La filière mathématiques n’attire plus les élèves

Les élèves fuient de plus en plus les mathématiques. Depuis des années, cette matière ne séduit plus. Au contraire, elle constitue la bête noire des élèves et leurs mauvais résultats en témoignent.
Trop « compliquées et difficiles » pour beaucoup d’élèves, les mathématiques font l’objet d’un désintérêt inquiétant. Défaut d’intelligence chez les apprenants ou faille dans l’enseignement, réconcilier les élèves avec cette discipline constitue une nécessité dictée par les développements technologiques. Comment trouver du sens à cette matière axée sur le raisonnement ? Quelle méthode adopter pour apprendre à apprécier cette discipline ?
Nadia Azrou, enseignante et chercheuse en didactique des mathématiques, a réalisé une étude nationale sur l’enseignement des mathématiques, dans laquelle elle a évoqué les points faibles et les difficultés d’apprentissage qu’éprouvent les élèves des trois paliers de l’éducation nationale dans cette matière.
Approchée par le Jeune Indépendant lors du séminaire de restitution de la première phase du programme d’appui à une éducation de qualité en Algérie, organisé par l’Unesco en partenariat avec le ministère de l’Education nationale et la délégation de l’Union européenne, Mme Azrou explique qu’à travers son étude, elle a fait un état des lieux décrivant la difficulté qu’a le secteur à intéresser les apprenants à une matière qu’ils ont fini par « ni aimer ni maîtriser ».
Un constat qui n’étonne pas Bachir Hakem, pédagogue et ancien professeur de mathématiques. Il considère que les mathématiques sont la base de toutes les connaissances qui demandent concentration et patience, mais aussi de l’amour.
Contacté par le Jeune Indépendant, M. Hakem estime que le principal handicap réside surtout dans la façon d’enseigner les mathématiques, depuis l’école primaire où l’on doit faire aimer cette matière aux élèves.
« Tout se joue au cycle primaire car l’amour des mathématiques commence à ce stade-là, où les mathématiques s’apprennent par des jeux. Ce sont les activités ludiques qui préparent l’enfant à l’apprentissage des mathématiques pour les autres cycles », a-t-il affirmé, avant d’ajouter que l’élève doit être récompensé par des félicitations et des avantages tels que des excursions pour les meilleurs élèves.
Selon le pédagogue, connaître les mathématiques n’est pas un don, ça s’apprend et ça se développe. Cela demande une confiance en soi et tout cela s’acquiert au primaire.
En ce qui concerne les raisons derrière ce désamour pour la matière, Bachir Hakem explique que, souvent, les élèves commencent à haïr les mathématiques à cause de l’enseignant qui, à leurs yeux, est la plupart du temps vu comme « très strict ». Raison pour laquelle M. Hakem demande à ce que le prof de maths ait les moyens nécessaires pour faire aimer aux élèves la matière.
Pour que l’élève ait une meilleure appréciation de son enseignant, ce dernier doit avoir l’occasion de participer aux excursions et en être responsable, participer aux loisirs scolaires tels que le théâtre, le ciné-club et les rencontres sportives.
C’est une manière, estime-t-il, de pousser les élèves à aimer leur prof de maths et, par-là même, la matière. « Mais tout ça commence au primaire pour que l’élève voie d’une autre manière son prof de maths », a-t-il insisté, soulignant, cependant, que l’enseignant qui a 40 élèves par classe ne peut changer la manière d’enseigner les maths et n’a pas le temps de penser à une méthode à même d’attirer ses élèves. Il est toujours, ajoute-t-il, dans une course contre la montre pour terminer son programme.
Pour Bachir Hakem, le problème de l’enseignement des mathématiques est connu. Il s’agit du programme, de la méthode et d’enseignants sans moyens financiers et pédagogiques.
Pour faire aimer les maths, il faut, suggère-t-il, aménager l’horaire de certaines matières et augmenter son coefficient. « Par exemple, les maths peuvent être enseignées tous les jours pendant 1 h, tout en enseignant d’autres matières », indique-t-il.
Le pédagogue tient à rappeler que tous les ministres qui se sont succédé ont souhaité que les élèves optent davantage pour les mathématiques. Selon lui, pour réconcilier les élèves avec cette branche, il faut opter pour la création de grandes écoles en Algérie aux fins de permettre aux bacheliers de cette branche d’avoir plus de choix.
Parmi les mesures permettant de valoriser cette filière, M. Hakem suggère d’abord l’orientation, de manière pédagogique, des élèves, et ce dès la 1 AS mathématiques, comme auparavant, puis les filtrer en 2 AS et augmenter le volume horaire des matières mathématiques et physique, et faire de l’anglais une matière essentielle.
Nécessité d’une formation continue des enseignants
L’étude menée par Mme Azrou a été réalisée au niveau de 33 établissements, répartis sur 9 villes du pays. « Tous les élèves rencontrés lors de la réalisation de l’étude étaient unanimes à qualifier les mathématiques de difficiles et compliquées », regrette-t-elle.
Beaucoup d’élèves, faut-il le souligner, bloquent face aux mathématiques et finissent par rejeter cette matière. Mais d’où proviennent ces blocages ?
A travers l’étude en question, la pédagogue a relevé plusieurs faiblesses, entre autres les méthodes d’évaluation actuelles qui ne reflètent pas réellement le niveau de l’élève en termes de prérequis. « Les élèves peuvent avoir une bonne moyenne générale grâce aux notes des matières de mémorisation, ce qui favorise le passage de l’élève au niveau supérieur, tout en cumulant des prérequis faibles. Ces notes induisent des erreurs d’orientation au cycle secondaire, ce qui accentue la désaffectation en mathématiques », explique Mme Azrou.
L’autre point relevé par l’étude concerne l’orientation universitaire, expliquant que les matheux ayant une bonne moyenne au bac choisissent généralement d’étudier médecine à l’université, à défaut d’autres filières plus adaptées à leur domaine de compétences.
« Si les élèves ne se spécialisent pas en maths dès le lycée, c’est parce qu’ils se retrouvent à l’université dans des spécialités auxquelles ils pouvaient accéder avec un bac en sciences », ajoute-t-elle.
L’étude en question relève aussi l’urgence de la formation continue, surtout que certains enseignants interrogés lors de l’enquête disent ne pas assimiler entièrement le concept de « l’approche par compétence ».
L’autre problème soulevé par l’étude, ajoute encore Mme Azrou, est celui de la programmation de la matière dans des horaires où l’élève est moins concentré, souvent entre 14 h et 15 h, en plus du programme jugé trop chargé.
Il convient de souligner que le ministre de l’Education nationale, Abdelhakim Belabed, avait, à plusieurs reprises, souligné l’importance d’encourager les élèves à opter pour les filières mathématiques et maths techniques, « très prometteuses en matière de débouchés ». Des efforts sont consentis de la part des pouvoirs publics pour améliorer la qualité de l’enseignement de cette discipline dans le cadre, notamment, du programme d’appui à une éducation de qualité en Algérie, initié par l’Unesco, en partenariat avec le ministère de l’Education nationale et la délégation de l’Union européenne.
De ce fait, il est question d’améliorer la formation des enseignants en entamant un programme de formation au profit de 150 inspecteurs en mathématiques. L’autre objectif est d’améliorer l’attractivité de cette matière pour attirer les élèves vers cette discipline. Pour ce faire, des laboratoires des mathématiques seront mis en place prochainement au niveau des cycles moyen et secondaire. Il est question également de créer des clubs de maths au niveau des établissements scolaires.
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