L’eurodéputée Patricia Lalonde contrainte à la démission
S’il existe encore aujourd’hui un petit doute sur le travail de lobbying mené et pratiqué par le Maroc au sein des institutions internationales (UE, Etats-Unis et organismes dépendant de l’ONU) contre espèces sonnantes et trébuchantes, le monde est aujourd’hui saisi par cette implication de l’eurodéputée française Patricia Lalonde, prise en flagrant délit de lobbying en faveur du Maroc sur le dossier du Sahara occidental. Un dossier explosif à plus d’un titre. En plus de ses déboires diplomatiques le Maroc vient de perdre un soutien de taille. En tant que rapporteur sur le dossier, l’eurodéputée Lalonde a dirigé une délégation de la commission INTA dans le territoire occupé les 3 et 4 septembre 2018. Elle a ensuite présenté un rapport de mission sur le voyage. Le 18 octobre, WSRW publiait que le rapport de mission de Lalonde était biaisé au profit du Maroc.
WSRW a également démontré que la délégation dirigée par Lalonde dans le territoire occupé « était très controversée », dans la mesure où elle avait passé presque tout son temps à « rencontrer les intérêts marocains » et que Lalonde elle-même avait déjà exprimé son soutien à un nouvel accord commercial devant les médias marocains dès le premier jour du voyage de la délégation, « sans même avoir rencontré les Sahraouis ». Le 6 décembre, une enquête a été ouverte sur Lalonde et trois autres députés sur d’éventuelles infractions au code de conduite du Parlement. Le code exige que les députés « rendent public, avant de s’exprimer ou de voter en séance plénière ou au sein des organes du Parlement, ou lorsqu’ils sont proposés comme rapporteurs, tout conflit d’intérêts réel ou potentiel compte tenu de la question examinée », que la participation ou l’activité en question « que celles-ci soient rémunérées ou non ». L’eurodéputée Patricia Lalonde était interrogée sur Radio Pluriel par ce qui semble être un journaliste marocain. Interview du 18 novembre 2018 : « Nous étions dans le Sud […] ce qu’on appelle les provinces du sud. Tout le problème du Sahara occidental ça ne va pas être résolu par le Parlement européen.
Je n’ai pas été de l’autre côté du mur, je n’ai été que dans les provinces autonomes du Maroc. Il y a le problème du consentement des populations mais vous savez, quand vous avez du travail et que vous pouvez bénéficier du revenu du développement économique, en général les populations sont contentes. » Dans l’interview radio, Lalonde ne parle pas du « peuple » du Sahara occidental, comme le fait la cour, mais de « populations », un concept très différent. Lalonde chante les louanges du développement économique du Maroc et l’utilise comme argument en faveur d’un nouvel accord. Les termes « provinces du sud » sont utilisés plusieurs fois. Ni l’UE ni l’ONU n’utilisent un tel terme. Seul le Maroc le fait. De fait Lalonde a été contrainte de présenter sa démission quelques heures avant la présentation de son rapport à la commission du commerce international du Parlement européen (INTA). Une enquête interne du Parlement européen a été lancée sur d’éventuelles
infractions au code de conduite. La gauche et les Verts ont refusé de voter la résolution au sein de la commission INTA, estimant que la démission de Patricia Lalonde « prouve bien qu’il y a eu un flagrant délit et que, par conséquent, tout son rapport est frappé du sceau de la partialité et devrait être revu ».
Patricia Lalonde, rapporteur du Parlement européen (PE), était chargée du dossier de renégociation de l’accord commercial Union européenne-Maroc. Sa qualité de membre du Conseil d’administration de la fondation, a créé une situation de conflit d’intérêts. De nombreux députés et organisations non gouvernementales s’étaient, dès lors, interrogés sur la « légitimité » et le « rôle » de cette parlementaire qui s’était déjà distinguée par sa « partialité ». Dans une enquête exclusive, le site Eurobserver avait rapporté, avec documents officiels à l’appui, l’existence de liens entre le rapporteur de la commission du commerce international du Parlement européen et des groupes pro-marocains, notamment avec la Fondation EuroMedA, une organisation-écran marocaine installée dans les locaux du bureau bruxellois du cabinet de lobby Hill Knowlton Strategies, dont le principal client est l’Etat marocain.
Dénoncée par plusieurs parlementaires européens, Patricia Lalonde compte parmi les membres influents au sein de la fondation marocaine. Lors d’une mission parlementaire dans les territoires occupés, l’eurodéputée française avait évoqué des « intérêts communs forts entre le Maroc et l’UE ». « Le rôle de l’eurodéputée Patricia Lalonde en tant que membre du conseil d’administration de cette fondation soulève de sérieuses questions quant à la légitimité de la laisser continuer à exercer ses fonctions de rapporteur parlementaire », avait réagi Sara Eyckmans, présidente de Western Sahara Resource Watch (WSRW), ajoutant que son ONGONG Une organisation non gouvernementale (ONG) est une association à but non lucratif, d'intérêt public, qui ne relève ni de l'État, ni d'institutions internationales avait déjà dénoncé le rapport « partial au profit du Maroc » de Patricia Lalonde, présenté au Parlement européen.