La paix en sursis dans la région: Mali nouvelle poudrière du Sahel ?
La dénonciation par Bamako de l’Accord d’Alger est une véritable déclaration de guerre contre sa propre population avec un risque avéré de la reprise de la guerre civile entre le gouvernement malien et les populations du Nord du pays qui s’estiment lésés dans les mécanismes de gouvernance sur le plan local et national.
La maladresse de la démarche du colonel Assimi Goïta et de ses camarades, qui gargarisent le peuple malien avec un discours aux relents souverainistes, et de s’être attaquer frontalement à l’Algérie. Ce qui fait dire aux observateurs des relations algéro-maliennes que Bamako agit en Etat proxy en faveur de la stratégie de trois pays : le Maroc, les Emirats arabes unis et l’entité sioniste.
Le dernier communiqué des autorités maliennes est un contre-sens absolu. En voulant accuser l’Algérie d’être derrière la déstabilisation du pays en accueillant ou en recevant des groupes et des personnalités maliennes, Bamako désinforme en réalité son opinion publique et l’opinion internationale.
L’Algérie qui s’est impliquée depuis 1990 dans la recherche de la paix chez son voisin du Sud l’a fait en sa qualité de facilitateur d’un dialogue entre les autorités maliennes et les groupes rebelles Touaregs. Et à chaque fois que le Mali était en difficulté, il a fait appel à l’Algérie pour tenter de trouver des solutions à un problème endémique de gouvernance et d’équilibre territorial entre le Nord et le Sud.
Déjà en 1992 et en 2006, l’Algérie a été le principal médiateur entre Bamako et les rebelles Touaregs, et c’est donc tout à fait normal et naturel qu’elle s’implique en tant que chef de file de la médiation internationale pour aboutir aux Accords d’Alger de 2015, lesquels accords ont été unilatéralement dénoncés avec effet immédiat par les Maliens le 25 janvier dernier.
Une feuille de route concertée ?
Et la démarche malienne obéit à une feuille de route très claire. Les changements anticonstitutionnels au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont conduit les pouvoirs en place à vouloir légitimer leur existence à travers une rhétorique dont le narratif principal est la souveraineté nationale.
Ce néo-souverainisme s’est répercuté dans les faits sur l’adoption d’une nouvelle constitution au Mali qui n’intègre pas le Processus d’Alger comme voie de sortie de crise du pays, la dénonciation de la coopération avec la France, malgré la justesse de vue concernant la dénonciation de la Françafrique, le renvoi de la Minusma, outil onusien pour accompagner l’application sur le terrain des Accords d’Alger, et enfin la dénonciation ubuesque des dits Accords doublée d’une accusation gratuite contre l’Algérie.
En réalité, le Mali et ses partenaires nigérien et burkinabé, qui en septembre 2023 ont formé l’Alliance des Etats du Sahel (AES), miroitent ces épouvantails pour engranger un élan de soutien et de sympathie au sein de leurs populations respectives. Ce n’est pas un hasard si Bamako, Niamey et Ouagadougou crient toutes les trois au loup en pointant, à chaque fois, l’ingérence étrangère, pour justifier la création de l’AES et la prise de positions néo-souverainistes de cette « union sacrée ».
Pis, les trois pays font montre de piloter des transitions vers le retour à la légitimité populaire alors que dans les faits c’est une véritable consolidation autocratique qui s’opère autour de personnages obscurs sans visions politiques qui se présentent comme des visionnaires patriotes de la trempe de feu Thomas Sankara.
Depuis deux ans déjà, le pouvoir à Bamako a commencé à lancer des signaux de dénonciation des Accords d’Alger en refusant les initiatives de désarmement, tout en soldant leurs comptes avec les Français et la Minusma, le tout avec la reprise des hostilités dans le Nord du Mali pour reprendre pied dans des villes et des positions qui sont soit sous le contrôle des groupes rebelles signataires des Accords d’Alger, soit sous le contrôle de la Minusma. Pour ce faire, les Maliens ont recouru au concours de mercenaires étrangers.
