Les choix difficiles de Nidaa Tounès
La Tunisie s’interroge sur les contours de la future majorité gouvernementale, tout en attendant toujours les résultats officiels des législatives remportées par le parti anti-islamiste Nidaa Tounès face à son adversaire numéro un Ennahda.
Les résultats nationaux doivent être annoncés aujourd’hui au plus tard, et, en attendant, l’instance organisant les élections (ISIE) égrène chaque jour les données circonscription par circonscription.
Ces chiffres laissent présager qu’Ennahda et Nidaa Tounès contrôleront plus des deux tiers des 217 sièges du Parlement qui doit prendre ses fonctions en décembre, sans pour autant que le parti anti-islamiste n’ait de majorité ni d’alliés évidents.
Dès lors, les journaux tunisiens évoquent une union des deux principales forces politiques dans une grande coalition.
« Le meilleur parmi ces scénarios serait une coalition Nidaa Tounès-Ennahda qui garantirait un gouvernement stable durant les cinq prochaines années », relève ainsi La Presse, premier quotidien francophone du pays.
Et cela bien que Nidaa Tounès, une formation hétéroclite regroupant aussi bien des personnalités de gauche, de centre-droit, des opposants et des caciques du régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali, ait mené une campagne virulente contre les islamistes qualifiés, entre autres, d’obscurantistes.
Mais le parti n’a pas pour autant exclu une coopération de circonstances avec son adversaire.
Pour La Presse, exclure du pouvoir le parti islamiste, deuxième force du pays, « comporte un risque : que la guerre idéologique soit finalement relancée avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer ».
Mais « il n’est pas non plus convenable que le consensus politique nous entraîne dans une configuration des choses où il n’y ait plus du tout d’opposition », nuance le journal.
Le Temps note de son côté que Nidaa Tounès est confronté à un véritable dilemme, car les partis considérés comme ses alliés naturels n’auront vraisemblablement qu’une représentation limitée au Parlement, tandis qu’une alliance avec le Front populaire, une coalition de gauche, est improbable au regard des divergences sur le plan économique.
« Ce nouveau paysage politique bipolaire rend l’obtention d’une majorité parlementaire une tâche ardue pour Nidaa Tounès », constate le journal, estimant lui aussi que « le recours à un gouvernement d’union nationale où siégeraient les rivaux d’hier est fort probable ».
Mais les élections législatives ne sont « que la première pierre dans la construction de l’édifice démocratique », le grand défi de Nidaa Tounès et de son chef, Béji Caïd Essebsi, candidat à la présidentielle du 23 novembre, estime le quotidien. « Comment va-t-il gérer la situation dans un paysage politique chamboulé ? Quels seront les contours du futur gouvernement en l’absence des partis partageant la même philosophie ? », s’interroge Le Temps.
En dépit des spéculations, les tractations vont sans doute se faire attendre, la Tunisie devant entrer samedi en campagne électorale pour la présidentielle du 23 novembre.
Malgré son grand âge, Béji Caïd Essebsi, 87 ans, en est le favori face à 26 autres candidats dont l’actuel chef de l’Etat Moncef Marzouki, le président de la Constituante Mustapha Ben Jaafar ou encore des ministres du régime chassé par la révolution de 2011.
Ennahda n’a de son côté pas présenté de candidat, indiquant vouloir soutenir le plus « consensuel », sans donner de précisions.
Les législatives et la présidentielle doivent enfin doter la Tunisie, près de quatre ans après la révolution et avec deux ans de retard, d’institutions pérennes. Le pays fait néanmoins figure d’exception dans la région, l’essentiel des Etats du Printemps arabe ayant basculé dans le chaos ou la répression.