurs noir et rouge de l’US Ivry, son premier amour de handball. Momo a quand même fait du chemin. Et quel chemin ! Vainqueur du Championnat de France en 2007 avec Ivry.
Avec Dunkerque, il a décroché le Championnat de France en 2014, il a remporté la Coupe de France en 2011, la Coupe de la Ligue en 2013, le Trophée des champions en 2012 et finaliste dans la même année de la Coupe EHF sans oublier la Coupe d’Afrique des nations avec l’Algérie en 2014 face à la Tunisie. Le Jeune Indépendant est allé à la rencontre de ce joueur qui n’a jamais triché sur le terrain, qui a été contacté par un club allemand et un autre polonais mais a préféré rester en France.
C‘est à Créteil, à la sortie d’une séance d’entrainement au Palais des Sports de cette paisible ville que nous avons rencontré l’enfant d’Ath Mendès et à travers l’entretien qui suit, Mohamed Mokrani nous parle, à bâtons rompus, de tout ce qui tourne autour du handball algérien, de la sélection masculine, de la sélection féminine, du dernier mondial et de la prochaine coupe d’Afrique des nations prévue en janvier au Caire.
Le Jeune Indépendant : Momo, vous revenez dans la région parisienne pour porter les couleurs de l’US Créteil mais ça vous fait quoi de quitter Dunkerque, club dans lequel vous aviez passé sept années ?
Mohamed Mokrani : Ah c’est sur que ça fait quelque chose. C’était aussi un choix difficile car, comme vous venez de le dire, j’ai passé là-bas sept années et vécu des moments extraordinaires. Des moments magnifiques car au-delà de l’aspect sportif, il y a eu cette sensation de rapprochement entre la population de Dunkerque et moi. Et puis, nous avons remporté tous les titres, c’est-à-dire le championnat et les différentes coupes et puis accéder aussi en finale de coupe d’Europe.
Donc, je pense que c’est quelque chose d’exceptionnel. Ben voilà, il y a toujours une fin à toute histoire et dans l’ensemble, ça s’est bien terminé. Maintenant, je démarre une nouvelle aventure avec l’US Créteil Handball.
C’est un nouveau challenge qui vous attend avec Créteil ?
Oui, et c’est surement le dernier de ma carrière. J’ai signé pour deux ans minimum, j’ai aujourd’hui 34 ans et on verra de quoi sera faite la suite pour parler de la fin de ma carrière. Néanmoins, je suis très heureux de ce nouveau challenge surtout que j’ai senti une réelle volonté de la part des dirigeants et de mon entraineur que j’ai eu au téléphone avant de signer à Créteil apporter mon expérience.
Je sais que les dirigeants cristoliens attendent beaucoup de moi car c’est une équipe très jeune, il y a de bons joueurs, pleins de qualité et moi, je dois apporter tout mon vécu acquis, ce qui pourra apporter par moment à ces jeunes plus de discipline et de rigueur mais également cette culture de la gagne.
Et vous revenez en banlieue parisienne que vous connaissez parfaitement …
34 ans, une carrière exceptionnelle et un joli palmarès. C’est quoi l’après handball pour Mokrani ?
Disons que là, j’entame une mon diplôme de préparateur physique pour les athlètes de haut niveau. Je dis bien pour les athlètes de haut niveau qui est un facteur particulier et donc, c’est un diplôme que je passe à l’institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) à Paris.
Ce diplôme qui dure un an va me permettre ensuite d’être préparateur physique pour une structure de haut niveau, que ça soit dans le handball ou dans un autre sport mais en tout cas, c’est quelque chose que je voulais privilégier en signant à Créteil et puis peut-être in challah dans les années d’après entamer des études en kinésithérapie mais ça, c’est déjà autre chose.
Passons maintenant à l’équipe nationale ! D’après vous, il se passe quoi au sein du handball algérien ?
Ecoutez, (rires et hésitation)… j’ai quitté mon équipe nationale effectivement au lendemain du mondial. C’était pour moi une expérience très difficile parce que quand on a vécu quelque chose d’exceptionnel de très haut « niveau » dans le sens où on gagne une finale de la CAN jouée à domicile contre la Tunisie, c’est quelque chose de magique.
