Les praticiens et la loi sur les psychotropes : Plaidoyer pour la suppression des sanctions
Dans une lettre conjointe, le Syndicat national des médecins libéraux (SNML) et le Syndicat national des pharmaciens algériens agréés (SNPAA) ont saisi le président de la République pour l’annulation « pure et simple » des sanctions pénales, contenues dans la loi sur les psychotropes, à l’encontre des médecins et des pharmaciens.
Censée protéger les pharmaciens des multiples agressions auxquelles ils font face et leur permettre d’exercer dans des conditions plus sereines, la loi relative à la prévention et à la répression de l’usage et du trafic de stupéfiants et de substances psychotropes, adoptée par les deux Chambres du Parlement fin mars dernier, ne semble toutefois pas satisfaire tous les professionnels de la santé.
Il s’agit notamment des médecins exerçant dans le secteur privé et représentés par le SNML, qui rejoignent le SNPAA pour exprimer leur désapprobation, principalement au contenu de l’article 5 bis 7, qui impose le signalement immédiat des ordonnances non conformes.
« Après avoir épuisé toutes les voies de recours officielles et constaté le maintien du contenu des textes de loi concernant le projet de loi n° 04-18, relative à la prévention et à la répression de l’usage et au trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, entraînant des sanctions pénales à l’encontre des médecins et pharmaciens, le SNPAA et le SNML ont décidé de saisir le président de la République », lit-on dans la déclaration conjointe.
Les contestataires exigent l’annulation pure et simple de l’article 5 bis 7, le qualifiant de « source de conflits interprofessionnels ». Cet article, de l’avis des pharmaciens affiliés à cette organisation syndicale, risque de créer une situation de conflit entre pharmaciens et prescripteurs.
Le SNPAA, qui dit avoir bien accueilli la décision de revoir cette loi anti- psychotropes, affirme être étonné des amendements inclus dans le texte du projet de loi qui, selon lui, creusent le fossé de la confiance entre les professionnels du secteur de la santé, notamment en ce qui concerne le durcissement des peines, qui vont de 2 à 30 ans, simplement pour ne pas avoir signalé une ordonnance ou une erreur professionnelle involontaire.
C’est pour cette raison que le SNPAA souligne son refus de saisir systématiquement les autorités sur ce qui « peut être un simple oubli de la part du prescripteur », estimant, dans un précédent communiqué, que cet article contredit l’article 301 du code pénal, qui oblige le pharmacien au respect du secret professionnel, sauf dans des cas exceptionnels où l’intention délictueuse est confirmée par la simple connaissance de celui-ci, comme le délit d’avortement, « car une simple faute relative à la rédaction d’une ordonnance médicale ne constitue pas nécessairement un crime et peut ne pas être volontaire », indique le syndicat.
Le syndicat a également expliqué que cet article peut injustement criminaliser le pharmacien sur la base d’une fausse déclaration concernant une ordonnance non conforme, que ce dernier n’a pas signalé aux autorités concernées, ce qu’il considère comme une « grande injustice » envers le pharmacien.
L’autre article décrié par les deux syndicats est l’article 16. Le SNPAA et le SNML réclament sa réécriture en excluant la sanction pénale pour tout ce qui concerne, notamment, la non-conformité des ordonnances aux prescriptions fixées par la réglementation en vigueur, relevant de la simple faute administrative.
Le SNPAA a précisé, dans ce même contexte, que le fait que la prescription médicale soit conforme ou non au cahier des charges relève de l’erreur administrative et ne constitue pas un délit, car l’instruction présidentielle ayant levé la criminalisation de la gestion en raison d’erreurs administratives pouvant finir involontairement par nuire au bon fonctionnement des institutions et de l’économie de l’Etat, de même que l’absence d’annexe unifiée et agréée de la part de tous les acteurs, cela conduit à l’improvisation dans la rédaction des ordonnances et donc à l’erreur.
Les syndicats contestataires réclament également l’obligation d’exempter le pharmacien et le médecin de toute poursuite judiciaire, notamment si la prescription fait l’objet d’un trafic de psychotropes à leur insu.
Par ailleurs, le SNPAA et le SNML saluent dans ce projet l’approche préventive concernant le fléau de la toxicomanie qui envahit la société, en officialisant la prise en charge des personnes toxicomanes (mineurs ou adultes) par le biais de cures de désintoxication sous l’égide du médecin des secteurs public ou privé.
Il convient de souligner que concernant le volet qui prévoit la révision des dispositions pénales, le SNPAA propose de supprimer les termes santé et pharmacie pour stipuler qu’« ils seront punis d’une peine d’emprisonnement provisoire de 20 à 30 ans si l’auteur est un fonctionnaire dont l’emploi a facilité la commission du crime, ou travaillant dans le secteur de l’industrie pharmaceutique, un employé d’un établissement de désintoxication, ou un membre d’une association active dans le domaine de la prévention et de la lutte contre l’usage et le trafic de drogue et de psychotropes.
Le Syndicat a également suggéré de reformuler l’alinéa 2 de l’article 16, qui stipule : « Imposer une peine de deux à dix ans d’emprisonnement et une amende de 200 000 à 1 million de dinars à quiconque délivre sans ordonnance ou sur prescription médicale des substances psychotropes qui enfreint les spécifications précisées dans le règlement en vigueur ».
Le SNPAA demande de le remplacer par : « Sera puni d’un emprisonnement de deux à dix ans et d’une amende de 200 000 à un million de dinars quiconque aura délivré des substances psychotropes sans prescription médicale et intentionnellement, convaincu que la délivrance de stimulants psychotropes selon une prescription médicale contraire au cahier des charges ne constitue pas un délit punissable dès lors que les éléments d’intention criminelle sont incomplets ». Selon l’organisation syndicale, l’alinéa 2 de l’article 16 est entaché de doute dans les termes de volonté, car le pharmacien ou ses aides restent des êtres humains qui peuvent mal lire et interpréter l’ordonnance sans le vouloir.