Goïta ou la fuite en avant sécuritaire
Et pour s’assurer d’un minimum d’armement pour assoir leur stratégie, les militaires au pouvoir au Mali ont réceptionné le 4 janvier une livraison de drones de Turquie lors d’une cérémonie en présence du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta. « Les plus hautes autorités du Mali se sont orientées vers l’acquisition de matériels majeurs, dont les drones de type Bayraktar TB2 », a-t-il dit dans un discours.
De fabrication turque, les drones Bayraktar TB2 permettent de « surveiller le territoire national, de détecter des cibles suspectes, de les traquer et de les frapper au besoin avec une précision chirurgicale », a ajouté Goïta.
C’est cette militarisation de la problématique malienne qui explique entre autres les attaques multiples du gouvernement de Bamako contre l’Algérie. Celle-ci qui a toujours préconisé les solutions politiques se voit désormais répondre par le Mali que seule l’option sécuritaire et militaire prime, et que le Processus d’Alger n’est plus d’actualité. Ce qui explique la dénonciation de ce dernier c’est la militarisation croissante de la question malienne qui constitue dans le fond une violation des Accords d’Alger et un véritable casus belli.
La boite de pandore ouverte
Quid de l’instabilité induite par cette décision unilatérale et irresponsable de Goïta ? Le spectre de la reprise de la guerre civile n’est pas une menace pour la sécurité nationale algérienne uniquement, elle l’est aussi et surtout pour celle de l’Europe. L’instabilité au Sahel suscite les inquiétudes, au plus haut point, des pays européens en raison des risques terroristes, des flux migratoires ainsi que le trafic transfrontalier en tout genre.
L’épisode des migrants venus de Tunisie il y a quelques mois est révélateur des craintes existentielles des Européens face au triptyque : criminalité, terrorisme, migration. Bamako, avec son jeu actuel, est en train de menacer indirectement l’Union européenne.
Quant à la menace terrorisme que le discours officiel malien présente comme vaincue, les faits sur le terrain apportent un démenti cinglant à ce narratif. Conscrit initialement dans le Nord du pays, ce phénomène est en train de grignoter le centre et le triangle du Liptako-Gourma à cheval entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Pour les analystes, la boite de pandore a été ouverte sur deux fronts : celui du terrorisme extrémiste, avec la multiplication des attentats du JNIM, d’AQMI et de l’EIGS, et les rapports internationaux en témoignent, et celui de la rébellion Touaregs de l’Azawad qui, ce qui est fort probable, ne restera pas les bras croisés face à cette dérive belliciste de Bamako qui les présente désormais comme des groupes terroristes.
Le jeu trouble des autorités de Bamako risque de lui couter cher, notamment avec les institutions internationales. En effet, durant toute la période de transition issue des Accords d’Alger, l’Onu a injecté pas moins de 1.2 milliards de dollars par an.
Les responsabilités de la communauté internationale
Autre jeu trouble des Maliens, c’est leurs assurances sans cesse répétées à l’adresse de l’Algérie quant à la volonté et la sincérité de leur démarche dans l’application des Accords d’Alger. Chimères dénoncées par l’hystérie de Bamako après la visite en Algérie de plusieurs leaders signataires des accords de paix et également du prédicateur, l’imam Dicko, reçu par le président Tebboune.
Les Maliens feignent oublier que l’Algérie a toujours été à équidistance entre tous les protagonistes du conflit malien pour peu qu’ils ne soient pas des groupes terroristes takfiristes. Les partenaires maliens reçu en Algérie sont tous signataires des Accords d’Alger, donc partie prenante de la solution, qui ont été rassuré par les Algériens quant à l’avenir des Accords de paix avant que Bamako ne fasse volteface et les dénonce.
Que qu’il en soit, le reniement de Goïta qui indique une conjonction d’intérêts entre sept pays dans la région du Sahel notamment le Maroc, les Emirats arabes unis et l’entité sioniste doit être appréhender sous l’aune des institutions internationales, elles-mêmes garantes des Accords de paix.
L’Onu, l’Union africaine et l’Union européenne pourront prendre leurs responsabilités pour obliger le Mali à respecter ses engagements. L’Algérie qui siège au Conseil de sécurité de l’Onu aura sans aucun doute son mot à dire, elle qui n’a jamais monnayé l’intégrité, ni la stabilité ou la sécurité du Mali et du peuple malien contrairement à d’autres acteurs troubles et surtout mauvais conseilleurs.