Louisa Dris-Aït Hamadouche: « L’article 102 ne signifie pas changement du système »
Louisa Dris-Aït Hamadouche maître de conférences à la faculté des sciences politiques et des relations internationales à Alger 3, donne, dans cet entretien au Jeune Indépendant, un éclairage sur l’appel de Vice-Ministre de la défense Ahmed Gaid Salah à l’application de l’article 102 de la Constitution consacrant une vacance de la présidence.
Le Jeune Indépendant : L’annonce de Gaid Salah d’appliquer l’article 102 est-elle la bonne solution à la crise ?
Je pense que l’annonce faite par le chef d’état-major de l’armée nous amène à plusieurs observations. Premièrement, elle n’obéit pas à la Constitution. Elle n’aurait pas dû provenir de l’armée mais du Conseil constitutionnel, comme cela est contenu dans la Loi fondamentale du pays, dans son article 102. La Constitution ne confère pas cela à l’ANP.
Que se passera-t-il donc si cette annonce se matérialise sur le terrain ?
Il y aura immanquablement un problème. La deuxième observation à relever, en effet, concerne la nationalité d’origine du président du Sénat, Abdelkader Bensalah. Si l’article 102 est appliqué, cela suppose qu’on ira à une présidence par intérim de 90 jours à la tête de laquelle il y aura Abdelkader Bensalah. Il sera donc le chef d’Etat pendant trois mois, alors que la Constitution interdit ce cas de figure. M. Bensalah est marocain d’origine. La Constitution oblige le chef de l’Etat, même pour 90 jours, d’être de nationalité algérienne de naissance. Ces deux problèmes que je viens de citer sont d’ordre juridique.
Et au niveau politique que signifie cette annonce ?
J’estime qu’on n’a rien apporté de nouveau dans la mesure où les partis politiques n’ont jamais cessé d’appeler à l’application de l’article 88, le même que l’article 102 avant le changement de la Constitution en 2016. L’opposition, comme le peuple qui occupe la rue, ne demandent plus l’application de l’article 102. Je crois que c’est dépassé. Pour la simple raison que le « 102 » suggère le départ du Président car étant dans l’incapacité d’exercer ses fonctions. Cela signifie que le « 102 » se limitera à régler le problème d’une personne. En l’occurrence celle du président Bouteflika.
Vous voulez dire que le personnel politique ne partira pas ?
Je parle plutôt du système politique qui perdurera inéluctablement. Alors que peuple et opposition exigent un changement radical de tout le système. En somme, en recourant à cette option du « 102 », on réduira une crise politique à une crise de personne. La troisième observation, s’il en est, aller à l’article 102 signifiera le rejet d’une transition demandée par le peuple. L’esprit de cette annonce est le même que celui de la lettre du 11 mars. Les deux cas permettront au système politique de s’inscrire dans la durée.