Ensuite, quand on passe à un autre stade supérieur qu’est le championnat du monde, on se rend compte que c’était extrêmement difficile car il y a la réalité des choses qui nous a amené, à un moment donné, à retomber sur terre pour différentes raisons, tant dans le continu des matches dans ce que nous avions produit d’une part que par les résultats.
Terminer derniers, c’est pour moi quelque chose de très difficile mais surtout tout au long de ce mondial où on a été en perte de vitesse totale. A aucun moment, on n’a su se reprendre ou alors, c’était par moment. Une mi-temps par ci, quinze minutes par là. C’était vraiment difficile à vivre et puis quel que soit le contexte, même si je ne m’en plains pas, mais je peux vous dire qu’à ce moment là, j’avais hâte de retrouver mes proches à Dunkerque.
La prochaine Coupe d’Afrique des Nations est dans moins de 3 mois. Bouchekriou a finalement donné son aval pour prendre en main l’équipe nationale. Peut-on espérer vous voir parmi les capés au Caire en janvier prochain ?
C’est sur que je ne vais pas vous le cacher mais c’est quelque chose qu’il va falloir que j’évoque très sérieusement. D’abord, à titre personnel mais je dois dire aussi qu’il faut attendre que le sélectionneur me fasse appel. Si c’est le cas, je vais prendre un petit délai de réflexion.
Il faut que j’évoque aussi ça avec mes dirigeants, mes entraineurs car c’est une décision importante c’est-à-dire que si moi je m’engage, je dois me donner à fond avec mon pays, que je ne viens pas pour faire ça ou ça mais venir pour jouer jusqu’au bout. Maintenant il y a une situation qui est particulière.
J’ai 34 ans, j’entame des études, j’ai aussi le championnat de France et les différentes coupes, donc voilà je vais prendre ce petit délai de réflexion si je suis sélectionnable déjà mais voilà c’est sur qu’il y a ce traumatisme du dernier mondial qui fait que beaucoup de choses doivent changer avec certaines garanties. Je serais très heureux de retrouver Salah Bouchekriou, je crois qu’il reste peu de temps mais surtout beaucoup de travail.
Vous avez parlé tout à l’heure de traumatisme dû au mondial. Peut-on considérer ça comme étant un mauvais moment de votre carrière ?
Oui, parce que j’avais beaucoup d’attente autour de ce mondial. Beaucoup d’attente car je connais un peu l’exigence de ce type de compétition ou du moins ce que ça l’être pour l’avoir vécu un peu avec les clubs dans les différents championnats d’Europe.
De toute façon, durant la préparation, on n’était pas dans le vrai même si, par moment, c’était bien. Je ne vais pas revenir sur tout ce qui s’est passé. Je sais que Réda Zeguelli a fait du bon boulot notamment lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations à Alger.
Il a fait du mieux qu’il pouvait par la suite, en essayant de temporiser une situation, de régler tous les soucis mais je crois qu’il y a un énorme travail de fond à faire et là, puisque vous me donnez l’occasion d’en parler, à mon avis je pense qu’il faut revoir très certainement tout le mode de fonctionnement dans la formation des joueurs.
Je crois qu’on a une chose extraordinaire d’avoir des relations très amicales avec la Fédération française de handball. Aujourd’hui, la France est la meilleure équipe du monde.
Qu’est-ce qui nous empêche de nous inspirer du handball français ?
Qu’est-ce qui nous empêche de prendre un certains nombre d’éducateurs, d’entraineurs, de les emmener en France au cours d’un stage pour plusieurs jours, pour quelques semaines et de les confronter aux méthodes de travail effectuées ici en France ?
Je pense que ce serait très formateur pour tout le monde et on avancerait et puis, dans un autre volet, il y a la qualité de nos infrastructures. Je sais que la salle Harcha est une salle extraordinaire mais quand on va s’entrainer et que la salle n’est pas propre surtout pour une équipe nationale qui s’y entraine, ce n’est pas normal tout ça.
