Mali : De «l’impasse du processus d’Alger»

Alors que le gouvernement d’IBK entendait, samedi dernier, associer toutes « les forces vives de la Nation » pour relancer le dialogue d’Alger mis en péril par la dégradation sécuritaire dans le nord du Mali, l’opposition adresse une fin de non recevoir au pouvoir en place : Boycott de la concertation du 7 février et réunion d’urgence des grosses cylindrées parmi les partis politiques, en plus de personnalités de la classe politique bamakoise qui ont rendu un communiqué virulent. A l’encontre de la démarche du gouvernement et contre le document d’Alger portant projet d’accord de paix durable au Mali. Voilà une montée au créneau qui vient rajouter de la difficulté à l’exercice déjà ardu de la médiation.
Climat de putsch
« Le Mali est au bord de la guerre civile intercommunautaire et interethnique sur fond d’enjeux colossaux liés à l’économie criminelle, notamment au trafic de drogue. Au lieu d’en prendre conscience et d’agir en conséquence, le président de la République, dont la responsabilité est entière dans l’affaiblissement de l’État et du Mali, l’impasse du dialogue inter-malien et la détérioration de la situation au Nord, continue la même politique de fuite en avant.
Les partis de l’opposition républicaine le tiennent pour responsable de toutes les conséquences de la grave situation qui prévaut au Nord, et réaffirment leur détermination à défendre l’intégrité du territoire, l’unité nationale, la forme laïque et républicaine de l’Etat » peut-on lire dans le communiqué cinglant de l’opposition cosigné par nombre de formations*.
Les mots sont durs et fragilisent la stabilité retrouvée péniblement dans la gouvernance au sud du pays, après le coup d’Etat de Mars 2012 et après une période de transition sous l’occupation des groupes terroristes et une intervention militaire française. Dégradation de la situation au Nord, déchirements politiques au Sud, remake de la crise qui vit le capitaine putschiste Sanogo monter sur Koulouba, siège de la Présidence malienne.
A cette époque, les accusations de trahison fusaient d’un peu partout et ont encouragé les aventuriers de Kati, la ville garnison dans la périphérie de Bamako, à en découdre avec le pouvoir d’Amadou Toumani Touré, l’ex-chef des parachutistes finalement renversé. Aujourd’hui, c’est le dialogue avec les rebelles, qui se tient à Alger, sous l’égide des Nations unies, qui provoque la tension. Les opposants déclarent craindre pour l’unité et l’intégrité territoriale de leur pays.
Récupération politicienne
En fait, il semblerait que les politiques remontés contre Ibrahim Boubakar Keita, sur nombre de dossiers de la politique nationale, aient trouvé l’occasion de manifester leur ras-le-bol à propos de leur marginalisation. « Un tel comportement (du gouvernement-NDLR) est incompréhensible et inacceptable notamment dans le contexte d’aggravation sans précédent de la situation au Nord, et d’impasse du processus d’Alger », ajoutent les frondeurs qui viennent exprimer une opinion malheureusement répandue à Bamako et dans le sud du pays en général.
L’idée que les pourparlers avec les « rebelles » se font au détriment des autres Maliens et de la République. En ce sens, la protestation de la classe politique non acquise à la majorité présidentielle s’impose aussi comme une réponse à la dernière résolution onusienne intimant à toutes les parties de reprendre le dialogue et de consentir au compromis.
Double tranchant
Pour l’heure, aucune réaction officielle n’a pris acte du tollé de l’opposition du côté du gouvernement. Le communiqué de la primature s’étant « réjoui de l’appel du Conseil de sécurité en faveur de la reprise, sans délai, des pourparlers inclusifs inter maliens entamés à Alger avec la participation effective des premiers responsables des mouvements, en vue de parvenir rapidement à un accord de paix global et sans exclusive. »
Cependant, des échos de coulisses en marge des négociations, à Alger, laissent entendre que la délégation gouvernementale malienne est, elle aussi, traversée par ces tiraillements quant à l’appréciation du contenu du préaccord soumis aux parties comme premier jet.
Craintes des réactions à Bamako et bicéphalisme du gouvernement sur ce dossier, comme nous le supposions dans une édition précédente du Jeune Indépendant.
Ainsi, la montée au créneau de l’opposition pourrait bien arranger IBK, sommé par le Conseil de sécurité, à l’instar des groupes politico-militaires, de mettre un peu plus de conviction dans la rédaction d’un accord de paix définitif. Le président malien saura renvoyer la médiation aux conséquences de « trop de compromis ».
Quand la rumeur « de trahison » se répand à Bamako, il y a de fortes chances pour que le pays « soit mélangé » comme le dit une expression locale pour signifier le pire. Nous y reviendrons.
*Il s’agit des formations suivantes : FARES-An ka wuli, FCD, PARENA, AFP, PDES, PIDS, PRVM-Fasoko, PS-Yeelenkura, PSP, URD
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