L’éradication de l’EI a-t-elle commencé ?
Est-ce une véritable mobilisation internationale ou une coalition arabo-occidentale qui se dessine pour contrer l’Etat islamique (EI) en Irak ? Qui sera la prochaine cible ? La Syrie de Bachar Al-Assad ? Autant de questions qui se pose avec la tenue hier à Paris de la conférence sur la paix et la sécurité en Irak réunie trois mois après le début de l’offensive djihadiste dans ce pays, et surtout un mois après l’opération de décapitation des otages occidentaux par ce groupe terroriste.
« Le combat des Irakiens contre les terroristes est aussi le nôtre et nous devons nous engager ensemble, c’est le sens de cette conférence, aux côtés des autorités irakiennes, clairement, loyalement et fortement et il n’y a pas de temps à perdre », a déclaré le président français François Hollande, aux côtés de son homologue irakien Fouad Massoum.
Une trentaine de pays, dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu, débattront au cours de cette conférence des aspects sécuritaires, humanitaires et politiques de la réponse à apporter au défi posé par l’Etat islamique, qui a pris par surprise la communauté internationale cet été en s’emparant de plusieurs régions en Irak et en Syrie.
« Daesh (acronyme arabe de l’Etat islamique, ndlr) a commis au cours de ces derniers mois des massacres, des crimes que l’on peut qualifier de génocide, de purification ethnique et religieuse à l’encontre de milliers de citoyens », a souligné Fouad Massoum.
« Nous sommes devant un grand danger avec l’apparition de Daesh, peut-être que l’espoir réside dans les décisions rapides et radicales contre ce terrorisme d’un genre nouveau », a-t-il ajouté, deux jours après la diffusion d’une vidéo mettant en scène la décapitation du britannique David Haines, le troisième ressortissant occidental exécuté en un mois par l’EI. La conférence doit également permettre de préciser le rôle de chaque pays ayant fait part de son souhait de participer à la coalition internationale annoncée il y a dix jours par les Etats-Unis lors d’un sommet de l’Otan au Pays de Galles.
Une dizaine de pays occidentaux ont accepté de constituer le noyau dur de cette coalition et Washington a obtenu l’engagement de dix pays arabes, dont l’Arabie saoudite et le Qatar, à lutter contre l’EI, organisation sunnite issue d’Al Qaïda.
Après plusieurs jours de rumeurs sur son éventuelle participation, l’Iran n’était pas représenté lundi à Paris. « Nous voulions un consensus autour de la question de la participation de l’Iran mais à la fin il était plus important d’avoir certains pays arabes que l’Iran », a indiqué un haut diplomate français. Et par certains pays arabes, ce dernier sous entend l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.
Côté iranien, la version est différente. Dès les premiers jours de l’offensive des jihadistes, « les Etats-Unis via leur ambassadeur en Irak ont demandé une coopération contre Daesh. J’ai refusé car ils ont les mains souillées », a déclaré hier, l’ayatollah Ali Khamenei, à la sortie de l’hôpital où il a été opéré de la prostate.
« Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a également demandé personnellement à son homologue iranien Mohammad Javad Zarif et il a refusé », a ajouté le numéro un iranien.
A Paris, le chef d’Etat irakien a souhaité que se poursuivent les opérations aériennes contre les sites de l’EI, visés depuis le 8 août par des bombardements américains.
« Nous ne devons pas leur permettre de s’abriter, ils ne doivent pas avoir de sanctuaires », a dit Fouad Massoum. « On doit les poursuivre où qu’ils se trouvent, nous devons assécher les sources de leur financement, nous devons les encercler par des lois qui empêcheront les combattants des pays voisins ou d’autres pays d’aller les rejoindre ».
Au moment où s’ouvrait la conférence sur l’Irak, l’armée française a mené ses premiers vols de reconnaissance au-dessus du territoire irakien. Deux Rafale et un ravitailleur ont décollé depuis la base française d’al Dhafra, aux Emirats arabes unis, située à deux heures de vol de l’Irak et où le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian s’est rendu tôt hier matin.
Six avions Rafale y sont pré-positionnés et un peu moins d’un millier d’hommes déployés. Un renforcement de la base pourrait être envisagé. « Nous avons tout ce qu’il faut là bas », souligne-t-on dans l’entourage du ministre français de la Défense. Outre les volets militaire et humanitaire, la France, qui a acheminé de l’aide aux populations civiles et livré des armes aux Peshmergas, les combattants kurdes qui affrontent les djihadistes de l’EI dans leur région, insiste sur l’importance d’une réponse politique à apporter à la crise. La communauté internationale doit notamment apporter son « soutien politique aux nouvelles autorités permettant la réconciliation et le rassemblement », a souligné François Hollande, une semaine après l’approbation par le parlement irakien du gouvernement dirigé par le nouveau Premier ministre chiite Haïdar al Abadi.