On ne demande pas des complexes comme au Qatar, loin de là, mais ce que je dis c’est peut-être le strict minimum pour pouvoir s’entraîner dans les meilleures conditions.
C’est tout et je crois que çà déjà, une fois que l’on aura réglé ces problèmes, on pourra revenir sur la formation de nos jeunes, les accompagner tout au long des différents cursus et qu’il y ait une continuité dans le travail mais je crois que là effectivement, on fera un énorme pas et je vais encore plus loin parce que j’entends beaucoup d’anciens joueurs ou autres personnes entre guillemets émettre des avis sur ça mais le handball a évolué depuis plus de vingt ans.
Aujourd’hui, et je suis bien placé pour en parler, on réserve beaucoup d’importance à la préparation physique. C’est un élément très important aujourd’hui. Pour être un athlète de très haut niveau, il faut être physiquement très bien préparé.
Au Qatar, la fraicheur physique vous a-t-elle fait défaut ?
Oui, on a vu ça au-delà des aspects technico-tactiques et pour pouvoir répondre à ces aspects, il faut déjà être bien préparés physiquement. Donc, ça, c’est le premier élément et une fois que l’on aura réglé cet aspect, il faudra trouver des gens compétents pour accompagner, entourer le staff technique.
Le handball a évolué sur tous les plans et il faut aussi dans notre conception du handball évoluer et au contraire si des personnes anciennes ou autres qui ont des compétences, il faut les réunir, s’assoir autour d’une table, discuter et surtout échanger avec ce qui se fait de mieux au monde.
Qui est-ce qui a fait qu’au lendemain du mondial, notre équipe nationale ne s’est plus regroupée jusqu’au jour d’aujourd’hui ?
Je ne vais pas vous mentir, j’ai suivi ça de très loin. Ce n’est pas que je n’ai pas envie d’en parler mais j’ai eu besoin d’un temps de coupure. Je pensais à mon club car j’avais des échéances très importantes. Maintenant, la question que je me pose est peut-être difficile à comprendre. On parle de la sélection masculine qui ne se regroupe pas. Et les filles ? Les filles aussi, il ne faut pas les oublier, c’est très important.
Je pense qu’il y a un vivier de joueuses qui peuvent apporter et qu’il faut encadrer là aussi c’est un travail à effectuer.
Maintenant pour revenir à la sélection masculine, je dois poser la question suivante : Est-ce que nécessairement faut-il prendre une décision rapide au lendemain du mondial de nommer quelqu’un, d’essayer de regroupe les athlètes ? Pourquoi en fait si on n’a pas un but, un objectif à atteindre ?
Aujourd’hui déjà pour cette prochaine coupe d’Afrique, se classer troisième c’est extraordinaire. Ce sera extrêmement difficile mais ce sera le seul objectif. Il faut être réalistes. Maintenant, par contre, il faut se poser les bonnes questions.
Se projeter, travailler main dans la main avec comme objectif un passage. Je ne dis pas que l’objectif est de se qualifier pour le mondial français mais faire son mondial en France serait un passage intermédiaire et non un objectif en soi.
On pourra donc faire de ce mondial un simple passage et viser par la suite l’autre Coupe d’Afrique des nations qui se profile d’ici deux ans et demi. Ça, c’est un premier objectif. Travailler dans ce sens et laisser le temps à cette équipe de se reconstruire. La Fédération algérienne devra se structurer également dans son mode de fonctionnement et ensuite si, sur un cycle de trois à quatre ans, on n’a pas les résultats escomptés, à ce moment-là, il faudra de nouveau taper du poing et dire que l’on n’est pas dans le vrai et à partir de là, on prendra de nouvelles décisions.
Terminer votre carrière internationale en 2017 lors mondial Français, ce serait la cerise sur le gâteau, non ?
Oui, c’est vrai que pour moi ce sera un bon clin d’œil. Maintenant, il faudra savoir si physiquement ça va aller (rires….). Je crois qu’il y a de très bons joueurs qui poussent à mon poste et qui sont très bons. Il faudrait seulement les former, les encadrer. Oui, terminer ma carrière internationale avec le mondial qui se jouera en France en 2017, ce serait effectivement boucler la boucle, comme on dit.
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