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Monde Europe

L’Occident se décompose à cause de l’Ukraine

L’Occident se décompose à cause de l’Ukraine

L’Occident impérial est-il en train de craquer en de nombreux pays ? La présidence Biden aux Etats-Unis et ses nombreux ratés, la déconfiture de Boris Johnson au Royaume-Uni, la fragilité politique d’Emmanuel Macron après la montée historique des extrêmes aux législatives de juin dernier, les manifestations aux Pays-Bas, en Italie et en Pologne, la crise énergétique en Allemagne et l’assassinat de l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe, sont autant de faits qui corroborent l’hypothèse d’un chant de signe qui risque d’être lent et irréductible.

D’ailleurs, l’essayiste français Jacques Attali parle de six signes du chaos à venir. Signe avant-coureur, l’euro est, ces derniers jours, à son plus bas niveau jamais atteint face au dollar.

Ainsi, la crise ukrainienne a précipité une déchéance amorcée depuis la fin de la Guerre froide. Confronté à la montée en puissance des BRICS et du Sud Global, le modèle libéral occidental montre de plus en plus ses limites. Les populations européennes investissent les rues si elles ne plébiscitent pas les extrêmes.

Depuis le 4 juillet, plusieurs pays européens, comme l’Italie, les Pays-Bas ou encore la Pologne, connaissent une vague protestataire émanant du monde agricole, dans un contexte particulièrement rude marqué par une hausse généralisée des prix et la mise en place de mesures visant à endiguer le changement climatique, et les retombées des sanctions unilatérales imposées à la Russie.

Aux Pays-Bas, les agriculteurs ont déferlés dans les rues afin de protester contre un plan gouvernemental prévoyant la réduction des émissions d’azote. Les actions coup de poing ont été spectaculaires. Les forces de l’ordre ont notamment fait usage de leurs armes de service le 5 juillet, lors d’un rassemblement dans le nord du pays, à Heerenveen. Des supermarchés ont été bloqués, ainsi que leurs chaînes de distribution. Selon plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux, des agriculteurs néerlandais auraient mené une opération de blocage à la frontière avec l’Allemagne.

En Italie, dont la partie nord est frappée par la sécheresse, les agriculteurs se sont mobilisés pour dénoncer la spéculation sur les denrées alimentaires et la flambée des prix qui, selon eux, en découle. En Calabre, un important cortège de tracteurs a ainsi défilé dans la région sous la houlette du jeune Mouvement Territoire et Agriculture, a rapporté le Corriere della Calabria le 6 juillet.

« Nous ne sommes pas des esclaves »
Les agriculteurs italiens étaient, semble-t-il, en train de se regrouper au volant de tracteurs pour crier eux aussi leur colère et leur désarroi.
« Nous ne sommes pas des esclaves, nous sommes des agriculteurs ! Nous ne pouvons pas joindre les deux bouts », un slogan repris en chœur par les agriculteurs qui ont menacé de converger vers Rome si des mesures n’étaient pas prises rapidement.

Le parti souverainiste Ancora Italia s’est félicité de la mobilisation des agriculteurs italiens. «L’injustifiable augmentation des prix des matières premières et des biens de première nécessité – fruits des choix politiques scélérats et bellicistes de ce gouvernement (celui de Mario Draghi, ndlr) – est en train de mettre à genoux nos agriculteurs», a écrit le parti sur son compte Twitter.

A Varsovie, une manifestation a eu lieu le 7 juillet devant le ministère de l’Agriculture. Ainsi qu’annoncée par la presse locale, la mobilisation dénonçait l’inflation liée à «l’importation incontrôlée» de céréales et d’autres denrées depuis l’Ukraine. Cité par l’hebdomadaire Do Rzeczy, le mouvement politique agraire conservateur AGROunion estime en effet que le stockage en Pologne de céréales ukrainiennes serait à l’origine d’une «déstabilisation des marchés céréaliers» et participerait aux difficultés rencontrées par les agriculteurs polonais qui peinent à «vendre et à stocker leurs récoltes».

L’Europe en pleine crise ne trouve pas les ressorts de sa résilience. La montée en puissance des contestations populaires et des sirènes du populisme coïncident avec l’importante inflation que connait les pays membres de la zone euro alors que la monnaie unique a récemment atteint son plus bas niveau, depuis deux décennies, face au dollar américain.

Les BRICS font de la résistance
Les sommets du G7 en Bavière (Allemagne), de l’Otan à Madrid et du G20 à Bali (Indonésie) ont formalisés cette impuissance occidentale amorcée avec la pandémie du Covid-19 et confirmée par la crise ukrainienne. Les BRICS et le Sud Global tiennent désormais tête à un Occident impérial ou plutôt post-impérial. Le sommet virtuel des BRICS+ auquel a participé l’Algérie, met sur pied les fondations de nouveaux paradigmes régissant les relations internationales et basés notamment sur le respect de la souveraineté des Etats, de leurs choix économiques et politiques ainsi que de leur non alignement sur les anciennes puissances coloniales.

Autre signe d’une tempête qui s’annonce, l’euro est à son plus bas niveau depuis son lancement en 2002. En effet, un euro équivalait à moins d’un dollar, mercredi dernier, un seuil qui n’avait jamais été atteint depuis la mise en circulation de la monnaie unique européenne il y a vingt ans. Pendant que les investisseurs misent sur le billet vert, le marché redoute une crise énergétique majeure en Europe, conséquence des relations distendues avec la Russie.

«La zone euro se retrouve aux premières loges et est directement impactée par le conflit d’un point de vue énergétique, ce qui a un impact négatif sur sa balance commerciale», explique Rémi Bourgeot, économiste et chercheur associé à l’Iris. Face à la forte dépendance de nombreuses économies européennes aux hydrocarbures russes, le dollar a au contraire tiré son épingle du jeu et a gagné près de 14 % de valeur depuis le début de l’année.

Et les temps promettent d’être plus dure dans l’avenir. Pour l’essayiste français Jacques Attali, il ne faut aucun doute, une sorte de nouvelle barbarie déferlera sur l’Europe et les Etats-Unis. Dans un texte intitulé «Vers le chaos, en 6 étapes», Attali écrit «il faudrait être le dernier des aveugles pour ne pas voir que la structure même des institutions démocratiques est en train de craquer dans de très nombreux pays ; et en particulier dans les plus riches», sous-entendu, les pays occidentaux.

Selon lui, la marche de l’Histoire est inéluctable : «les démocraties foncent vers le chaos en six étapes». Les trois premières : exacerbation, manifestations, délégitimation concernent les peuples qui bougent et investissent les rues et sanctionnent les pouvoirs lors des élections. Ces étapes sont bien entamées dans de nombreux pays. Les trois dernières : désorganisation, révolution et contre-révolution sont à prévoir dans un avenir proche. L’ancien conseiller de François Mitterrand explique comment les démocraties européennes peuvent se transformer en régimes autoritaires.

Aussi sombres soient-elles, les prévisions de Jacques Attali ont de fortes chances d’être une réalité dans un moment d’égarement des élites au pouvoir. L’histoire retiendra que seule une rupture civilisationnelle avec les paradigmes et postulats occidentaux peut constituer une réponse salutaire à des dérives qui n’ont que trop duré.



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