L’Etat ira- t-il jusqu’à ignorer la charte ?
Madani Mezrag espère que le verrou que représente la charte sur la réconciliation nationale sautera pour lui permettre de rendre effective la naissance de son parti.
La réponse mi-figue mi-raisin du ministre de l’Intérieur Noureddine Bedouiau sujet de la légalisation du FARS, le parti annoncé par l’ex-chef de l’AIS Madani Mezrag ne semble pas répondre à toutes les interrogations suscitées par cette affaire. Bedouis’est contenté d’affirmer qu’il opposerait les lois de la république dans ce cas d’espèce.
Il fait référence à la loi sur les partis de 2012 en son article 5 qui dispose : « Toute personne responsable de l’instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale » et « à quiconque ayant participé à des actions terroristes et qui refuse de reconnaître sa responsabilité » de « fonder un parti politique, de prendre part à sa fondation ou de faire partie de ses organes dirigeants ».
Les deux leaders de l’ex-FIS, Abassi Madani et Ali Ben-hadj ont été empêchés, en vertu de cette loi, de continuer leurs activités politiques depuis leur sortie de prison il y a plus de dix ans.
Le premier s’est exilé à Doha au Qatar, et le second continue de provoquer l’Etat en se rendant à des manifestations publiques. Si le ministre de l’Intérieur a été évasif sur ce point,le président de la CCNDPH Me Farouk Ksentini est expéditif. Me Ksentini s’en réfère, lui, au contenu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui est supérieure, donc, à la loi sur les partis.
« Si on s’en tient aux dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, dit-il, il n’a pas le droit d’exercer une activité politique. Le texte interdit à ceux qui ont mené l’Algérie vers la tragédie (durant les années 1990) de revenir à la politique. »
Or, aujourd’hui, si les autorités ont absout les membres de l’ex-AIS de leurs crimes accepteront-ilsla création d’un parti politique dirigé par un homme qui du sang sur les mains ? Peut-on laisser ces « égarés » – terminologie emprunté au discours officiel- faire de ce parti un fonds de commerce sur le dos des citoyens blasés par une violence qui a coûté la vie à 200000 Algériens ?
Au lendemain de l’élection de Liamine Zeroual, Madani Mezrag,Mezrag a rendu public un communiqué par lequel il a appelé à une issue pacifique de la crise. C’est la rencontre de juin 2014 avec Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet à la présidence de la République, dans le cadre des consultations sur la Constitution, qui a certainement donné des ailes à Mezrag. Il a été sollicité par Ouyahia pour donner son avis sur la réforme constitutionnelle, celle qui préside au destin des Algériens.
« J’ai tué et je ne regrette rien »
En ce début d’année, le chef de l’ex-AIS s’est distingué sur le plateau de la chaîne de télévision Al-Arabiya, où il reconnaît publiquement avoir tué beaucoup d’Algériens sans éprouver le moindre regret. « Ils nous ont confisqué nos droits et nous étions dans une situation de légitime défense », a-t-il justifié, se considérant plutôt tout d’abord comme une « victime. »
« Nous avons tué ceux qui voulaient nous tuer. Nous avons pris les armes pour défendre la voix du peuple et son choix politique », a-t-il ajouté. Madani Mezragrefuse même d’être désigné par le mot repenti : « Je ne me repentirai que pour Dieu », a-t-il clamé. « Nous avons cessé les hostilités conformément à cet accord qui garantissait à tous les membres de l’AIS de recouvrer leurs droits civiques et civils, dont celui d’exercer la politique. Selon lui, « nul ne peut empêcher un courant aussi puissant de reprendre l’activité politique qu’il a exercée dans le cadre de la loi et de la Constitution ».
Pour Madani Mezrag le verrou que représente la Charte pour la paix et la réconciliation nationale devrait sauter. Sur cette question, seul le président Bouteflika peut franchir le pas et l’autoriser à exercer une activité politique.
En effet, en vertu du mandat qui lui est conféré par le référendum du 29septembre 2005 et conformément aux pouvoirs qui lui sont dévolus par laConstitution, le président de la République peut, à tout moment, prendretoutes autres mesures requises pour la mise en œuvre de la Charte pour laPaix et la réconciliation nationale, selon l’article 47. Le fera-t-il ?