Logique financière ou prétexte politique ?
Née à Tunis en décembre 1961, l’Agence de presse algérienne est un pur enfant de la guerre de libération. Rapidement, le média prit de l’envergure et de l’importance, alors que la Révolution algérienne était à son apogée sur le plan de la solidarité internationale.
Le contexte de l’époque, marquée par une déferlante de la décolonisation, la montée des nationalismes et une vague d’indépendances des pays colonisés dans l’hémisphère sud de la planète, a servi les agenciers pionniers de l’APS. A quelques mois des accords d’Evian et du cessez-le-feu, ainsi que du référendum d’autodétermination, l’agence était presque devenue un instrument et un levier indispensable dans le secteur de la communication et de la diffusion instantanée de l’information. Elle devint ainsi le porte-drapeau de la Révolution sur la scène médiatique mondiale.
Mais son véritable essor commença vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, alors que le pays vivait une effervescence socialiste et altermondialiste. A l’image de la diplomatie du pays, l’APS devait accompagner cette politique internationale. C’est ainsi que le pouvoir de l’époque a décidé de créer une vingtaine de bureaux de cette agence, un peu partout dans le monde. Ne lésinant pas sur les moyens, le gouvernement de l’époque offrit des moyens considérables humains et financiers à l’installation de ces bureaux. Le choix des sites ne fut guère fortuit, puisqu’on ouvrit des bureaux dans des capitales selon des critères précis. Entre 1975 et 1985, l’APS était représentée à Paris, à Bruxelles ( capitale européenne), à Londres, à Madrid, à Rome, à Moscou, à Washington, au Caire, à Amman, à Beyrouth, à Tunis, à Rabat, à Dakar. Il y avait même un bureau dans la capitale du Zimbabwé, Hararé. Des bureaux qui furent très animés par des journalistes chevronnés et surtout politisés à l’extrême.
Dignes représentants du pays, ces journalistes professionnels étaient presque dans la peau des diplomates, obligés de faire valoir, en plus du métier de collecte de l’information, de son traitement et de sa diffusion, des idées et des principes de notre Révolution. Un bureau de l’APS à l’étranger était presque l’interface d’une ambassade. On était sûr que la voix de l’Algérie, sur les plans médiatique et intellectuel, était omniprésente sur la scène internationale. Au plus fort moment des crises régionales et mondiales, ces bureaux de l’APS étaient plus indiqués à répercuter le point de vue national et patriotique. Les meilleures plumes de la presse nationale, certaines versées dans la retraite administrative, continuent d’exercer dans des quotidiens nationaux, ont fréquenté et animé ces bureaux durant des années, le temps d’un « mandat » professionnel ou d’une affectation.
Or, depuis une dizaine d’années, ce réseau s’effiloche et perd de son envergure. Raison financière ou prétexte politique, l’APS a commencé à fermer timidement un à un ces bureaux. La logique économique venait de prendre le dessus sur l’aspect « marketing et image du pays ». Devenue EPIC, entreprise à caractère industriel et commercial, l’APS ne pouvait que défendre ce statut de service public, ses missions et la spécificité de son « monopole d’information générale ». N’ayant plus les dotations budgétaires qu’il faut, l’APS est ensuite reléguée dans l’échelle des préoccupations des pouvoirs publics.
Il y a quelques temps, le ministre de la Communication a plaidé pour la création de nouveaux instruments et organes médiatiques publics, chargés justement de défendre l’image du pays et de promouvoir ses principes, ses idéaux et ses points de vue. Ce ministre pense que dans le monde actuel, devenu complexe par le flot des informations instantanées sur le Net, à la télé ou à travers l’Internet 4G, la voix de l’Algérie risque bien de disparaître, noyée et noyautée par un flux continu d’infos, dont on ne connaît ni sa part de propagande ni sa part de l’intox. Le hic, c’est que le ministre n’a point cru utile de relancer le projet de ces bureaux fermés ou leur redéploiement, préférant plutôt miser sur un obscur « projet d’une chaîne de télévision publique », sur le modèle de France 24. Un projet qui risque de ne plus voir le jour en raison de la baisse des recettes pétrolières.