Les bus privés … des clusters ambulants
En ces temps de pandémie de coronavirus, les bus de transport urbain privé, sont devenus de véritables clusters ambulants. Leurs propriétaires ne semblent guère se soucier des règles de préventions ou des lois mettant encore plus en péril la santé du citoyen.
Lors d’une tournée du Jeune Indépendant dans des stations de bus à l’ouest d’Alger, le constat est alarmant. Les chauffeurs de bus privés et leurs receveurs opèrent dans une anarchie totale, ne respectant guère le protocole sanitaire mis en place pour réglementer la reprise de leur activité.
Une grande partie des voyageurs sont sans masque de protection et le nombre de places dans les bus limité à 50% de leur capacité par les autorités est loin d’être respecté. Des voyageurs sont collés les uns aux autres, a-t-on constaté. Autant de délits qui entrainent le plus souvent une situation de conflit entre voyageurs et receveurs.
En cette période de crise sanitaire qui nécessite la désinfection continue des lieux, les bus ont sales où la poussière côtoie du papier partout, des vitres teintées de crasse et d’empreintes, des sièges déchirés et des receveurs le plus souvent en claquettes et en tenue non adéquate, qui ne s’inquiètent que de remplir la caisse.
A la gare routière de Douera, un bus en direction de Birkhadem, est parti avec toutes les places assises occupées, contrairement à ce qui est autorisé, en plus de deux personnes debout. Sur les 29 voyageurs, seuls 7 mettaient leurs bavettes. Les autres, y compris le chauffeur et le receveur, défiaient le virus.
La route était fluide mais le bus roulait à petite vitesse, provoquant l’ire de quelques passagers qui demandaient au chauffeur d’aller plus vite car plus il tarde plus le risque de contracter le virus est grand.
La tension est palpable, un calme inquiétant occupait l’espace, interrompu de temps à autre par la voix aigue du receveur, qui n’a pas cessé de faire des allers retours pour rendre la monnaie et distribuer de petits tickets illisibles et non datés.
Avant de quitter la commune de Khraicia, le bus était déjà bondé et rien que quelques centimètres séparent les passagers les uns des autres. A chaque dos-d’âne, à chaque trou sur la chaussée, deux mains se croisent dans les poignées noirâtres de souillure, ou sur la barre verticale. Les regards craintifs se croisent également pour s’excuser, espérant que le voisin ne soit pas infecté.
Le respect des mesures barrières aux abonnés absents
Le bus roulait à 20 km/h, «un vice pratiqué par les chauffeurs de cette ligne», selon les passagers, afin d’espacer le temps de passage entre les bus pour ramasser davantage de personnes dans les arrêts de bus.
Un premier barrage de police à Khraicia, puis un second à Saoula et le bus passe sans souci. Un chauffeur sans bavette et un bus plein à craquer, ne semblant pas attirer suffisamment l’attention pour un contrôle.
A deux arrêts de Birkhadem, une dispute éclate entre une jeune femme agacée par le nombre de personnes à bord et le chauffeur.
«On n’est entassé comme des sardines. Je manque d’air», s’est révolté la femme, reprochant au chauffeur d’enfreindre la loi en faisant monter trop de monde.
Le chauffeur, indifférent rétorque: « Si cela ne te plait pas, tu n’as qu’à descendre et prendre un taxi», puis reprend une conversation au téléphone qu’il n’a pas lâché depuis un moment. A en croire que le respect chez ces chauffeurs pointe aux abonnés absents.
« Dis-moi, il y a du monde au prochain arrêt? », interroge-t-il son interlocuteur au téléphone, certainement un autre chauffeur arrivant dans l’autre sens.
Le receveur quant à lui, qui s’est mêlé à la dispute pour défendre son collègue, a précisé à la jeune femme que tout le monde travaille de cette manière, et qu’il préfère rester chez lui que de travailler avec la moitié des places de son bus.
Une attitude qui n’a pas laissé indifférents beaucoup de voyageurs, qui, se sont indignés et les choses allaient mal tourner, mais heureusement le bus était arrivé au barrage de la police à l’entrée de Birkhdem, et deux agents ont intervenu pour calmer les esprits, faisant descendre du bus deux voyageurs très en colère pour régler l’affaire.
Mais encore une fois les policiers n’ont même pas relevé que le bus était surchargé et que la cabine du conducteur, qui ne portait pas de masque, n’était pas isolée comme précisé dans le protocole sanitaire. Ce protocole n’est appliqué que dans les bus de l’ETUSA.
Interrogée par Le Jeune Indépendant, Nacera, enseignante de profession a expliqué qu’elle subit cette torture au quotidien. « Je ne peux plus supporter ces pratiques, chaque jour j’arrive en retard au travail à cause d’eux, sans compter le risque d’infection au quel ils nous exposent pour quelques sous de plus. C’est infernale», a-t-elle déclaré lasse de cette situation.
« J’attends dans l’arrêt de bus des fois jusqu’à une heure pour vivre ce calvaire. Je passe le trajet le cœur serré par la peur de la contamination », a ajouté cette mère quadragénaire.
Pour Said, la trentaine, ce laisser-aller a toujours existé et ces dépassements sont le quotidien de beaucoup de monde.
«Ces bus sont un terrain favorable pour la propagation de la pandémie», a-t-il estimé.
Ce comportement inadmissible de ces transporteurs surtout que le pays traverse une deuxième vague d’un virus qui a détruit des systèmes de santé plus modernes et mieux équipés que le notre.
La situation épidémiologique en Algérie est alarmante et le non-respect des mesures de prévention, visant à lutter contre la propagation de la Covid-19, a induit à un rebond des contaminations et à la saturation des structures hospitalières à travers le pays.