«Les 19» et leurs détracteurs : La tête du citoyen est ailleurs
Dos à dos, alliance présidentielle et forces d’opposition se renvoient la balle et font mine de s’inquiéter de la situation du pays. A ceux qui doutent de la « bonne « gouvernance du Président, l’on répond énergiquement que le débat est ailleurs « le président va très bien « .
La démarche des « 19 « lancée le jour de la commémoration du déclenchement de la guerre de libération, avait pollué le débat axé sur la crise et la relance économique. Elle a relancé le cassandre les luttes claniques, la situation au sommet de l’Etat et surtout l’état de santé du président Abdelaziz Bouteflika.
Dix-neuf personnalités rassemblées en un bloc à connotation féminine –dix sur les dix-neuf sont des femmes- issues de divers horizons avaient souhaité dans leur missive adressée à El-Mouradia rencontrer le président de la République et lui faire part de leurs « profondes inquiétudes quant à la l’avenir du pays « et solliciter ses « interventions sur l’extrême gravité de la situation « .
S’il est légitime que des citoyens s’inquiètent de l’état de santé du président de la République, ce qui l’est moins, au sens protocolaire s’entend, est qu’ils mettent en avant leurs « liens « supposés ou réels avec le locataire d’El Mouradia pour solliciter publiquement qu’on leur accorde un droit de regard sur le chef, en posant tacitement la question qui, depuis l’élection de Bouteflika pour un quatrième mandat, taraude les pensées et intrigue.
Le président de la République gouverne-t-il réellement ou bien se fait-il substitué à son insu par « des forces occultes « ?
Ce bloc qui se définit comme une troisième force « apolitique « est monté au créneau et affirme douter des véritables tenants du pouvoir. Il prend néanmoins à témoin une opinion publique devenue, par les temps qui courent, peu encline à suivre ceux qui hier faisaient, il faut le rappeler parti de ce même pouvoir.
Ce qui donne, on ne peut mieux, un signal de l’agitation qui caractérise la scène politique, en l’absence d’un signal clair du Président.
Certes, mis à part ses interventions épistolaires, circonstancielles au demeurant lues en son nom par ses plus infaillibles collaborateurs, l’absence du président de la République de la scène nationale peut soulever des interrogations, certes, mais le débat de la rue est ailleurs.
L’objet de l’inquiétude du simple citoyen se résume à son quotidien, notamment la chute du prix de pétrole, le rétrécissement des recettes financières, le recul de l’emploi, l’inflation, les hausses des pris et la réduction de son pouvoir d’achat.
Le citoyen lambda s’est résigné depuis belle lurette à consentir que les détenteurs du pouvoir et les commis de l’Etat se chargent de la chose politique. Peu importe à qui revient la tâche.
Il a fini par apprendre à s’accommoder des informations, fussent-elles capitales, filtrées au gré des stratégies des décideurs. En bon élève, monsieur tout-le-monde ne craint que ce brouhaha auquel il n’est pas associé conduise à des impasses, voire à des explosions. Blasé par les années de terrorisme, le citoyen est hanté par le risque d’instabilité. Des millions d’Algériens sont quant à eux aujourd’hui confrontés à une crise dont ils ne sont nullement responsables.
Beaucoup s’attendent en effet à payer les pots cassés. Et ce n’est certainement pas le contenu de la prochaine loi de finances qui viendra contredire ces réalités. L’Algérien est inquiet aussi de se sentir contraint, sitôt la nouvelle année entamée, de contribuer, contre son gré, à s’appauvrir pour qu’une minorité maintienne ses privilèges.