Mauvais bilans des walis : l’omerta

Il y a eu le dernier remaniement à la tête de plusieurs wilayas du pays et par incidence de quelques daïras. Promotions, mutations géographiques et sanctions tacites.
Au sommet de l’Etat, on garde le secret des critères de nomination comme on tente aussi de cacher les raisons du dégommage. Mais, quelques jours d’interrogations, quelques séances de travail sans réponse à propos de retards, d’anomalies, suffisent au nouveau titulaire du poste pour découvrir les pots aux roses.
S’ensuit un malaise aussi grand que la responsabilité devant Dieu et les administrés : Dénoncer ou se taire ? Laissant le dernier mot au ministère de tutelle, de l’Intérieur et des Collectivités Locales, véritable boîte noire de la faillite nationale en termes de gouvernance de proximité. Top secret.
Averti et omnipotent
En haut de la hiérarchie, les scandales de corruption, la chronique des délits et crimes politico-financiers de ces dernières années ont marqué les esprits. L’énarque ou le cadre de l’administration, expérimenté et promu à la tête d’une wilaya, est forcément un responsable averti.
Il sait comment la machine administrative fonctionne, il en connaît le bruit, les pannes récurrentes, les bavures aussi, comme il s’attachera à en défendre la toute-puissance, l’efficacité possible ou la générosité indéniable en matière de service public. C’est cela « incarner » l’Etat en tant que commis de confiance nommé par décret présidentiel.
La vox populi répète et croit dur comme fer que le wali se fait un peu le président de la wilaya. En s’intéressant à ses prérogatives, à ses responsabilités en tant que représentant de l’Etat et ordonnateur de grosses dépenses d’argent dans les différents secteurs de développement qu’il pilote, tout le monde peut partager cette vision populaire. Le wali est omnipotent. Ses décisions sont quasi irrémédiables, sa diligence peut changer le quotidien de communes entières à travers le vaste territoire national.
Ses erreurs ou ses fautes en sont tout autant lourdes pour l’avenir des populations. C’est pourquoi, sa gestion mérite un audit et un contrôle réguliers, un peu plus crédibles que ceux faussement exercés par les Assemblées populaires de wilaya, composées trop souvent d’élus parasites inféodés à l’administration locale.
Chut…
Or, depuis que ces « préfets algériens » détiennent tant de pouvoirs, dont trop d’entre eux ont abusé, les successeurs prennent les commandes, constatent les écarts évidents à la réglementation ou au bon sens, et s’arrangent pour s’en laver les mains. En confiant le linge sale à la hiérarchie dans la discrétion la plus absolue.
Raison d’Etat ou contrainte politique, cette pratique corporatiste a fini, au fil des années, par mettre mal à l’aise une nouvelle génération de cadres effrayés par les scandales et la liberté de la presse qui traque, tant bien que mal, les malversations dans la haute sphère. Du coup, nombre de dossiers d’intérêt public sont bloqués parce que des dysfonctionnements inavouables les ont pollués.
Le préjudice est parfois si grave que des projets de développement sont annulés avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer sur la stabilité du pays. Malheureusement, mis à part quelques cas de sanctions silencieuses, aucune mesure n’a jamais été prise contre les walis indélicats et leurs fautes sont traînées comme des boulets par l’administration centrale mille fois trahie par ses enfants de confiance.
Chape de plomb
Il y a eu, certes, des cas de poursuites judiciaires contre des « patrons » de wilaya, comme ce fut le cas de l’ex-premier homme de la wilaya de Blida, le wali Mohamed Bouricha, dont le procès dure encore au niveau de la Cour suprême. D’autres appels à la barre où le wali répond de la responsabilité des pouvoirs publics face à des plaignants privés ou des citoyens qui se sont sentis lésés.
Par contre, on peut regretter l’omerta qui pèse sur l’institution dans les 48 wilayas. Point d’auto-critique ni de dénonciation salutaire d’erreurs ou de fautes de gestions. A croire que les walis sont des cadres irréprochables quand la démocratie autorise l’opinion publique à évaluer les résultats des ministres ou du président de la République !
Une opinion publique comptant sur l’intégrité de certains cadres contre l’absence de scrupule de leurs confrères. Les révélations de l’ex-wali de Boumerdès, actuellement en poste à Tizi Ouzou, sur le détournement d’assiettes foncières resteront dans les annales.
La bravoure n’a cependant visé que quelques-uns de ses subalternes et, s’il avait cautionné ces actes mafieux, gageons que personne de son entourage n’aurait pensé à le dénoncer. Pas même son successeur. Il en est ainsi en Algérie de nos jours, les walis entretiennent la chape de plomb qui couvre leur gestion. Pas étonnant que le développement attendu tarde à voir le jour.
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