Mohamed Abaidia, au Jeune Indépendant : « Les petits élevages piscicoles pour augmenter la production »
Le Jeune Indépendant : Comment évaluez-vous la situation de l’aquaculture en Algérie ?
Mohamed Abaidia : Je préfère parler de la pisciculture, qui est une branche de l’aquaculture et qui désigne l’élevage des poissons. Le terme « aquaculture », dois-je rappeler, recouvre toutes les formes d’élevage d’animaux et de culture de plantes en eau douce, saumâtre ou salée. Pour entrer dans le vif du sujet, il serait judicieux de préconiser une pisciculture vivrière, voire génératrice de profits au vu de la réalité du terrain.
Pouvez-vous donner de plus amples explications ?
Hormis la pisciculture marine, l’élevage en eau douce, lorsqu’il est pratiqué pour des productions importantes, devient de plus en plus problématique en Algérie. Nous avons vu par le passé des investissements dans des méga-bassins de plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes d’eau. Il faut savoir qu’avec les changements climatiques et la sécheresse qui perdure depuis des décennies, nos ressources hydriques se raréfient.
Il faut donc opter pour de petits élevages, de petits bassins pas trop profonds, et ce dans le cadre, par exemple, d’un projet agricole intégré. Mais, de grâce, évitons d’ensemencer les bassins d’irrigation de béton qui ont été construits dans le cadre du FNDRA (Fonds national du développement rural et agricole) !
Pourquoi éviter ces bassins ?
Nos recherches en ce domaine ont démontré que l’élevage et le ciment ne font pas bon ménage. Nous avons constaté que le taux de mortalité y est très élevé. Il est donc recommandé pour la pisciculture vivrière d’édifier des petits bassins et les couvrir de géomembrane, ou carrément laisser le poisson évoluer dans un bassin de terre.
Si l’on multiplie ce genre de pratique, bien sûr avec l’aide du ministère de la Pêche, celui de l’Agriculture et celui de l’Hydraulique, on aura gagné sur un triple plan : augmentation de la ressource halieutique, augmentation des fertilisants pour l’agriculture et, bien sûr, économie d’eau sachant que cette ressource est très précieuse.
Est-ce difficile de se lancer dans la pisciculture ?
Pas du tout. N’importe quel fellah, s’il veut augmenter ses revenus ou consommer du poisson à longueur d’année, peut se lancer dans l’élevage du poisson d’eau douce. Même si l’on n’est pas agriculteur mais que l’on dispose d’une petite parcelle de terrain, on a la possibilité de produire du poisson. Il faut seulement limiter les dimensions du bassin à, par exemple, 2 mètres par 2 mètres avec une profondeur d’un mètre.
Les eaux usées sont-elles recyclables pour créer des élevages piscicoles ?
Absolument. Nous avons des milliers de stations d’épuration d’eau qui peuvent en effet être mises à profit pour ce créneau. J’aimerais cependant attirer l’attention des institutions concernées que l’Algérie importe toujours l’aliment du poisson d’élevage en devises fortes alors que nous avons les moyens de créer des usines et éviter ainsi de dépendre de l’étranger.
A titre d’exemple, la Mauritanie dispose de 16 usines de fabrication d’aliment pour l’élevage du poisson et l’Egypte en a une cinquantaine. L’Algérie, quant à elle, n’en a aucune. Il serait alors judicieux d’encourager l’investissement dans ce créneau.